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Saturday, August 11, 2007

Cité Soleil : A Quand la Fin de l’exclusion

Cité Soleil est pacifié et il n’existe plus de frontières entre les différents quartiers du plus grand bidonville de Port-au-Prince. C’est tout un monde qui est en train semble-t-il de changer sous nos yeux et du coup on tombe dans le panneau de ne plus presque mentionner la cité dans nos reportages. Un « turbulent silence » couvre ces anciens quartiers chauds qui ne sont en fait, que des volcans en sommeil.


Les quelques reportages de reporters de l’AFP ou du journal le Monde mentionnent la satisfaction générale de la population qui peut enfin vaquer librement à ses activités mais dont la situation de désespoir demeure dangereusement inchangée.

Alors, si on n’agit pas vite sur les conditions socio-économiques de ces populations, la paix retrouvée ne sera que temporaire car c’est devenu un lieu commun de répéter que le désespoir fait le lit du terrorisme et du crime organisé. Et la leçon est d’ailleurs bien apprise chez nos voisins du Sud venus depuis maintenant trois ans nous aider à circonscrire le feu d’un début de guerre civile non révolutionnaire.

Le Président brésilien Lula vient en effet d’annoncer un plan très ambitieux pour les favellas de Rio qui représentent un défi permanent pour les unités d’élites de l’armée et de la police brésilienne.Une sorte d’état d’urgence sociale est décrété autour de ces quartiers défavorisés trop longtemps exclus du projet social brésilien et dans ce contexte Rio de janeiro n’est que la vitrine d’une réalité latino-américaine autrement plus complexe.

Chez nous, le Premier Ministre Alexis avait annoncé un milliard de gourdes pour Cité Soleil et on attend avec une certaine impatience, je l’admets, de voir des routes goudronnées ou pavées, des ouvrages de santé ou d’éducation et surtout une population débrouillarde, grouillante de dynamisme réinventant les chemins de l’espoir. Il faut dire à la décharge de la Commission sur le désarmement qu’un inventaire des petites et moyennes entreprises détruites par la guerre des gangs serait pour le moment en cours à Cité Soleil. C’est une bonne chose, mais le temps presse et nous avons trop souvent tendance à nous voiler la face quand nous ne sommes pas en prise directe avec l’incendie.

C’est pareil pour l’environnement : la dégradation des mornes entourant le Canapé vert ne s’est pas faite en un jour et le morne Jalousie est devenue une gigantesque vérue urbaine au fil des années d’indifférence et de non aménagement de l’espace haitien. Pris dans nos traditionnelles parties de poker menteur et dans le dénigrement réciproque devenu un sport national, nous n’avons pas toujours pris conscience que la terre s’en allait à la mer ou du moins, combien de fois l’avons nous observé du hublot d’un avion et oublié une fois au sol.

Souvent nous nous sommes laissés aller à croire que tout allait changer au lendemain d’un grand soir pour nous retrouver toujours avec la gueule de bois des lendemains qui déchantent. Un pays ne se construit pas à coups de projections utopiques ou de fantasmes révolutionnaires mais sur la base d’un projet social commun piloté par des élites compétentes et responsables-, avec dans le cockpit la présence vigilante de ceux qui ont reçu mandat du peuple et les organisations de base non encore atteint par le virus du clientélisme politique.

En vérité, la lutte contre la pauvreté ne doit pas se réduire à une messe basse célébrée sous les lambris de nos batiments officiels, dans le ronron habituel de nos cabinets feutrés. Elle doit être visible comme certaines de nos rues qui ont pris depuis quelque temps un coup de propre ou qui ont carrément glissées dans des habits neufs.

Ce gouvernement a eu le mérite de contribuer à un climat social apaisé et à un certain assainissement des finances publiques qui ouvre enfin la voie à des débats passionnés autour de la monnaie et de la production nationale. Il lui reste cependant beaucoup à faire pour que les fruits tiennent la promesse des fleurs, car pour peu qu’on ait l’esprit républicain on ne saurait tolérer que Cité Soleil, faute de drainage, soit le déversoir des eaux usées de la ville. Il faut de toute urgence intervenir dans ces quartiers jadis ravagés par la violence et qui sortent à peine de leur torpeur, canaliser l’aide humanitaire pour qu’elle soit autre chose que l’autre face de la misère.

Parceque la guerre civile n’est pas inscrite dans nos gènes sociales, mais se nourrit du désespoir, parceque nous n’avons pas sû par le passé conjurer certains sorts funestes : nous devons agir vigoureusement pour remonter le sens de l’Histoire en viabilisant le « rêve d’habiter ».

Roody EDME

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