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Saturday, December 30, 2006

“Le chemin de Damas”

« La Syrie devra rendre des comptes » déclare le président Bush, suite à l’escalade militaire en cours dans la région. Cet avertissement a été relayé par John Bolton, l’énigmatique moustachu représentant de la puissante Amérique au conseil de sécurité de l’ONU. C’est vrai que dès qu’on mentionne le Hamas et le Hezbollah, on voit le parrainage de la Syrie qui soutient à sa manière, la cause palestinienne.

On rapporte ici et là dans les médias occidentaux que la puissance de feu du Hezbollah a été décuplée grâce aux nouveaux tubes de missiles fournis par Damas.

Ces nouveaux équipements mettent la banlieue de Tel Aviv à portée de tirs et, le Hezbollah, par sa force armée d’environ 40.000 miliciens et son appareil politique est devenu au Liban, un État dans l’État. Le « parrain » du Hezbollah s’appelle donc Bachar El Assad. Pourtant, l’homme ne jouit pas dans la région de l’aura de son père, l’ancien président Afez El Assad, un des symboles du nationalisme arabe, de la génération du bouillant colonel libyen Khadaffi, quelque peu refroidi depuis l’affaire Lokerbe. Le fils Assad est plutôt du genre timide, on le voit plus souvent à la télévision prendre le thé avec un émissaire occidental en mission dans la région qu’en harangueur de foules. Du style « barbouze », les récentes opérations des services secrets au Liban ont quelque peu terni son image en Occident et, l’assassinat de Rafik Hariri a particulièrement éclaboussé sa présidence. Cependant, l’homme un tantinet discret ne reprendra jamais à son compte les déclarations de son voisin iranien Ahmadjinedad à propos d’Israël, mais on ne sait pas s’il en pense moins.

C’est un politicien qui avance masqué sans faiblir dans sa détermination. Il n’est pas dans son plan de confronter directement Israël, au contraire, cela ne le déplait pas de voir Tel Aviv enfilé un peu grossièrement le costume d’agresseur, ce qui aura pour effet de susciter plus de martyrs pour la cause arabe. N’oublions pas que la plupart des combattants qui connaissent en Irak une « fin explosive » viennent des camps palestiniens où s’allient désespérance et misère. En laissant le Hezbollah provoqué Israël et déclenché les foudres de Tsahal, Damas a peut être voulu montrer que sans sa présence dissuasive le Liban n’a pas d’avenir. La manœuvre syrienne n’a pas échappé à Washington. Le président Bush a lors du G-8, confié à son ami Tony Blair ses impressions sur la question. Sans savoir que son microphone était encore ouvert, il a lancé une expression qui, les médias aidant, deviendra aussi célèbre que le mot de Cambronne. Damas affirme-t-il doit « stop doing that shi … » allusion on ne peut plus claire à la situation actuelle au Proche-Orient. A propos du G-8, le club des pays les plus puissants au monde ne s’est pas trop engagé sur le conflit. D’abord parce que Washington veut laisser du temps à Israël pour détruire la puissance de feu du Hezbollah, ensuite obnubilés par le prix de l’essence, les leaders de la planète sont quelque peu grisés par l’odeur du gaz russe. Pour le moment, la priorité est donnée à l’évacuation de leurs ressortissants que certains jugent « too little too late » dans le cas des américains. Entre-temps, la guerre fait rage et l’on craint à la vue des quartiers éventrés de Beyrouth, une radicalisation de la rue arabe. Un général, David Pétrus, commandant de la 101e division de l’armée américaine, cité par le International Herald Tribune a écrit : « une opération qui tue cinq insurgés est contre-productive si ses efforts collatéraux entraînent le recrutement de cinquante nouveaux rebelles ». On rappelle que c’est lors de l’offensive de 1982, qu’un certain Oussama Ben Laden conçut sa haine d’Israël et de l’occident. Quelle sorte de mutants émergera donc de cette nouvelle guerre ? Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, prophète enturbanné aux accents churchilliens, est un adversaire cruel et sophistiqué mais il n’est pas tout seul, il y a Damas, Téhéran et, la technologie militaire nord-coréenne. Comme on dit chez nous « dèyè mòn gen mòn ». En attendant, le conflit entre dans une impasse sanglante et ceux qui comme moi, sont restés tard devant leur petit écran jeudi soir, pouvaient voir se déployer une banderole, sur la place du Trocadéro à Paris, portant l’inscription « Beyrouth, capitale de la douleur ».

Roody Edmé

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