Un populisme post-moderne semble de nos jours se développer outre-atlantique. Apparemment moins « démago » que l’ancienne version, il puise sa légitimité dans l’idée de proximité citoyenne. Il s’agit en effet, pour ces leaders ‘‘new age’’, d’encourager la participation citoyenne et de faire en sorte que la politique soit désormais « interactive ».
Une personnalité comme Ségolène Royal a commencé à faire le plein de popularité à travers son site internet « Désir d’avenir ». Sur une base régulière les citoyens réagissent aux propositions soumises sur le site et, quelques jours plus tard, le programme de la candidate se trouve enrichi d’idées nouvelles. De sorte que, le « livre blanc » de la campagne de Ségolène Royal a un « auteur » collectif, la masse critique des citoyens, désormais politisée et engagée.
La candidate du P.S s’est donc servie des nouvelles technologies pour bousculer l’appareil de son parti, contourner un moment les médias traditionnels pour finir par s’en imposer et devenir ce qu’on appelle couramment une « people ». Des milliers de blogs se sont constitués à travers la France pour rendre réelle une candidature qui, au début, apparaissait toute virtuelle.
Un phénomène semblable se produit aux Etats-Unis ou de plus en plus une opinion publique qui n’a pas pignon sur rue dans la grande presse se développe sur la toile. Ceux qui aux Etats-Unis pensent autrement que le discours officiel et aseptisé concocté par les think thank conservateurs ont trouvé sur le net un moyen libre d’expression, loin de l’autocensure « patriotique » de l’après 11 septembre qui empêcha de voir que le mode d’intervention planifié en Irak conduisait tout droit à un mur.
Un professeur de l’université de Michigan s’est penché sur le développement de ce discours alternatif qui va à contre-courant de l’appareil médiatico-politique qui a embouché les trompettes de l’ultra patriotisme au lendemain du 11 septembre 2001. Pour le professeur Stéphane Spoider, l’émergence récente d’une forme nouvelle d’engagement citoyen se développe à travers ce qu’il appelle – la netizenry – un réseau citoyen très actif dont les sites ne comptent plus sur le net. Il met l’emphase sur le travail réalisé par un groupe d’action politique appelée Move On qui osa dès le début s’opposer à l’aventure irakienne.
Ce groupe semble en passe de devenir la principale voix alternative à la pensée unique conservatrice dans une Amérique traditionnellement méfiante des discours « déviants » d’intellectuels trop libéraux « féminisés » ou « homosexualisés » selon les anathèmes utilisés par une littérature fondamentaliste chrétienne.
Le groupe a organisé des mouvements de quartier et favorisé des rencontres entre des groupes qui ne s’étaient jamais adressé la parole d’après l’étude réalisée par le professeur Stéphane Spoider.
Un homme comme Howard Dean, ancien aspirant démocrate à la maison Blanche, qui n’avait pas les moyens des autres candidats a mis en place un système de donations netizen, une manière originale de financement de campagne qui inspira plus tard la campagne de John Kerry. Dean réussit par ce biais à dynamiser tout un pan de l’électorat américain, particulièrement les jeunes qui se désintéressaient de plus en plus de la politique. La stratégie consiste à permettre à ces « netizens » de construire eux-mêmes le discours politique et de se sentir partie prenante d’un mouvement de citoyens en marche.
La Russie n’échappe pas à cette blogomomania. Face à la mise au pas des médias russes et l’assassinat de journalistes de la trempe d’Anna Politkovskaia, le public russe s’est réfugié sur le net. Le journal francais Libération a rapporté ce commentaire ironique d’un bloggeur russe à propos de l’assassinat de l’espion russe Litvinenko : « Litvinenko s’est empoisonné lui-même pour piéger Poutine, ce dernier n’a qu’à se flinguer pour piéger l’opposition. » ou encore sous un autre blog, le chef du kremlin se fait appeler « Lillipoutine », un peu dans le même registre qu’un Hugo, il y à deux siècles, traitait Louis Napoléon, troisième du nom, de Napoléon le petit.
En Haïti, aussi, malgré la grande fracture numérique, le sous-équipement informatique qui nous affecte ; récemment nos courriels ont été envahis par une note de protestation de « citoyens concernés » par l’insécurité, manière nouvelle de prosélytisme sur le net. A signaler aussi chez nous, quelques sites de médias alternatifs de qualité, dont Alter Presse très fréquenté par les internautes d’ici et de la diaspora. Le magazine américain Time conscient de cette nouvelle donne a choisi comme personnalité de l’année, le citoyen Lambda, l’homme de la rue, disons : l’homme de la toile.
Roody Edme
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