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Sunday, December 09, 2007

Le Fragile équilibre


La décision du Parquet de poser les scellés sur une compagnie de Sécurité de la place a fait l’objet de nombreux commentaires dans les médias. A chaque fois qu’un fonctionnaire de l’Etat a l’air de faire son travail, on a envie d’applaudir des deux mains... sauf que dans le cas de ce dossier, tel que rapporté dans la presse, on se demande si la sévérité de la mesure qui frappe toute une entreprise est proportionnelle à l’infraction.

Loin de nous l’idée de jouer aux apprentis experts et de commennter à l’avenant les décisions judiciaires. Mais la fermeture d’une si importante entreprise sur une faute commise par un de ses employés pénalise plus d’un millier de salariés. Le fond de l’affaire semble porter autour de la transaction sur une arme illégale et se circonscrire à deux individus du moins selon ce qu’on entend dans la presse.

Ce pays sort d’une période troublée ou toutes sortes d’armes illégales circulaient au nom du « du droit de guerre pour tous » et la CNDDR accomplit avec le secteur Privé, dans le dialogue, un important travail de désarmement, au fur et à mesure que les méfiances tombent et que les frontières entre « ghettos » bourgeois et populaires disparaissent.

Une littérature sociologique devra tôt ou tard analyser la guerre civile de basse intensité qu’a connue ce pays durant ces dernières années et ses conséquences sur la « course aux armements » qui a de manière suicidaire touché toutes les catégories sociales.

Dans nos sociétés sans production, la lutte pour le contrôle de la richesse débouche sur une dissemination de la violence armée qui menace la sécurité publique. Selon le sociologue Jean Christophe Rufin « entre la délinquance qui est pure manifestation de violence pour acquérir un bien (par le vol, l’assassinat) et le clientélisme qui est une violence organisée des gros sur les petits pour assurer le contrôle du pouvoir et des richesses, la parenté est étroite ».

Face au relâchement des liens sociaux et dans la jungle urbaine qu’était devenue Port-au-Prince, beaucoup avaient choisi la sécurité au détriment de la loi. Mais maintenant qu’on revient progressivement à l’Etat de Droit et qu’on essaye péniblement de faire aboutir certaines enquêtes, seul un retour de la confiance dans les institutions peut provoquer un « désarmement mental » après des années de sauve qui peut.

Pour ce faire, il faut réprimer de manière exemplaire certes, mais aussi travailler à une meilleure cohésion sociale, se réappoprier ce pays comme un bien commun.

Je suis préocupé à chaque fois que nous procédons à des démobilisations sauvages de forces de sécurité. Nous l’avons fait avec légèreté en ce qui concerne l’armée d’Haïti. Puis à l’arrivée de l’O.N.U, on a renvoyé toutes les forces de sécurité avec armes et bagages, pour ensuite à travers des communiqués « puérils » demander qu’ils retournent armes et badges, on connait la suite....

Les américains se mordent les doigts pour avoir envoyé dans la nature, toute l’infrastructure de l’armée irakienne. Puisque nous parlons d’Irak, pensons à Bagdad, à l’affaire de la compagnie de sécurité «Black figther » aujourd’hui sous enquête pour bavures sanglantes.

Que je sache, il ne s’agit pas de cela dans le cas qui nous concerne à Port-au-Prince et qui implique producteurs et consommateurs de ce bien rare appelé « Sécurité ». On s’imagine que la sanction pourrait toucher les principaux concernés et ne pas s’étendre à toute la compagnie. Nonobstant les conséquences d’une mesure de cette ampleur sur plus d’un millier de salariés d’une entreprise qui n’a pas déclaré faillite, il demeure inquiétant de savoir qu’elle touche de manière indiscriminé un secteur devenu sensible pour la sécurité publique. On ne peut que souhaiter que la décision du parquet soit provisoire en attendant une enquête plus approfondie.

La question de la justesse de la justice se pose, encore une fois, dans ce cas comme dans d’autres.

Roody EDME

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