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Friday, February 02, 2007

Terreur et Emballement médiatique

Jeudi soir, un reporter courageux informe aux environs de 9 heures qu’un tank léger de la force onusienne s’est fait piégé à Bois neuf. Solitaire et intrépide, dans les épaisseurs ténébreuses du gigantesque bidonville, il donne la parole aux riverains qui se seraient emparés de la mitrailleuse juché sur le tank. Ces derniers se révèlent de véritables professionnels de la manipulation médiatique et savent utiliser ce microphone « naïvement » tendu par notre courageux reporter pour faire passer leur message de terreur. On croyait entendre une radio émettant dans une zone contrôlée par une quelconque guérilla. Il y a quelques deux ans, au plus fort de l’opération Bagdad, un chef de cette « guérilla sans visage » s’était autorisé à faire entendre au média qui l’interviewait en direct, le crépitement de sa mitraille pour donner à l’auditoire une idée de la puissance de feu dont il disposait. A l’époque, l’effet avait été on ne peut plus macabre, une auditrice du troisième âge souffrant d’hypertension a dû prendre ses pilules en urgence. Récemment à Martissant, des reportages s’étaient fait largement échos d’opérations annoncées de destructions massives de vies et de biens provoquant une paralysie de la zone avant même un coup de feu tiré par des bandes armées.

L’information est précieuse en périodes de conflits mais elle peut être aussi manipulée par les uns et les autres à des fins de propagande. Le travail risqué et combien vital d’une presse qui a gagné ses titres de noblesse en informant et formant ce peuple ne doit pas être détourné par ceux qui ont compris son impact pour mettre la population non seulement en « danger de mort » mais aussi en « danger de peur » pour reprendre le chroniqueur de « vérité sou tanbou ».

Il faut pousser l’analyse en tentant de cerner la dialectique des relations entre médias, internet et le terrorisme sur un plan plus global. Selon le professeur Claude Liauzu de Paris VII, les retransmissions en direct sur le net de la décapitation d’un journaliste américain retenu en otage en Afghanistan participe de l’instrumentation du net dans une stratégie de terreur. Tout comme la diffusion en boucle des images du 11 septembre 2001 a fait titrer au journal le Monde : « Nous sommes tous américains ». Les images de jeunes palestiniens blessés par l’armée israélienne suscitent dans le monde arabe des vocations militantes et la chaine Al Jazira ne s’en prive pas dans un désir d’informer certes, mais aussi de mobiliser.

Après l’opération récente de la P.N.H et de la force onusienne, des images de femmes en pleurs et des titres comme ‘‘des balles pour cité soleil’’ laissent perplexes. Personne ne nous fera croire que la société civile dans le plus grand bidonville ne se manifeste que quand la police intervient pour officiellement combattre les menées des kidnappeurs : que des milliers de mères et de pères de famille sont d’accord avec les rapts d’enfants, les viols de femmes, l’exécution d’un inoffensif poète et journaliste que les médias de toute tendance avaient supplié les ravisseurs de nous rendre vivant. Non, personne ne nous fera croire que les populations des quartiers pauvres ne sont sensibles qu’à une seule catégorie de victimes. A moins que leurs émotions soient aussi prises en otages. Il n’y a pas de bonnes et de mauvaises victimes. Il y a que notre société a besoin de paix.

Roody Edmé

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