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Friday, February 02, 2007

“Marchons Unis”

La victoire de la sélection haïtienne de football est un message de vingt deux athlètes à tout un pays : « le miracle haïtien est possible » pour répéter un homme politique haïtien aujourd’hui décédé.

Lorsqu’on considère l’état actuel de notre pays, l’on a souvent tendance à sombrer dans le pessimisme le plus noir, or, il suffit de nous accrocher à des principes cardinaux qui figurent dans nos textes fondateurs pour voir changer sensiblement notre situation.

Un des plus grands défis que nous devrions surmonter se résume à l’établissement de passerelles de communication entre les élites d’une part et entre les élites et le reste de la population d’autre part. Dans le sens de notre devise « l’union fait la force ».

Les cris de ‘‘vive Digicel’’ lancés par des milliers de manifestants reconnaissants des efforts déployés par cette compagnie en faveur de notre sport roi montrent qu’il ne saurait avoir de divorce définitif entre ce peuple en guenilles et un secteur privé « progressiste » même international.

En dépit des malentendus historiques qui ont constitué des blocages à notre « unité historique de peuple », il est aujourd’hui possible avec un peu plus de civisme des uns et des autres de réaliser ce lien entre le capital et le social si nécessaire à la dignité de notre peuple.

Je note avec satisfaction une implication de plus en plus grande de fondations issues du secteur privé engagées dans la lutte pour l’assainissement de nos rues, la promotion de la culture, encore qu’il faille renforcer les critères de qualité.

Mais tout de même, un effort est fait, et doit être renforcé dans le sens d’un ancrage citoyen dans cet espace qui nous appartient tous. La réaction positive des milliers de gens à Jacmel vis-à-vis de l’initiative Yele Haiti, lors du concert de Wyclef Jean montre que la réconciliation entre les « nèg an ro e nèg an ba » peut se réaliser dans le ciment du concret. Pourvu que nous soyons moins indifferents à ce qui se passe autour de nous et surtout soucieux de « retaper la maison commune ».

De même, il était agréable de voir autour d’une table au palais national : telle ancienne gloire du football, un ancien ministre des sports connu pour son volontarisme, le président de la fédération de football, tous unis autour du onze national. Voilà le genre de momentum qu’il faudra conserver pour continuer à remporter d’autres victoires. Cela n’exclut sûrement pas les divergences, les contradictions à dépasser, les conflits à gérer démocratiquement. Ce qui est toxique : c’est la déstabilisation à des fins partisanes, l’explosion des appétits individuels au détriment d’un collectif déjà exsangue, la tentation totalitaire qui peut gagner même les institutions démocratiques. Dans cette perspective, une observation intelligente de « la politique des autres » n’est pas à dédaigner. Un exemple : une majorité d’américains et le congrès de ce pays à majorité démocrate sont opposés à la politique irakienne du président Bush, le congrès travaille à une résolution pour faire écouter la voix du peuple américain. Mais il n’ira pas j’usqu’à couper les fonds aux soldats américains sur le terrain, et de se trouver accuser d’abandonner les ‘‘boys’’ dans le désert irakien, « tout jwèt sé jwèt kochèt pa ladan’l ».

Vous me répondrez qu’Haïti n’est pas les Etats-Unis et que nous n’avions pas à regarder ce que fait le « blanc », à mimer ce qui se passe sur les bords de la Seine et du Potomac. Au premier degré, ce point de vue semble faire sens et sied bien avec notre nationalisme cocardier. Je persiste à croire cependant, que toute proportion gardèe, nous pourrions tirer quelques leçons des formes de cohabition expérimentées ailleurs, sans parler de cet instinct national de conservation qui nous fait défaut dans nos moments de conflits.

Certaines fois, en voulant cultiver une certaine exception politique haitienne, nous travaillons contre nos propres intérêts et nos divisions séculaires font que nous avons de moins en moins les moyens de notre indépendance.

Roody Edmé

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