Bush – Irak : « En attendant Godot »
Le Président Bush a annoncé cette semaine sa nouvelle stratégie en Irak. On savait que le Président se préparait à prendre ses distances vis àvis de l’ancienne doctrine mise en place par l’ancien chef du pentagone Donald Rumsfield mais qu’il n’allait pas non plus adhérer au rapport Baker-Hamilton qu’il vit comme un complet désaveux de sa politique irakienne.
La nouvelle approche esquissée par le Président présente quelques difficultés. La première est comment continuer une guerre si impopulaire dans l’opinion en ayant l’air de se lancer dans une nouvelle escalade.
L’envoi même temporaire de troupes fraiches à Bagdad n’éloigne pas pour autant le spectre de l’enlisement tant craint par une majorité d’américains. Et surtout, le congrès à majorité démocrate a été élu suivant un momentum anti-guerre.
Et puis, il y a les actuelles performances plutôt boiteuses du régime de Monsieur Al Maliki. Ce dernier vient d’attendre le summum de la maladresse avec l’exécution contro versée de Saddam Hussein. Une décision rapide qui jeta l’émoi dans le monde sunnite et ce, jusque dans l’Égypte de Hosni Moubarak, un des plus sûrs alliés des Etats-Unis dans le monde arabe.
Le gouvernement irakien est réduit ces jours-ci à faire des menaces aux pays qui critiquent l’exécution de Saddam, en allant jusqu’à envisager une éventuelle révision de ses relations avec ces pays. Quand on songe que parmi les pays incriminés on compte l’Angleterre de Toni Blair qui a encore des troupes sur le terrain et l’Italie de Romano Prodi qui était de l’aventure du ‘‘déchoukaj’’ de Saddam, on peut se demander si le premier ministre actuel n’est pas en train de perdre le Nord, du moins certains amis du Nord.
C’est dans un tel vacuum que le Président semble vouloir envoyer de nouveaux contingents : alors même qu’il semble qu’aucune victoire uniquement militaire n’est possible. A Washington, il règne aussi une grande agitation qui témoigne d’une certaine fébrilité de l’appareil politique américain par rapport à un dossier « enfoncé douloureusement » dans les talons du Président et qui rend boiteux le parti républicain.
Le remue ménage dans la hiérarchie militaire et dans le renseignement n’est pas un signal de parfaite sérenité. Il semble au contraire traduire une impatience par rapport à un dossier qui fâche autour du Potomac et dans l’Amérique profonde. Alors que sur les bords de l’Euprate non loin du croissant chiite, la guerre fait rage et l’espoir de toute solution négociée semble perdu dans la violence d’une guerre civile qu’on refuse officiellement d’admettre dans les cercles du pouvoir à Washington.
Le problème avec la nouvelle stratégie du président est l’absence de perspective sur le conflit Israélo-palestinien et aussi, le caractère toujours unilatéral d’une politique qui, selon Le Kwan Yew ancien Premier Ministre de Singapour, ne tient pas suffisamment compte des leçons de la guerre froide. Surtout en ce qui concerne une approche multilatérale qui éviterait de froisser des susceptibilités russes et françaises, engagerait les chiites modérés et les sunnites, sans parler des Baathistes « convertis ».
Quelque chose a quand même évolué dans la nouvelle stratégie de l’administration Bush : c’est un accent appuyé sur l’aspect « reconstruction » j’usqu’ici secondaire par rapport à la carte militaire. D’ailleurs le nouveau commandant du Centcom à Bagdad, le général américain David Petraus est un partisan de « la carotte et le baton » comme approche tactique du conflit. Washington cherchera aussi á lancer des initiatives au Proche-Orient, mais son rôle d’arbitre même incontournable a été écorné par son soutien non équivoque à l’Etat hébreu lors de l’opération « pluie d’été ».
Quant aux démocrates, leur marge de manoeuvre est plutôt réduite, s’ils ne soutiennent pas la nouvelle stratégie du président, ils ne peuvent pas non plus refuser ses appels de fonds sous prétexte d’abandonner les troupes, ce qu’ils risqueraient de payer cher dans deux ans lors des prochaines élections .Leur « exit strategy » n’est pas très convaincante et s’apparente plutôt à un « no way out » .Ils semblent pour le moment n’avoir d’autre choix que de suivre avec réticence le nouvel effort de guerre d’un président qui joue sur ce dossier sa dernière carte.
Roody Edmé
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