États-Unis – Diplomatie : Échec et Mat
La diplomatie américaine a du mal à retrouver ses marques dans certaines régions du monde. Si en Amérique Latine, le département d'État a su laisser passer la déferlante électorale de la gauche et même travailler avec certains gouvernements moins radicaux comme celui de Lula au Brésil, de Michèle Bachelet au Chili, tout en résistant à confronter directement le Venezuela d'Hugo Chavez et surtout à ne pas trop se précipiter dans le vide laissé par la maladie de Fidel Castro ; au Proche-Orient, une autre logique, celle de la lutte contre la terreur l'a emporté.
L'après 11 septembre a vu l'administration américaine se lancer tous azimut dans une logique de force militaire. Les cercles néo-conservateurs ont voulu faire parler la poudre pour contrer les menées du terrorisme international. Une doctrine de la frappe préventive, qui allait marginaliser les diplomates de carrière au département d'État. La provocation ultime du 11 septembre a entraîné les Etats-Unis dans une stratégie militaire interventionniste qui a laissé peu de place à l'analyse des enjeux multiples et complexes d'un Moyen-Orient multiconfessionnel. Si on relit l'excellent livre de Bob Woodward, grand reporter au Washington Post, les rencontres des cellules de crises à la Maison Blanche ont essentiellement porté sur les préparatifs militaires de la guerre anti-terroriste. Alors même qu'après avoir occupé le terrain en Irak et en Afghanistan, il aurait fallu se lancer dans un difficile et patient processus de ''state building ''. En Irak par exemple, une fois la statue de Saddam Hussein déboulonnée, Washington n'a pas su coopérer avec les sunnites et au contraire, a monté une opération de purge du parti Baas, quelque chose qui sonnerait chez nous comme « Baasistes pa ladan'l » qui a tout de suite polarisé le jeu politique. Les sunnites qui disposent d'importants réseaux dans toute la péninsule arabique, lancèrent alors une large insurrection alimentée par des combattants venus de la frontière Syrienne.
Washington a alors tenté de jouer maladroitement les chiites contre le noyau dur sunnite identifié comme des partisans zélés de Saddam ; c'était ne pas compter avec les calculs sophistiqués d'un Zarquaoui qui a réussi avec une terrible efficacité à attiser le conflit entre les deux grands courants religieux de l'islam.
Cette semaine deux généraux du ''centcommand'', Mrs Pace and Abizaid ont admis que l'Irak glissait vers la guerre civile. Ce qui provoqua une réaction outrée de la part du Sénateur Clinton qui demanda la démission du Secrétaire d'État à la défense, Donald Rumsfield. La vérité est que depuis la mort de Zarquaoui, le 7 juin dernier lors d'un raid américain autour de Bagdad, la logique du pire ne s'est pas inversée.
L'effet Zarquaoui continue à propager son onde de choc à Bagdad comme à Basoah et sa disparition n'a pas signifié la fin de la banalisation de la violence. Pour le New York Times : personne ne se doutait avant la mort de ce dernier qu'un leader terroriste pourrait jamais égaler ou dépasser Oussama Ben Laden. Ce serait donc imprudent de prédire qu'à sa mort il n'y aura plus de terroriste de la stature d'Al Zarquaoui. D'ailleurs depuis un certain temps, les groupes extrémistes semblent avoir repris du service en Afghanistan spécialement dans les provinces au sud de Kaboul. Le président de ce pays Hamid Karzai a lancé récemment une phrase on ne peut plus lourde de conséquences : « nous demandons de plus en plus de troupes américaines et nous continuerons à en demander encore plus … et nous n'arrêterons jamais de demander ». Les Etats-Unis et l'OTAN peuvent-ils se permettre de rester définitivement dans ce pays ? L'opinion publique américaine n'est vraisemblablement pas prête à suivre l'équipe du président Bush dans cette voix. Et les talibans le savent ! Alors c'est quoi le plan B pour une diplomatie américaine qui malgré la brillance reconnue de Madame Rice a tendance à paver la voie pour les militaires du Pentagone au lieu d'écrire un nouveau chapitre dans le livre ''blanc'' du State department qui aurait pu s'intituler ''comment se faire des alliés ?''
Or, la situation internationale n'a jamais été aussi compliquée depuis la seconde guerre mondiale avec un arc des crises qui inclut la Corée du Nord, les tensions indo-pakistanaises, l'Afghanistan, le Darfour, sans oublier la Côte d'Ivoire et, l'apparition en Somalie des « tribunaux islamiques » qui ont vaincu les groupes armés soutenus par les Etats-Unis. En arrière plan de tout celà, un baril de pétrole à 80 dollars, pendant que la guerre fait rage entre Israel et le Hezbollah aux dépens de le malheureux Liban. A propos de ce pays, la dernière résolution préparée par les diplomates américains et français est vue avec suspicion dans le monde arabe parce que considérée comme trop pro-israélienne. Les diplomates à l'ONU tentent de la sauver en parlant d'un processus en deux temps. La rue arabe accuse la plus grande puissance du monde de ne pas jouer les ''honnêtes'' médiateurs et de donner à Israel un « licence to kill », au nom de la lutte contre le terrorisme. Pierre Lelouche, un député de l'UMP commente fort à propos dans le journal français ''Le Monde'' : « L'Amérique est entrée en guerre contre le terrorisme, mais c'est une guerre unilatérale, sans alliés, s'appuyant uniquement sur la supériorité militaire ». La chine et la Russie elles aussi pratiquent un chacun pour soi, comme si la sécurité internationale était un jeu à somme nulle.
Ces politiques à courte vue des grandes puissances fragilisent un Conseil de sécurité qui ne peut convenablement assumer son rôle d'arbitre. Quant à la diplomatie américaine, sans un habile aiguillage vers le centre, le Proche-orient comme un gigantesque Titanic peut s'enfoncer dans les eaux tumultueuses de la violence, à l'heure de la montée des périls.
Roody Edmé
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