1975, c’etait l’année de la femme. Sur toutes les lèvres antillaises, on fredonnait la chanson tube du groupe ‘‘Exile one’’ consacrée à toutes les femmes. Nous abordions le dernier quart de « ce siècle qui créa la femme » et beaucoup de choses étaient en train de changer. Et ce, en dépit des violentes manifestations d’un sexisme retors.
Dans la lignée de nos ‘‘grands-mères’’ de la ligue féminine d’action sociale, les femmes haïtiennes ont continué mutadis mutandis le combat ultime pour l’égalité.
A l’aube des années 80, apparût comme un soleil naissant, un mouvement féministe haïtien sous l’initiative audacieuse d’une jeune femme et de ses collaboratrices. Marie Laurette Destin, dont le nom sonnait comme une volée de cloches sur les rares ondes indépendantes de l’époque, avait compris que l’heure était venue d’oser !
Laurette coiffée à la Bo-Derek, une artiste à l’époque en vogue à Hollywood, déambulait dans les rues de Port-au-Prince comme un « fantasme ». Son chant pareil à celui des « sirènes » fascinait et inquiétait les hommes autour d’elles. Certains ne croyaient pas trop en son MFH dont les méthodes étaient disaient-on trop calquées sur le MLF de France. Marie Laurette faisait, aux yeux de certains, figure « d’hérétique », elle, qui ouvrait trop grande les lucarnes de nos luttes sociales au risque de faire entrer un courant d’air trop libertin venu d’Occident.
Pourtant, bien avant elle, des femmes prestigieuses comme Solange Dominique, Carmen Boisson, madame Gourdet St-Come et Paulette Pouyol Oriol avaient tracé un chemin de lumière. Seulement Laurette y ajoutait des revendications plus modernes comme le droit des femmes à disposer de leurs corps et à assumer leurs choix sexuels.
Mieux, dans les salons où on discutait de textes gravissimes comme ‘‘L’Etat et la Révolution’’ ou ‘‘Anti-duhring’’, elle ne parlait que du ‘‘Deuxième sexe’’ de S. de Beauvoir et de ‘‘L’homme unidimensionnel’’ de Marcuse. Elle a disparu du paysage social haïtien, emportée très loin sur les rives canadiennes par nos trop nombreux ouragans politiques.
1986, les femmes d’Haïti prennent le béton autour des slogans propres aux revendications des femmes. Il a fallu beaucoup de courage et de caractère pour affronter notre culture machiste et les reproches « amicaux » de compagnons de lutte jugeant la marche des femmes un peu « déviationniste » par rapport aux urgences de l’heure.
Il n’etait pas idéologiquement correcte de parler de libération de la femme, concept petit bourgeois, alors que le ‘‘peuple’’ etait encore enferré dans la dictature militaire et le sous-développement. Mais les femmes étaient de tous les combats pour l’émancipation de l’ouvrière comme de l’ouvrier, du paysan et de la paysanne.
De nos jours encore, la lutte continue et les rapports de l’organisation Panos caraïbes montrent que beaucoup de chemin reste à parcourir pour changer les mentalités. Trop de violence contre les femmes continuent ailleurs comme ici à avilir notre humanité.
Heureusement que le combat continue sans désemparer et chaque jour qui passe « ti patat fè chay ».
Bien sûr, tout mouvement de libération à ses dogmatiques et ou sa langue de bois, un certain néo-féminisme aux Etats-Unis à force de voir le harcèlement partout a fini par installer « une guerre froide » dans les relations entre les sexes. Dans un flirt, l’homme est obligé d’annoncer le geste qu’il va faire pour ne pas encourir le risque d’être poursuivi pour harcèlement. Dans certains Etats américains, il ne faut surtout pas se tromper de toilette.
Mais ces excès qu’on retrouve dans toutes les luttes politique et sociale, s’ils ne sont pas érigés en système pouvant à terme manacés la pluralité, font partie de l’adolescence de toute véritable démocratie. En dépit des terribles difficultés de l’heure, de la mort en silence de nombreuses ‘‘Ginou’’, et de ses contradictions, le mouvement des femmes commencé avec nos ‘‘suffragettes’’ du siècle dernier, a devant lui bel avenir.
Parce qu’il compte des organisations dont la longévité dépassent celles de toute autre organisation civique, mais aussi parce qu’il compte de brillantes individualités qui font la fierté de notre pays : courageuses marchandes aux étales incendiées par nos chimères politiques, éducatrices forgeuses de destins, éditorialistes de la presse parlée et écrite, romancières et conteuses de nos aventures hybrides, fille du Sud-est au destin de Gouverneure, Directrices de fondation, ‘‘Trésor national vivant’’, journaliste de haut vol parvenue au sommet de l’organisation mondiale, militantes des droits humains cauchemar de nos brutes galonnées. Pour ne citer que les plus médiatisées d’une longue liste incluant les ‘‘Anaise’’ et ‘‘Delira’’ de nos campagnes orphelines.
Le peuple haïtien est reconnaissant à toutes ces femmes qui font la fierté de notre pays si décrié. Cette reconnaissance a été traduite en février dernier par le vote massif, toute tendance politique confondue, en faveur d’une femme prestigieuse qui en déclina l’honneur. Mais ceci est une autre histoire !
Le parlement doit appuyer le Ministère à la condition féminine, dont la titulaire est depuis 1986 une voix dans la « nuit », en votant des lois qui dégageront les nuages noirs qui obscurcissent encore notre « moitié de ciel » et baliseront l’horizon pour une barque nationale trop longtemps ancrée dans le passé.
Roody Edme
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