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Thursday, January 11, 2007

ENFIN POIVRE D’ARVOR VINT !

Au temps jadis, Port-au-Prince recevait des écrivains et artistes de passage. Il y avait les saisons de la compagnie de danse Jean Gosselin. Les artistes tournaient, les plateaux aussi… Jean Marie Leclézio et Tchikaya Utamsi ont fait vibrer l’ancien auditorium de l’Institut français du bicentenaire et un certain Alain Robbe-grillet, « pape du nouveau roman », faisait sensation face à un jeune public haitien avide de connaissances. Un public amoureux de Gabriel Gracia Marquez et de Jacques Soleil, qui se méfiait de ce brillant orateur qui semblait affirmer que les romans engagés ne sont pas toujours ceux qui engagent le plus les hommes. Et que peut-être Proust, Joyce ou Kafka sont des forces révolutionnaires plus puissantes que tout le réalisme socialiste.

C’était l’époque des cinés clubs : “ Ecran ” au capitol et “ Point de vue ” à l’Institut français ; ces initiatives étaient accompagnées de chroniques littéraires régulières et de débats passionnés dans certains cafés du champs de mars et des environs. C’était peu, mais il y avait de la substance. La “ culture était une arme chargée de futur ” en ces temps ou pourtant « on se parlait par signes ». Peu à peu, ces “ neiges d’antan ” fondirent sous le chaud macadam de nos combats politiques. L’institut français abandonna son auditorium de la cité de l’exposition pour un projet plus grandiose aux champs de mars qui ne vit jamais le jour. Ce projet ambitieux renvoyé aux “ calendes haïtiennes”, on dit chez nous“ lè ti poul fè dan ”, témoignait des difficultés rencontrées par les opérateurs culturels d’ici et d’ailleurs à travailler dans des situations d’exception qui devenaient peu à peu la norme.

Une initiative de groupes d’enseignants martiniquais et haïtiens pour créer un lien, un trait d’union entre nos deux cultures à travers une association dénommée “ HAЇMA” fut tuée par la conjoncture. De même L’ASCODELA, produit d’une action volontariste d’intellectuels haïtiens et antillais ne pu faire long feu, faute de support intitutionnel ; les problèmes de visas, et autres tracasseries migratoires ne furent pas les moindres.

Dans ce contexte, la visite du 7 au 9 janvier à Port-au-Prince d’Olivier Poivre d’Arvor et de son assistante Sophie Renaud est bien accueillie dans le milieu culturel haïtien. Olivier Poivre d’Arvor dirige une nouvelle agence culturelle française qui « couvre un large champ d’action (arts visuels, architecture, théâtre, arts de rue), du livre et de l’écrit sans oublier le patrimoine cinématographique, les collections documentaires et l’ingénierie culturelle ».

Cette agence dénommée Cultures France se propose d’accompagner les artistes du monde francophone et d’encourager le dialogue avec les cultures du monde entier. Un axe qui nous intéresse particulièrement : c’est l’affirmation réitérée par M. Poivre d’Arvor de la dimension de dialogue interculturel privilégiée par Cultures France. Toute chose qui aura la vertu de favoriser ces rencontres longtemps souhaitées par les artistes et écrivains de la région. Franchir le mur de l’exclusion culturelle, affirmer la dimension du dialogue et de la diversité sont autant d’éléments qui trouveraient un début de réalisation dans des activités comme le festival « Etonnants-voyageurs » et une rencontre régionale des chorégraphes animée par Jeanguy Saintus de la Artcho et la Guadeloupéenne Lena Blou, un atelier prévu pour l’été 2007. Tout ce beau paquet participe du volet “ Caraïbes en création ” qui se propose de faciliter les échanges et les rencontres d’artistes en création tout en aidant à professionnaliser la pratique des créateurs, si l’on en croit une source proche du service culturel de l’ambassade de France.

L’écrivain Franck Etienne présent à une rencontre très amicale organisée par l’ambassadeur de France, sous les lambris du manoir des lauriers, livra un témoignage poignant sur la solitude de l’écrivain insulaire et sur l’espoir que fait naître un tel programme dans la mise en marché des produits culturels caraïbéens. Quant à Olivier Poivre d’Arvor, il exprima son admiration pour la culture de notre pays et un hommage appuyé à l’écrivain Frank Etienne pour son oeuvre foisonnante. Le distingué visiteur parlait avec conviction et sensibilité et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’est pas que le frère de l’autre ; l’on sentait par ailleurs, que le vent était en train de tourner à Paris et qu’il s’agissait derrière ce projet du « captage » de toutes les sources d’une Francophonie disséminées à travers le monde.

Comme l’écrivait mon ami, le professeur Jean Claude Nicolas de la Guadeloupe, citant Carmen dans la rue cases-nègres : “ il aimait Balzac, Gorky, Tolstoï…Mais quand je lui fis lire Banjo, il devient fou de joie”.

Roody Edmé

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