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Saturday, December 30, 2006

L’Adieu aux armes ou la fin du Blairisme!

Il est le modèle de nombreux politiciens en Europe. Il a su, par son pragmatisme, adapté le libéralisme économique aux préoccupations sociales de son électorat travailliste. Tony Blair s’est imposé pendant trois mandats consécutifs comme l’homme politique de la troisième voie, celui dont la gestion des affaires rappelle ce qui se fait de mieux dans les pays scandinaves. Au point qu’en France, deux candidats officiellement aux antipodes du spectre politique, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy ne cachent pas leur admiration pour le locataire du 10 Downing Street à Londres.

Seulement, le vent a tourné depuis quelques mois et le premier ministre anglais se retrouve au centre d’une tempête politique qui l’a forcé à hâter sa sortie. Au sein de son propre parti, une véritable " Conspiracy " semble avoir placé Blair sur un siège éjectable, et, dans les rues régulièrement arrosées de Londres par un temps " éternellement " pluvieux campent des manifestants avec des pancartes qui disent long sur les sentiments de la base du parti «Va-t-en maintenant ». Supplique presque affectueuse à un homme qui a incarné le renouveau britannique. Les militants voudraient que Tony Blair s’en aille sans faire trop de vagues après avoir valablement servi son pays.

Comme de fait, au dernier congrès de son parti il a annoncé son retrait, avec dignité. Il a même fait une fleur à son successeur annoncé, son " frère ennemi " Gordon Brown, le grand sorcier des finances britanniques.

Les deux hommes ont fréquenté ensemble les meilleures écoles britanniques et ont fait leurs classes dans le parti. Ils ont longtemps incarné la nouvelle génération qui a osé damer le pion au thatchérisme conservateur et vieillissant. Ils ont fait de la politique autrement en prouvant à une grande partie de l’opinion publique européenne que le libéralisme économique même venue d’oxford pouvait être à visage humain.

Cependant dans une Europe en mal d’autonomie, l’anti-américanisme est ce qui se vend le mieux dans l’opinion publique. En Angleterre on affiche une certaine honte devant la posture " trop offerte " de leur Premier ministre face à l’administration Bush. La grande et fière Albion semble avoir juré une fidélité sans bornes à l’Amérique et se garde même de la moindre moue, voire même de nuances quand il s’agit de s’aligner sur les vues de Washington. En juillet 2003, un Tony Blair à la politique intérieure accomplie se rend triomphalement à Washington et reçoit la médaille d’or du congrès américain. Il était devenu le premier britannique à recevoir une si haute distinction depuis Winston Churchill. Si Churchill par sa tenace résistance à Hitler avait sauvé une certaine idée de l’occident démocratique, Blair et son mentor Gordon Brown ont renouvelé le " management " politique du libéralisme, un peu dans la lignée de " belles années" Clinton.

Mais les ratées de sa politique européenne influencée par une remontée du courant conservateur, son entêtement à ne pas sortir du bourbier irakien pour ne pas faire un enfant dans le dos à l’administration Bush ; la mort apparemment " sur ordonnance " du scientifique David Kelly, impliqué dans le scandale des armes de destruction massive ont mis du plomb dans l’aile de celui que nous appelions " l’albatros " de la politique britannique, tant il semblait hors d’atteinte.

La retraite politique de ce preux chevalier de la couronne laisse son parti un peu extenué mais quand même prêt à en assumer l’héritage. Quant à Gordon Brown, le " patient anglais", il attend de pouvoir établir ses quartiers au 10 Downing Street ; tandis que dans l’opposition, chez les Tories, David Miliband affiche prudemment ses futures ambitions : «Never think about the next job or you’ll lose the one you’ve got» confie-t-il, pince sans rire, au magasine Newsweek.

Roody Edmé

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