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Thursday, August 03, 2006

''Etat d'urgence''


Le pays a les veines ouvertes… et la nation perd chaque jour de sa force productive. Nous vivons une guerre de basse intensité qui afflige et détruit le corps social. Un ingénieur en télécommunication est abattu sommairement dans un geste d'une effarante gratuité, un entrepreneur de Pétion-ville et son gosse de 18 mois sont tués par un soir de sortie en famille. Le quartier de Martissant est transformé en zone de guerre et la population est aux abois. Cette situation réclame l'état d'urgence, une mobilisation des forces nationales et internationales. Hé oui ! L'international, malgré nos frustrations légitimes sur l'impotence de la force onusienne par rapport à une situation qui nous prend à la gorge. C'est le moment de ne pas perdre son sang froid en réclamant le départ des forces onusiennes, au contraire, il faut demander des précisions sur le mandat et exiger une redéfinition des fameux « rules of engagement ». Le pays ne peut certes se permettre de servir de vitrine pour l'exposition de drapeaux de certains pays à la recherche d'un prestige international. Le sacrifice d'une partie de notre souveraineté doit servir à nous permettre de nous reconstituer en tant que nation et les pays frères de l'Amérique s'engager sincèrement à nos côtés pour une reprise en main de notre avenir. Comme nous eûmes à le faire par le passé pour d'autres pays : lorsque nous offrîmes de l'aide aux leaders Bolivar et Miranda, lorsque Sandino s'inspira de Péralte, lorsque nos cohortes d'enseignants partirent relever le système éducatif en Afrique et au Québec. Haïti a une histoire internationaliste et on peut compter sur les doigts les pays qui n'ont pas vu verser du sang haïtien pour la liberté. Aussi c'est légitimement que nous réclamons cette aide, que nous demandons qu'elle soit proactive. Une certaine honnêteté exige que nous reconnaissons que des casques bleus ont perdu la vie sur notre territoire à des milliers de kms de leurs foyers et que leur présence n'est pas inutile.

La même honnêteté exige aussi que nous dénonçons les dérapages lorsque des élus sont humiliés ou lorsque la force internationale se laisse dépasser par les événements. Ce n'est certainement pas uniquement la solidarité qui fait qu'un pays fournit des troupes aux nations-unies, les relations internationales sont une partie de poker ou chacun a ses mises. C'est à nous d'avoir les notres dans le sens de nos intérets bien compris. Sans tomber dans l'auto-flagellation et la diabolisation des autres. Sinon c'est la déprime, ''en attendant ... Godot''. Il s'agit de faire la part des choses, de critiquer, de corriger, de punir et d'encourager par exemple, lorsqu'un officier de police accouche une femme enceinte lors d'une patrouille de nuit. Face au défi sécuritaire actuel, le gouvernement devrait décréter l'état d'urgence nationale et nous nous sentirions rassurer de voir partout les forces de l'ordre protéger nos marchés publics, nos restaurants, nos usines, notre aéroport qui devra recevoir les investisseurs annoncés. Le simple citoyen a besoin de sentir une réponse vigoureuse des pouvoirs publics et non cette tour de Babel médiatique où chacun y va de ces accusations les plus folles. Le plan de sécurité annoncé doit être visible et rassurant pour le citoyen haïtien qui a déjà fait montre d'une capacité à résister au pire. L'État se doit de l'encourager à vivre dans son pays et à ne pas s'expatrier dans des pays où il n'est pas le bienvenu (voir l'article de L. T. sur l'aéroport de Pointe-À-Pitre). Les temps sont durs et réclament de nous, gravité, vigilance, mobilisation ; mais aussi pragmatisme. Nous ne pouvons encore nous en sortir seuls, nous avons besoin d'un court et d'un moyen terme pour construire cette force de sécurité que nous appelons de nos vœux. Ne jouons pas à la roulette russe avec notre avenir sécuritaire, les conflits oubliés sont pires.

Roody Edmé

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