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Friday, February 02, 2007

Vigilance

La patte griffue de la mort s’est encore abattue sur notre ville. Le cri d’une mère devant le corps mutilé de sa fille a déchiré les ondes hertziennes et trouvé écho jusque dans les entrailles profondes de notre peuple. L’assassinat suivi de mutilation de Farah, l’étudiante, est un attentat contre la famille haïtienne et une atteinte avilissante (une fois de plus) au corps des femmes. ‘‘Le réveil citoyen’’ dont parle des femmes et hommes politiques est plus que nécessaire. Et la mobilisation ordonnée, intelligente, organisée pour faire reculer l’inacceptable s’impose à la société civile comme à l’État. Dans un de nos précédents articles, nous avions parlé d’État d’urgence contre l’insécurité, parce qu’elle est une urgence nationale, parce que c’est le plus grand complot contre l’avenir d’Haïti. Parce que ce n’est pas le moment pour l’exécutif et le parlement de laisser « flotter des brumes » sur ce dossier, épine empoisonnée dans les talons de la nouvelle administration.

Déjà à l’approche des fêtes, des fusils claquent dans l’air du soir et menacent de confisquer les rêves de nos enfants. Et dans certains quartiers, des citoyens s’endorment en espérant que ces bruits qui déchirent la nuit sont peut être le fait d’enfants gaffeurs qui s’amusent au … « jeu » des adultes. Le centre ville est de temps en temps saisi de ces humeurs de folle panique qui rappellent la conjoncture de l’année 2005.

Pourtant, certains groupes avaient annoncé avoir mis une sourdine à leur « impatience armée ». Trêve de Noel ou « résolution patriotique » ? On aurait souhaité la deuxième proposition.

Dans un autre registre, le F.M.I et la Banque Mondiale ont déclaré Haïti éligible à une réduction de sa dette. Pour le moment, on ne parle que de soulagement, pas de « totale rémission ». Mais une bonne nouvelle quand même, quand on sait ce que le service de la dette représente comme poids sur des économies réputées faibles comme la nôtre. Une des plus grandes frustrations de ce peuple a toujours été de rembourser des fonds qui tout compte fait n’ont rien changé à sa misère deux dois centenaire.

Cette fois-ci, il faudra veiller à ce que chaque sou vaillant soit bien dépensé. Encore une fois, le budget de la République est un excellent départ, et il semble que la frénésie à former de nouveaux contrôleurs publics participe de cette volonté politique de rigueur et de transparence affichée par l’exécutif. Là encore, la vigilance est de mise, de la part du parlement dont l’activisme débordant rassure en même temps qu’il inquiète par moments, lorsque certaines déclarations paraissent trop versatiles. De même, il serait ubuesque que face à tant de pauvreté on se révèle une fois de plus incapable de dépenser l’argent disponible.

Le président justement alarmé par le blocage de 25 millions de dollars dans les caisses publiques aurait convoqué une réunion des commis de l’État et la société civile autour de cette pathologie des États faibles, appelée « capacité d’absorption ».

Le gouvernement qui a engrangé quelques points pour la bonne tenue des finances, dans le sillage des efforts commencés par le Ministre Bazin, à une obligation de résultats dans les domaines sociaux (sécurité et lutte contre la pauvreté). L’Espagne et le Vénézuela se préparent à aider dans ce sens, trois millions de dollars, c’est le prix que Caracas est prêt à payer pour nous aider à collecter nos résidus solides, en plus de cinquante sept millions pour la santé, l’éducation et l’environnement. Seulement toute opération ‘‘Ville propre’’ doit dépasser la conjoncture des fêtes et s’inscrire dans la durée.

L’État est semble-t-il décidé à travers le fond d’entretien routier à dégager les fonds nécessaires à la survie de nos routes une fois réhabilitées. Là encore, le suivi devra être visible pour rassurer le contribuable haïtien historiquement méfiant vis-à-vis de l’État. Tout ceci réclame une administration plus efficiente, mieux rodée, moins hésitante. D’autant qu’on parle de la possibilité pour bientôt d’une ‘‘bourse haïtienne’’ qui mettrait un peu de mouvement à une économie accrochée au 19 siècle.

En attendant, au pays en dehors, on refuse de laisser périr l’espace haïtien, une brise rafraichissante descend des montagnes de Value annonciatrice de la foire de l’espoir. Les projets paysans de Value, Limonade et Pandiassou sont des réponses vertes à l’hémorragie des terres qui descendent dans la mer. Et c’est une vérité de la palisse : quand la terre s’en va au large, le paysan suit.

Roody Edmé

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