Le vent n’a pas encore fini de tourner dans le monde en cette fin de 2006. Une année qui a vu l’Amérique latine poursuivre avec son changement de cap à gauche. Les conflits autour de la distribution des bénéfices et de l’exploitation des ressources naturelles constituent la base des revendications populaires dans la sous-région Amérique latine.
Ces vagues ont favorisé des changements politiques de types électoraux en Bolivie, Équateur, au Nicaragua. Au Brésil et au Venezuela : Lula et Chavez ont confirmé leurs bons scores dans l’opinion. Le continent est donc en butte à une révolution tranquille qui mêne de front modernisation de l’économie et formulation de projets alternatifs sur une base solidaire.
Quant à l’Europe, elle hésite toujours entre l’attitude pudibonde qui consiste à se confiner à ses frontières actuelles et la tentation pulsionnelle de s’ouvrir à l’ancien empire Ottoman. L’Union se débat dans de nombreuses incertitudes et a du mal à établir une politique extérieure commune, chacun des pays fait pour le moment à sa manière et à Bruxelles en 2006, celà a été la foire !
L’attitude européenne vis-à-vis de la Turquie est on ne peut plus ambivalente, d’un côté on lui fait l’exigence de s’engager un peu plus à fond dans le dossier du Moyen-Orient en étant l’avant-garde « européenne » aux portes de l’Orient, de l’autre on lui demande de se convertir aux valeurs du club européen. D’où le gel actuel des négociations qui ont achoppé sur le dossier controversé de Chypre.
Au Moyen-Orient, le pays du cèdre attaqué l’été dernier par Israël n’avait pas fini de se remettre d’une guerre imposée, lorsque les fantômes confessionnels agités depuis la république voisine de Syrie menacèrent de rompre un fragile équilibre qui a fait du Liban une jeune démocratie multiconfessionnelle. Aujourd’hui, le monde entier retient son souffle et aimerait voir surgir sous la houlette de la ligue arabe un accord politique qui éviterait un retour vingt ans en arrière, à l’époque où l’écrivain Amin Maalouf vit apparaître dans son quartier, les premiers chars et leurs tourelles menaçantes. Quant à l’État hébreu, l’après Sharon se révèle particulièrement difficile à assumer par une classe politique à la remorque des militaires. Pire, la formation politique actuellement au pouvoir et dirigée par Ehud Olmert s’est alliée à un parti ouvertement raciste (Israël Beiteinou) de Avigdor Lieberman, un homme dont le programme politique se résume à l’expulsion des arabes-israéliens ou à une attaque préventive des installations militaires iraniennes. Pour le nouveau cabinet israélien, 2006 a vu s’accumuler les échecs : celui des services de renseignements qui avaient sous-estimé les forces du Hezbollah, échec aussi dans la tentative de libérer les deux soldats retenus en otages et dont le sort semble malheureusement s’empirer, échec surtout de la nouvelle doctrine militaire israëlienne qui s’est révélée incapable de réduire la puissance de feu du Hezbollah. Face à une politique aussi stérile, il reste de la place pour une percée diplomatique et une tentative de relance du processus de paix, ce qui confirme la visite, cette semaine, à Tel Aviv du ministre égyptien des affaires étrangères.
D’autant que chez les palestiniens, les luttes fratricides commencent à prendre le pas sur cette « union sacrée » pour libérer les territoires occupés. Israéliens et Palestiniens sont donc sous le plan interne en assez mauvaise situation pour tenter d’ouvrir d’autres perspectives à un conflit qui finit par pourrir toute une région.
Quant à l’Afrique, elle poursuit sa course en marge de la mondialisation. L’Afrique du XXème siècle fut le continent des minérais stratégiques et a longtemps servi de source d’approvisionnement pour les industries d’armement occidentales. Selon certains spécialistes, la fin de la rivalité est-ouest aurait entrainé la décote stratégique du contient rendu moins intéressant pour le grand capital. Pour Stephen Smith, observateur des questions africaines à l’Institut Français des Relations internationales, « le racket fiscal, l’insécurité générale et, en particulier, judiciaire ont littéralement plombé l’appareil de production, consacré la victoire du négoce sur l’industrie ». Pour remonter la pente, il faudrait non seulement venir à bout des fléaux parasitaires mais, aussi, considérablement améliorer la productivité africaine. Toujours pour ce spécialiste « la principale raison de l’échec de gouvernance en Afrique est l’éffondrement de l’État dont la capacité administrative, le pouvoir d’extraction fiscale et le monopole de la violence légitime se voient réduits à des manifestations fantomatiques ». Pourtant, au lendemain des indépendances, le continent n’était pas si « mal parti » avec un P.I.B par habitant croissant, en moyenne de 1.5% entre 1965 et 1985 contre 1.3% pour l’Inde.
L’Afrique pour 2007 a de nombreux défis à relever, spécialement dans des régions touchées par la guerre comme le Darfour. La République Démocratique du Congo vient de terminer ses élections mais la « dialectique des armes » menace de temps en temps de faire irruption dans un processus qui demeure somme toute fragile. La Somalie n’a pas finie d’agoniser sous l’emprise d’une guerre civile doublée d’un affrontement avec l’Ethiopie. .L’Asie quant à elle continue son colossal déploiement économique qui ne cesse pas d’intriguer et d’inquiéter l’Occident et la prochaine année confirmera les ambitions de la Chine et de l’Inde aux appétits insatiables.
C’est aux Etats-Unis que les choses ont franchement changé au dernier trimestre 2006. Avec la fin annoncée d’une révolution conservatrice qui avait paralysé ses adversaires en les rendant timides. Michael Moore, le flamboyant cinéaste de gauche, dans une lettre ouverte écrite aux conservateurs affirme ceci : « Jamais nous ne vous traiterons « antipatriotes » au seul motif que vous n’êtes pas d’accord avec nous … quand nous ferons rentrer nos fils et nos filles d’Irak, nous ramènerons aussi vos fils et vos filles et nous nous engageons à ne jamais envoyer vos enfants dans une guerre fondée sur une présentation Power Point minable mitonné par des types qui n’ont jamais fait la guerre ». Vous avez reconnu au passage le style plutôt satyrique du cinéaste le plus controversé de l’Amérique.
Ainsi va le monde en cette fin de 2006. Un monde où les idées se confrontent où les théories de Friedman, décédé cette année, s’opposent de plus belle aux idées alter mondialistes qui, si elles font bouger lentement le monde de l’économie sont « en mal de débouchés ». De quoi 2007 sera fait ? Une partie de l’énigme est peut être dans la lettre pour le moment secrète que le pape vient de recevoir … d’Hamadjinedad, l’homme fort de Téhéran.
Roody Edmé
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