Le Réfugié et la mer …
Les réfugiés revenus de leur dangereuse escapade disent toujours l’avoir rencontré sur leur chemin désespéré. D’autres tout en ayant froid dans le dos, racontent à leurs enfants les prouesses de ce navire qui ne laisse pas de chance aux asilés de la mer. Ceux qui écoutent avec attention, ce que la tradition orale a fait de ce bateau se demandent s’il s’agit d’un quelconque navire-fantome ou, d’un dangereux "galipot", esprit malfaisant de nos contes et légendes. C’est que, grâce à ses puissants radars, le Hamilton a les "yeux" partout et fait échec aux tentatives désespérées de ceux qui fuient la misère. Embusqué derrière l’île de la Tortue ou fonçant à des mille nautiques sur le canal du vent, son profil d’acier lui donne l’allure conquérante de l’aigle impérial. Et s’il vous attrape, vous passez quelques heures sur son magnifique pont, en « territoire flottant » d’Amérique. En face de vous, le visage dur et les mains gantés des soldats de la marine des Etats-Unis dressés dans l’accomplissement de leur devoir.
Mais le Hamilton n’est pas qu’un obstacle insurmontable sur la route de l’Amérique, il est aussi une froide nécessité, lorsque par exemple, la mort par soif ou par noyade guette les réfugiés : De "cerbères", les marins du cuirassé deviennent des anges gardiens qui sauvent la vie de leurs futurs prisonniers. Le navire américain a aussi une "sœur jumelle" plus accueillante, plus riante et battant pavillon espagnole, elle croise dans les mers du sud de l’Espagne et monte la garde aux portes de l’Europe méditerranéenne. L’Esperanza del Mar, c’est le nom de ce navire-hôpital, qui part tous les matins à la recherche de réfugiés venant du Maghreb. Des témoignages recueillis par le quotidien espagnol "El pais" décrit la vie souvent difficile à bord de cette unité de la marine de sa majesté Juan Carlos. Depuis quelques mois, l’équipage travaille dur à récupérer des centaines d’immigrants qui tentent d’atteindre les îles canaris à bord de pirogues de pêche.Une fois selon le journaliste Tomas Barbulo du même quotidien, l’Esperanza del Mar est arrivé au port avec 26 cadavres à son bord. Cette fois, ce ne sont pas, affirme-t-il, les couloirs qui ont manqué d’espace, mais la morgue du bateau. L’Esperanza del Mar poursuit depuis le mois dernier son parcours solitaire et ses champs d’intervention s’étendent désormais aux mers du Sénégal et du Cap-vert.
Le monde d’aujourd’hui n’a jamais connu autant de réfugiés que ces deux dernières années et en réaction, la xénophobie n’a jamais été aussi forte. La charte des droits de l’homme est malmenée dans beaucoup de coins de la planète où abondent ceux qui, en quête d’un mieux être ne sont pas pour autant bienvenus. Les « Cottard » de service, à l’instar de ce personnage d’un roman de Camus, profitent de cette nouvelle « peste » de l’intolérance pour, dans les dortoirs clandestins de Paris ou même de Buenos Aires faire chanter cette main-d’œuvre taillable et corvéable qui craint l’expulsion. La réponse du monde développé à cet épineux problème consiste dans l’urgence de nouveaux murs érigés un peu partout et dans des lois dures sur l’immigration, des mesures répressives et expéditives qui sont loin de toucher le fond du problème et qui enferme les grandes puissances dans un ‘’autisme’’ économique qui nous éloigne d’un nouvel ordre planétaire plus juste.
Le monde a mal de vivre et, les pauvres de partout redeviennent nomades, à l’instar de nos réfugiés qui jouent à cache cache avec le Hamilton et leur propre destin. Mais la solution est ici, plus qu’ailleurs.
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