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Sunday, December 09, 2007

Pathologie de l’Etat Faible.

Pathologie de l’Etat Faible.

La situation de notre pays continue d’attirer l’attention des chercheurs internationaux spécialement en ce qui concerne les échecs accumulés sur le plan de l’organisation de l’Etat et de l’instabilité permanente qui handicape tout projet de développement. J’ai le plus souvent tendance à me méfier de certaines études trop catégoriques dans leurs conclusions et souvent pontifiantes dans leurs considérations sur une réalité autrement plus complexe.

Certaines d’entre elles méritent cependant un débat sérieux, surtout quand elles nous invitent à nous détourner de la politique fiction pour comprendre profondément les tourments de cette nation qui ne finit pas de se déconstruire. C’est le cas de cette étude de Monsieur Lee Chance, un spécialiste américain des sciences sociales sur les facteurs aggravants de la crise haïtienne. Selon cet article publié par Alter presse, Haïti fait face à des risques internes que sont les crises politiques récurrentes et externes comme par exemple les catastrophes naturelles qui ne finissent pas de ruiner une économie déjà fortement marquée par la débilité. Le spécialiste américain invite à prendre en considération dans toute analyse de la situation haïtienne, la faiblesse du capital social, la longue méfiance qui caractérise les relations entre les groupes sociaux, les inégalités criantes facilement exploitables, c’est nous qui soulignons, par ceux qui font bon ménage des slogans faciles et trompeurs, ce qui fait que comme en Amérique Latine un certain populisme de droite comme de gauche à de l’avenir chez nous.

Ceux qui ont aujourd’hui la charge de ce pays dans l’exécutif comme au législatif doivent s’engager avant tout dans un processus de construction de la paix sociale à travers des politiques publiques résolument audacieuses qui desserreront progressivement l’étau de la pauvreté, ferment idéal de l’instabilité. Or c’est connu, une économie de guerre permanente ne saurait soulager les besoins d’une population en manque de l’essentiel. Lee Chance s’interroge si la paix sociale n’est pas prioritaire au développement dans le cas d’un pays si compulsivement agité. Nous dirons qu’il semble dans l’état d’urgence actuel qu’il faille s’efforcer d’atteindre les deux objectifs.

Pour cela, il nous faut entrer à tout prix dans l’âge du politique en sachant nous méfier du sensationnalisme et des « bri kouri » qui fragilisent l’ensemble du processus de reconstruction de l’Etat, d’autant que dans ce domaine comme dans un autre, l’instabilité permanente est devenue pour certains un moyen de réussir en politique.

Dans un pays encore vulnérable, la récente vague d’insécurité semble donner raison à ce spécialiste américain qui croit que les moments d’accalmie en Haïti ne servent qu’à s’abriter pour la prochaine vague. En frappant le simple citoyen comme le dirigeant politique, cette nouvelle forme d’insécurité même si elle est loin d’être généralisée ne devrait nullement être sous-estimée par les responsables nationaux et étrangers. Son impact psychologique risque d’avoir un effet de cumul dans les esprits ne serait-ce qu’en raison des traumatismes passés.

Dans ce contexte difficile ou le bateau menace à nouveau de prendre l’eau sous l’effet de catastrophes naturelles ou de chaos social plus ou moins annoncés. Les pouvoirs publics doivent redéfinir les priorités en se concentrant sur le combat titanesque contre la pauvreté, la résurgence vicieuse de l’insécurité et la dégradation accélérée de l’environnement que les maires avec leurs faibles moyens ne font que traiter en surface quand ils n’ont pas l’air tout bonnement d’abandonner devant l’ampleur de la tâche.

A ce propos, le débat actuel autour de la constitution est assez tonique pour une société en mal de définition de son avenir, mais il ne doit pas occulter les problèmes essentiels de survie de ce pays pour nous fait tomber dans un Babel juridique ou certains font assauts de mauvaise foi. Toute perversion du débat constitutionnel risque de faire le jeu des entrepreneurs de violence, or il semble que les énergies devraient se mobiliser sur comment construire enfin la paix sociale et faire reculer la pauvreté.

Toute chose qui passe par le fameux dialogue national et le pacte de gouvernabilité qui seraient les lieux les plus recommandés pour poser la problématique constitutionnelle. Sur cet important dossier de « peace building », nous faisons malheureusement preuve d’une paresse coupable.

Roody Edme

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