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Saturday, December 30, 2006

‘‘Les noces de sang de cana”

Miri Elsi la porte-parole de l’armée israélienne est une femme aux cheveux courts, élégante, qui s’exprime dans un anglais impeccable. Tous les soirs sur CNN, elle vient expliquer les objectifs de Tsahal au Liban. Responsable de communication, elle pourrait faire partie du top ten des femmes les mieux habillées du monde publié régulièrement par la revue Vanity fair. Cependant cette jeune femme chargée de faire briller l’image de marque de l’armée israélienne a beaucoup de pain sur la planche depuis les terribles événements de Cana.

Comment en effet expliquer que l’une des armées les plus performantes du monde équipée à l’américaine, dotée de tout le bazar électronique pour des frappes dites chirurgicales ait pu provoquer autant de victimes civiles dans une opération d’autodéfense. C’est comme ce policier de New York qui mit par légitime défense quinze balles dans le corps du guinéen Diallo qu’il avait interpellé. C’est vrai que l’ordre de grandeur des victimes rend la comparaison insoutenable !

Quoiqu’il en soit, on nous avait tant vanté l’habilité des as de l’aviation israélienne qui n’avait d’égale que celle de leurs « cousins » d’Amérique de la US air force, qu’on a du mal à comprendre cette pluie de fer et d’acier dans le ciel de Cana. De quoi s’agit-il en fait ? Après une « quinzaine » de guerre, on se rend à l’évidence que l’opération déclenchée par Tel Aviv ne vise pas tellement la récupération de ses soldats enlevés que surtout la destruction du Hezbollah, identifié comme une carte iranienne dans le jeu complexe du Proche-Orient. Seulement Tsahal présenté récemment par le grand cinéaste Claude Lanzman comme l’armée professionnelle qui réchigne à tuer les civils est en train de se mettre à dos une grande partie de l’opinion mondiale, dans une opération militaire peu économe en dommage collatéraux.

Le peuple juif qui jouit dans le monde d’une grande sympathie à cause de ses souffrances, peut-il se permettre un tel déni historique ! Si l’on peut comprendre les peurs historiques d’un peuple au grand courage et, à la mentalité assiégée, fragilisée par la mémoire de l’holocauste, l’on ne serait accepter que ces peurs se transforment en arrogance meurtrière et fassent oublier les droits des autres peuples à disposer d’eux-mêmes.

La guerre déclenchée par l’équipe d’Olmert contre « l’axe du mal » prend dangereusement une connotation religieuse et s’apparente à celle tout aussi fanatique des islamistes radicaux. Vu sous cet angle, la région peut-être le théâtre d’un conflit de type moyen-âgeux dans ses objectifs inavoués mais sophistiqué quant aux capacités de destruction des armées du 21e siècle. Ester Benbasse, de l’école pratique des hautes études de Paris et juive d’origine s’inquiète : « nous connaissons le prix de l’indifférence qui a mené notre peuple à l’extermination. N’allons-nous pas élever la voix et exiger l’arrêt de cette escalade…».

Quant à la communauté internationale, elle fait pour le moment du sur place. L’Union européenne se contente d’un rôle virtuel et ne sait pas profiter de la longueur d’avance de sa diplomatie dans la région. Les Etats-Unis, les seuls ayant les moyens de leur politique, regardent ailleurs pour laisser le temps à Tsahal d’accomplir le « dirty job » de supprimer le Hezbollah avec qui ils ont un contentieux de plus de vingt ans, à l’époque du camion piégé lancé un beau matin de 1983 contre le baraquement des marines à Beyrouth. Dans son caractère excessif, cette guerre risque de renforcer les organisations extrémistes comme le Hezbollah et modifier l’équilibre fragile d’un Liban multi- confessionnel. Quand on vit dans un pays du tiers-monde, comme Haiti, on a du mal à accepter qu’une économie dynamique comme celle du Liban se retrouve, du jour au lendemain, sous l’effet d’un « Tsunami humain » en situation de détresse humanitaire. Quel gâchis ! Aujourd’hui au Proche-Orient a lieu une nouvelle métamorphose. David s’est transformé en Goliath ! Et cana ou l’eau dit-on fut changée en vin est aujourd’hui rouge du sang des enfants dont on aura du mal à prouver qu’ils cachaient des roquettes dans leurs coffres à jouets . Une collègue du journal m’a fait parvenir en espagnol cet extrait de Eduardo Galliano que j’ose vous traduire : « jusqu'à quand continuerons-nous à ignorer que tous les terrorismes méprisent la vie et se nourrissent mutuellement. La misère et la guerre sont les filles d’un même père. Jusqu'à quand continuerons-nous à accepter ce monde amoureux de mort, comme l’unique monde possible …».

Roody Edme

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