L’année Dessalines : Un Tournant ?
Parmi d’autres textes offrant des pistes interessantes de réfléxion, relevons l’article de Faubert Bolivar soumis à Alter Presse, dans lequel il fait une lecture sémiotique des grilles traditionnelles d’appropriation de notre passé. Pour faire vite, il questionne les rapports entre « l’esprit » et le « corps » dans le discours historique haïtien. Toussaint Louverture, le visionnaire, le politique, serait « l’esprit » et Dessalines l’exécuteur du « testament » louverturien : « le corps », « le soldat », le guerrier qui parachève l’œuvre et les « voies impénétrables » du précurseur. Jouant admirablement sur le couplet histoire et littérature, lieu de parole et lieu de révolution, Bolivar soulève le voile des mythes constitutifs de notre discours historique certes, mais aussi analyse celui des acteurs eux-mêmes, ce qui permet de les établir dans leur grandeur et… humanité.
Les festivités autour du 17 octobre ont vu, par ailleurs, se transformer le bas de la ville débarrassé de ses piles d’immondices et, le peuple de la grand-rue retrouvé un peu de dignité. Une ville enfin parée pour une occasion spéciale et dont on garde l’espoir qu’on ne la laissera plus s’enfoncer dans l’indigence et l’avilissement par l’insalubrité. Alors seulement, nous ne serons plus des citoyens d’une commémoration, mais les dignes filles et fils de ceux que nous aimons tant célèbrés, les citoyens d’une Haïti qui renaîtra de ses cendres. Quoiqu’il en soit, ce 17 octobre, représente un point de départ pour continuer la réflexion contradictoire et enrichissante sur un passé que nous ne saurions éclairer que par nos actions au présent. Chapeau à certains des intervenants pour leur érudition mais aussi leur prudence méthodologique dans un pays habitué au « voye monte » et suivant le mot de Glissant, au « délire verbal » produit d’une perte de sens et de nos difficultés à avoir prise sur le réel. J’invite l’université et la société haïtienne d’histoire a relayé ces débats refondateurs de notre identité de peuple.
Notre société abasourdie de violence et de misère a besoin de se redéfinir pour tenter de changer le cours de l’histoire et construire enfin une société digne et tolérante. Nous avons trop souvent été libéraux, marxistes, anarchistes, aristidiens, putchistes et jamais assez haitiens. Cette terre lavée comme une grève compte trop de morts par balles. Depuis le 17 octobre 1806, nous n’avons pas su arrêter l’hémorragie et chaque jour un des nôtres tombe sacrifié face au soleil à cause de cette malédiction de la mort de l’Empereur. Il y a quelque chose de tragique dans cette fatalité meurtrière que nous ne pourrions conjurer que par une grande thérapie réconciliatrice après nous être humblement soumis au devoir de vérité.
Roody Edmé
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