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Tuesday, June 20, 2006

Moyen-Orient « Du sang rouge sur le sable »

Une famille s’amuse sur une plage de Gaza. Il y a là une jeune palestinienne et ses parents : ce qui va suivre n’est pas sorti d’un quelconque roman de l’absurde, mais relève d’une actualité chaque jour plus tragique. Soudain, une roquette israélienne s’abat sur la plage et prive en une fraction de seconde, la jeune fille de ses parents, pour toujours ! C’est ainsi que cette jeune palestinienne est devenue tragiquement célèbre, son visage hagard, ses pupilles collées à cause de trop de larmes sont immortalisés par les flashs des grands reporters.

Quelques heures plus tard, elle se trouvait à la Mokata, siège du gouvernement palestinien, elle était désormais la fille adoptive de Mahmoud Abas, le président de l’autorité palestinienne prit cette décision en signe de réparation. Le lendemain, en représailles, des roquettes, cette fois palestiniennes tombent sur un village israélien, dans la cohue, des mères tentent d’offrir à leurs enfants un abri dérisoire de leurs propres corps, comme si ce bouclier de chair et d’os pouvait résister aux roquettes à fragmentation.

Ces épisodes sanglants sont le lot des habitants du Proche-Orient, une zone de contact ou se sont implantées les grandes religions monothéistes : Juive, Chrétienne et Musulmane. Des siècles de prières, de méditations et de révélations en hébreu et en arabe n’ont pas écarté la haine dans les cœurs et n’ont pas fait disparaître la peur de l’autre. Au contraire, pour quelques fondamentalistes de tous bords, « l’éternel est le Dieu des armées.» C’est la peur de l’autre qui fait que les Israéliens vivent le poignard entre les dents, c’est cette peur des arabes qui explique les efforts de guerre de Tel Aviv qui dépassent de loin ceux de ses adversaires de l’autre camp. Car Israël doit rester « fort » pour écarter toute convoitise sur la terre promise.

En face, c’est la même appréhension, les palestiniens craignent que leurs villages ne soient isolés et transformés en Bantoustans et que, le mur de la honte, celle de la séparation, construite par l’armée israélienne ne vienne supplanter, celui plus sacré des lamentations. Que le rêve de Grand Israël nourri par les pères fondateurs de l’Etat hébreu et relayé par Sharon n’absorbe purement et simplement la Palestine.

Et c’est cette même peur d’autrui qui fait que dans le camp même des palestiniens a commencé une lutte fratricide. Les miliciens du Hamas contre ceux du Fatah, un gâchis sanglant qui discrédite toute une cause et qui l’affaiblit certainement. L’autre avait dit «l’enfer c’est les autres». Dans cette région pourtant naquit un homme, prophète de son état, respecté de toutes les religions qui avait affirmé « Aimez-vous les uns, les autres ». Mais il se trouve que la guerre est malheureusement inscrite de manière indélébile dans l’histoire de l’humanité. La guerre qui nous prend les meilleurs d’entre nous, les plus jeunes surtout le guerrier, dit-on, doit être vif et fort. Et cette «héroïque boucherie» ne cesse de nous éclabousser de notre propre sang et, l’humanité a depuis les veines ouvertes.

Jamais, nous dit un article de l’encyclopédie, «Les triomphes les plus éclatants ne peuvent dédommager une nation de la perte d’une multitude de ses membres que la guerre sacrifie ; ses victoires même lui font des plaies profondes que la paix seule peut guérir». En Haïti depuis quelques temps, il souffle «un vent de Janvier» qui rappelle les pires moments de l’insécurité. Tout se passe comme si, une main diabolique et velue voulait s’accaparer du fragile consensus en cours pour, le fracasser contre les murs du désespoir et planter «le drapeau noir de l’anarchie» sur nos crânes inclinés. «Tout cela est fatigant, Roody» me confia un ami journaliste, croisé chez un coiffeur. Oui, Hérold, c’est pour cela que la coupe du monde divertit autant.

Roody Edmé

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