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Wednesday, August 15, 2007

Marginaliser la Pauvreté

La presse haïtienne s’est faite l’écho la semaine dernière d’activités regroupant des comités de quartier, des entrepreneurs et des institutions de l’Etat dans une vaste opération d’assainissement et de « recovery » de la zone dite de Batima. Un quartier marqué au rouge par la violence de ces deux dernières années. Véritable balafre dans le visage déjà émacié de notre capitale, cette zone revient progressivement à la vie et on envisage la re-capitalisation de certaines entreprises victimes du climat général de violence et qui avaient dû déclarer faillite ou réduire de manière drastique leurs effectifs.

De tels gestes concrets de reprise en main de secteurs entiers de la ville sont à encourager dans la mesure qu’ils se déroulent dans un atmosphère de solidarité et de convivialité entre des gens ayant en commun « le rêve d’habiter » ou de commercer dans un quartier, jadis un des plus actifs du bas de la ville. Ils marquent surtout le début d’un tèt ansanb très souvent utilisé dans nos slogans mais très peu appliqué dans la réalité en raison de grandes déchirures historiques qui firent s’écrier à Rosalvo Bobo en1914 « chacun de nous est un destructeur né de la patrie ».

L’expérience des riverains de la rue Salomon et autres quartiers avoisinants prouve que l’exemple de reconstruction peut venir « d’en bas » dans le sens des intérêts bien compris de ceux qui prennent le risque d’investir et la grande masse des travailleurs potentiels qui ne demandent qu’à produire des richesses, pourvu que soit garanti un climat sûr et stable.

Si ce mouvement fait tâche d’huile dans d’autre quartiers de la ville, il pourrait changer l’aspect général de dépression que laisse la capitale à ses visiteurs étrangers et annoncer le retour de la vie saine de quartier qui manque à certaines générations.

Tout ceci nos ramène a cette fameuse lutte contre la pauvreté et aux assises actuelles de l’hôtel Montana. Ces jours-ci se déroulent les ateliers par secteurs et qui avancent selon un agenda particulièrement rigoureux. Nous ne pouvons que souhaiter qu’aucun secteur ne soit négligé dans ce processus participatif si vital à l’élaboration d’une stratégie de lutte censée orientée un vaste plan programmatique sur vingt cinq ans.

Le processus participatif devra permettre la prise en compte des revendications des populations vivant dans la pire des précarités. Sans oublier celles que Mireille Anglade appelle « l’autre moitié du développement », à savoir les femmes de nos campagnes et villes. Il n’est pas dit dans le cas d’Haïti qu’une certaine efficacité macro-économique ne puisse être mise au service d’une plus grande solidarité sociale. Et qu’une certaine « technocratie organique » issue des entrailles de ce peuple ne puisse travailler à réengager l’Etat sur le terrain de ses responsabilités sociales. Toujours est-il qu’il faut chercher à réduire les méfiances qui plombent le travail en équipe de nos spécialistes à quelque secteur qu’ils appartiennent. A favoriser surtout une appropriation du document par tous les groupes organisés (libéral ou anti-libéral) en vue d’un consensus minimum qui s’éloignerait de toute langue de bois mais qui viserait surtout les intérêts supérieurs de ce peuple.

N’est-ce pas l’occasion de remettre en selle cette idée d’observatoires de la société civile et d’organisations paysannes pour critiquer, encadrer, et finalement entretenir une vigilance civique autour de l’opérationnalisation finale de ce document qui ne doit pas être un de plus dans notre longue histoire de bureaucratie inopérante.

Roody Edme

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