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Sunday, September 18, 2005

O CANADA

Ô CANADA…..

Il y a de celle qui, au bal des Amériques, joue de leur arrogante beauté pour nier toute parenté avec leur sœur aînée qui ne paie pas de mine. Il y a d’autres qui ne nous connaissent plus même, après nous avoir nommés. Pourtant un grand peuple a osé !

La récente nomination de Madame Michaëlle Jean, d’origine haïtienne, au poste de Gouverneur général du Canada est venue jeter du baume au cœur de millions de compatriotes humiliés, parce que le pays va mal. Et, quand tous les Haïtiens  apparaissent comme des réfugiés potentiels d’un pays en plein naufrage et, dont tout le monde déplore le statut de "failed state", ce,  pas forcément de manière désintéressée. On pouvait comprendre l’émotion qui nouait la gorge de nos principaux présentateurs des émissions de nouvelles en cette après midi torride du mois d’août.

Il semble qu’un peuple vivant dans de si grands espaces ne saurait se satisfaire de mesquineries. Le Canada, terre d’accueil de nos exilés de toute sorte, envoyés "au piquet" dans la neige par nos différents dictateurs, vient de nous surprendre encore à travers cette noble décision. On connaissait déjà la tradition hospitalière du pays du "blé d’inde" et son sens de solidarité. Les principaux responsables politiques canadiens n’ont-ils pas défilé à Port-au-Prince pour apporter leur support à la difficile transition politique de notre Haïti.

La décision de nommer Madame Jean, à un poste aussi prestigieux, est un gage certes de sa compétence mais aussi et surtout, signifie, qu’il est possible de bâtir une société riche et plurielle. Michaëlle Jean incarne désormais l’espoir de tous ceux qui, à un titre ou à un autre, ont contribué à la grandeur de leur patrie d’adoption.

Je pense à tous ces maîtres haïtiens qui ont travaillé à la formation académique et civique des élites qui ont fait de ce pays un des meilleurs espaces de vie de la planète. Ils ont, sans esprit chagrin, malgré les douleurs de l’exil, donné le meilleur d’eux-mêmes. Je pense à un Jean Emmanuel Alfred, à qui on pourrait consacrer toute la série télévisée "L’Instit".  A tous les intellectuels : écrivains, éditeurs, historiens, linguistes et autres géographes de leur état, cet honneur vous appartient.

J’imagine que quelque part, dans les foyers haïtiens de la côte des neiges, on parle de l’histoire étonnante de cette émigrée arrivée au faite de l’histoire, cela pourrait inspirer Stanley Péan ou Dany laferrière dans leurs chroniques américaines. Seulement, c’est de l’Histoire qui s’écrit aujourd’hui, en lettres d’or, à un moment où on en a le plus besoin.

Je voudrais dire deux mots à Madame la Gouverneur, qu’elle ne lira peut-être pas. Je voudrais lui dire, merci, de s’être souvenue de sa terre natale devant les caméras du monde entier. Un peu, dans un tout autre registre, comme Wyclef s’enveloppant du drapeau national au moment de recevoir un "award".

Madame la Gouverneur, vous avez quitté votre terre natale, à l’époque des "années de braise", le "feu dévore encore la forêt". Votre pays d’adoption vient de nous offrir un bouquet d’humanité faite de feuilles d’érables, de palmistes et de cœurs. Puissions-nous le recevoir en rêvant de "fleurs nouvelles" et régénérer la terre lavée comme une grève. Pardonnez ces accents poétiques, chez nous quand l’histoire grimace c’est à la poésie que nous avons recours.

Aujourd’hui, j’ai aussi une pensée pour toute cette jeunesse émigrée, studieuse qui à Brébœuf, Concordia, MC Gill ou l’Université de Montréal est en réserve de l’une ou l’autre patrie, de sang ou de cœur.

Notre pays a encore les veines ouvertes et l’hémorragie continue…beaucoup de Michaëlle quittent encore la terre natale en raison de nos pulsions irréductiblement suicidaires. Puisse celles et ceux qui ont dû partir sachent tirer profit de sociétés d’opportunités qui savent comme au Québec "se souvenir". Les familles ont une lourde responsabilité, pour que nos jeunes ne se transforment en bad boys" à l’identité meurtrie.

Bien sûr, au pays du sirop d’érable, tout n’est pas fondant sucré. Un récent virus raciste a empoisonné les boites aux lettres, ici et ailleurs, mais la bataille continue pour une diaspora courageuse et de qualité, à l’instar de nos chauffeurs de taxis et des made des hôtels de Montréal ou de Toronto, qui fasse mentir ceux qui ne supportent pas la différence.

Comment ne pas associer quelques amis d’Haïti vivant au Québec, militants du bonheur humain ; Nicole Patenaude, Danielle Lavallée, Eugide Maltais. Notre ami André Marcoux qui nous avait fait un jour la question : « Pourquoi regardez-vous des matchs de hockey, vous qui n’avez de la glace que dans votre Rhum ? » Je lui réponds aujourd’hui, que c’était peut-être prophétique.

Désormais sur les baies de St James et de Port-au-Prince flottent nos deux drapeaux gonflés de vent et de fierté, semblant conter aux peuples du monde entier l’aventure d’une jeune émigrée qui ne venait ni d’Irlande ou d’Italie mais d’Haïti.

Devant la beauté inclusive du geste, dans un monde conçu pour les plus forts, j’ai envie de dire au Premier ministre Paul Martin, que son grand pays tout blanc de neige, cache quelque part enfoui dans sa terre glacée, le trésor mythique des Amériques : Le Rêve d’habiter.


Roody EDME

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