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Friday, February 02, 2007

Tour de Babel

Il y a quelques mois les déclarations plutôt légères d’un premier ministre hongrois avaient provoqué des manifestations qui enflammèrent les rues de Budapest. Plus récemment lors d’un sommet du G8, devant un micro ouvert, le Président Bush avait laissé échapper un propos déplaisant à propos de l’Iran qui avait fait les choux gras de la presse américaine. Jusqu’à là candidate socialiste Ségolène Royal qui s’est faite récemment épinglée par la droite lors d’une tourneé au Proche-Orient pour avoir affirmé qu’elle était prête à discuter avec n’importe quel élu démocratiquement fusse-t-il du Hamas.

C’est dire comment est lourde la responsabilité de ceux qui dirigent ou prétendent diriger. Le langage n’est pas neutre et les mots trahissent parfois notre pensée. Certains reprochent au Président Préval d’avoir poussé trop loin les conséquences d’une telle approche en étant avare de ses mots !

Quand au premier ministre on a coutume de vanter son franc-parler, il dit, se plait-on à rapporter, ce qu’il pense. Je me souviens avant qu’il soit nommé premier ministre, on en avait fait un critère appréciable dans un environnement politique connu pour toutes sortes de postures langagières : nationaliste, populiste, quand ce n’est pas la langue de bois sentencieuse qui tranche à la guillotine tout débat d’idée.

Sauf que ce « franc-parler » quand il est lancé à la cantonnade juste quelques secondes avant de s’engouffrer dans une voiture peut faire mal dans l’opinion ou, plus redoutable, lorsqu’une partie de la déclaration, la plus incisive, a été retenue par des reporters victimes, eux aussi de la course effrénée à l’information. Un chroniqueur avait déjà soulevé avec raison, quelques problèmes de communication au plus haut sommet de l’État, certaines déclarations paraissant à la limite de la ‘‘provoc’’. Cependant, dans un dossier aussi important, et dans une société de l’ébullition permanente : il faut aussi se garder des approches émotives et ou alarmistes. Par exemple, la déclaration du premier ministre Alexis, concernant le danger causé par le retour de certains « déportés » pour la sécurité des rues a été mal traduite dans l’opinion.

C’est que tous les déportés ne sont pas de dangereux criminels et il serait démagogique d’affirmer que l’insécurité est un produit made in « X ». Tout de même, sans se voiler la face, il y en a aussi qui le sont et, qui ont apporté une certaine expertise dans la multiplication des actes d’insécurité. Tout comme cela s’est produit dans bien de pays d’Amérique Centrale qui demandent aux Etats-Unis un moratoire sur les déportations. La résistance est d’autant plus forte de la part de ces pays que l’ambassade des Etats-Unis reconnait l’existence d’une loi à appliquer par le département d’État au cas où des pays, pas seulement Haïti, n’auraient pas voulu exercer leur « droit de souveraineté » en refusant de recevoir les déportés. Monsieur Alexis en dépit des « outrances » de son franc-parler, n’a pas inventé le problème ! La crimalité sophistiquée s’est aussi globalisée , les multinationales de la terreur et les « PME » du racket ne sont pas une exclusivité haitienne ou jamaicaine.

Pire, une interprétation qui circulerait ici et ailleurs amalgamerait le terme ‘‘déporté’’ à Diaspora ! Là, encore, il faut faire attention pour ne pas alimenter une fausse polémique et provoquer un malaise dans une communauté haïtienne à l’extérieur respectable, laborieuse et ‘‘very suportive’’ du pays natal. S’il faut que nos femmes et hommes d’État sachent retourner « sept fois » leur langue avant toute déclaration, il est aussi opportun que des interprétations par trop hyperboliques et ou abusives de leur propos ne viennent rendre plus toxiques un environnement social déjà passablement pollué. A qui peut profiter un sophisme aussi malheureux qu’absurde : « un déporté vient de la diaspora, tout individu de la diaspora est un potentiel déporté ». Encore, s’il s’agissait de problèmes d’immigration mais là, il s’agit de crimanilité. Alors arrêtons d’alimenter cette malheureuse guéguerre sémantique.

Ce serait contre-productif de l’amplifier à un moment ou la mobilisation État, secteur privé et artistes de la Diaspora a permis de remporter une première manche au congrès américain autour de la loi Hope, laquelle loi exonèrerait les produits textiles venus de chez nous. Une opportunité qui remettrait des milliers de gens au travail. Définitivement les plus belles pages de notre Histoire ont été écrites ensemble.

Roody Edmé

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