Le Hamas est-il soluble dans la Démocratie ?
Une véritable « houle » dévale les rues de Gaza et de Ramallah. Des milliers de Képi, de fanions aux couleurs du Hamas, pour fêter la surprenante victoire d’un des groupes les plus radicaux de la résistance palestinienne. Au milieu de cette foule compacte, vêtue de vert, des commandos encagoulés font crépiter dans l’air, leurs mitrailleuses. Une ambiance de joie, mais tout de même teintée de menaces et d’incertitudes à donner froid dans le dos aux spécialistes étrangers du Proche-Orient.
Dans de nombreuses capitales du monde, l’étonnement le dispute à la désolation. L’autorité palestinienne risque pour la première fois, depuis quarante ans, d’échapper au Fatah, et passer sans le contrôle d’une organisation classée terroriste dans les carnets des chancelleries américaine et européenne.
Comme à l’accoutumée, dans de pareille circonstance, l’Amérique sort son arme habituelle, l’aide économique sera réduite, si, le Hamas contrôle le nouveau gouvernement. Dans les milieux autorisés à Tel Aviv comme à Washington, c’est l’heure des bilans ; les services secrets ont-ils été encore une fois pris de cours par cette victoire ? En fait, ils se sont contentés de lire les sondages comme le commun des citoyens. Mais rétorque un spécialiste de la question, « le meilleur service de renseignement ne peut tout prévoir des paramètres d’une élection. »
On savait que le Fatah pouvait être dans l’obligation de former un gouvernement minoritaire, mais de là à ce « tsunami vert » qui risque de prolonger, ce que les américains appellent, l’axe politique du "mal" de Damas à Téhéran pour arriver aujourd’hui à l’autorité palestinienne, il y a un fossé que les spécialistes occidentaux n’osaient plus franchir. Ce à quoi, les dirigeants du Hamas répondent : « Le Monde a mis en avant le slogan de la démocratie, si vous voulez punir le peuple palestinien de l’avoir exercé, qui osera punir le peuple américain d’avoir choisi le président Bush ».
Une rhétorique qui annonce à "fleurets mouchetés", la nouvelle polarisation qui risque d’enflammer une région, véritable nœud gordien, de conflits qui essaiment la planète. Qu’est-ce qui a bien pu faire basculer le peuple palestinien dans les bras des intégristes ? « Depuis dix ans, l’Autorité palestinienne a été incapable de construire les fondations saines d’un État » déclare un responsable en pleine autocritique. Le Fatah a vu quelques uns des membres de son appareil politique s’enrichir en détriment de la cause du peuple palestinien. Bien que représentant la meilleure chance pour la paix, l’organisation a laissé s’éroder sa crédibilité sur le plan de sa gestion de l’aide internationale dont l’Union Européenne est la principale contributrice. A l’opposé, le Hamas a su administrer avec vigueur les quelques zones placées sous sons contrôle, le rigorisme religieux aidant, « les hommes en vert » ont su fournir des services à une population qui a un urgent besoin de satisfaire ses besoins essentiels. L’apparente vertu révolutionnaire du Hamas à engrangé des bénéfices politiques qui aujourd’hui, culminent avec leur écrasante victoire aux législatives du week-end dernier.
Mais le Fatah n’a pas non plus été très aidé par la communauté internationale, les modérés de l’organisation ont tout le temps forcé à des concessions sans grande contrepartie de l’autre camp. Les Etats-Unis fournissent à Israël une aide civile et militaire supérieure à 3 milliards de dollars l’an. Bien que n’étant pas un pays sous-développé, l’État hébreux figure en tête de liste de l’aide étrangère américaine. Et fait unique dans les relations internationales, le protégé se sent indépendant de son protecteur. Les Etats-Unis considèrent Israël comme leur "fille aînée" dans la région et l’avant-garde de la lutte contre le terrorisme. Il faut ajouter au drame du Fatah, la construction du mur de sécurité par l’armée Israélienne, le retrait unilatéral, sans négociation, décidé par Sharon humiliant au passage L’autorité palestinienne.
La situation se complique pour le monde : la résistance palestinienne au bord de l’éclatement, Israël, forteresse assiégée qui craint légitimement un chaos à ses frontières, l’occident qui voudrait bien d’un État palestinien, mais qui passe tout à Israël, à cause du complexe de la Shoah (massacre des juifs) et, un vieux général endormi que tout ce bruit ne semble déranger.
Roody Edmé
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