“ ASSEZ ” !
Lorsqu'est mort le philosophe Jean Paul Sartre, l'écrivain engagé qui descendait sur l'asphalte vendre le journal '' la cause du peuple'', ou qui était dans les rues de Bobigny, lors des fêtes de « l'huma » une des figures de proue de la militance intellectuelle ; on décréta la mort de l'intellectuel engagé. Mais on avait oublié un autre poids lourd de la pensée française, un historien de la mémoire oubliée, un homme qui campe derrière ses opinions : L'historien Pierre Vidal de Naquet, décédé ce samedi 29 juillet 2006. Son dernier geste a été de signer une pétition contre la guerre au Proche-Orient. Dans un texte publié cette semaine au titre ô combien évocateur, « Assez », il stigmatisait les derniers bombardements de l'armée israélienne et nous avertissait que le pire pouvait encore arriver. Dimanche 30 juillet, ce fut le drame tragique de Quana. Des bombes ensevelirent le village tout entier sous les feux d'une actualité qui ne brûlera plus sa conscience d'homme d'action. Pour cet historien spécialiste de la Grèce Antique, une fois les faits historiques révélés, le chercheur doit déposer sa lampe de témoin pour redevenir auteur, mettre la main à la patte de l'histoire et aider à conjurer les catastrophes humanitaires. L'agir est du domaine de l'humain qui peut imprimer un autre cours à l'histoire. Il y a quelque chose de Sartrien et de marxiste chez ce grand chercheur qui pourtant se méfiait des ''dieux mortels''. L'humanisme d'un Naquet tout comme celui de Sartre n'exclut pas l'idée d'un universel qui dépend des choix libres des hommes et varie historiquement. L'engagement est le mode d'existence de la liberté et de la responsabilité qui s'inscrit dans l'histoire. Naquet devait ainsi s'illustrer dans sa vie de plus de 70 ans, il fut un français contre la guerre d'Algérie, un juif contre les négationnistes des chambres à gaz, il fut selon le mot de Chateaubriand ''l'historien chargé de la vengeance des peuples''. Celui qui entra en histoire comme d'autres sont entrés en religion et qui plaida pour l'existence d'un État palestinien. Cet intellectuel, fils d'avocat Dreyfusard n'a pas voulu partir sans une dernière pétition à la vie et « aux frères humains qui vivront après lui ». Assez ! d'un spectacle sanglant qui n'est pas de la télé réalité.
Roody Edmé
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