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Wednesday, November 09, 2005

La fascination du vide

La fascination du vide!

La radio a dit qu’un enfant de dix ans s’est fait sauter avec un convoi de la police irakienne. Quelque part à New Delhi ou dans une province de Tchéchénie des femmes, des hommes se transforment en bombes vivantes. Et la mort est toujours au rendez-vous dans un métro de Londres, un restaurant de Tel Aviv ou dans un marché à Bagdad. Il y a de quoi laisser de côté un moment cette actualité explosive, pour méditer un peu sur ce que Hanna Arendt appelait « la condition de l’homme moderne ». Une situation désespérante qui aboutit à une spirale de la terreur ou l’homme joue à faire peur à l’homme, ou la violence fait place a encore plus de violence. Et chacun de proclamer la justesse de sa cause, dans cette confrontation meurtrière, certains utilisent la dernière technologie, d’autres des bombes artisanales, dans une terrible mécanique de la souffrance qui fait de plus en plus de « dommages collatéraux ». Mais qu’en termes pudiques, ces choses-là sont dites !
Dans ce monde de l’après guerre froide, que penserait Camus d’une humanité où l’absurde est mis au service de la quête de sens. De cette nouvelle forme de lutte où les « héros » se suppriment d’abord où la mort est une punition infligée à l’autre et une grâce pour soi. L’existentialisme peut-il être un nihilisme ?  Mais arrêtons nos « méditations métaphysiques » pour une parenthèse littéraire. Cette semaine, j’ai le bonheur de découvrir un roman de Yasmina Khadra, écrivain Algérien, dont la plupart des textes soulèvent de brûlantes problématiques liées à l’actualité de sa région
Le personnage central du roman, Amine Jaafari naturalisé israélien incarne le rêve d’une entente entre Palestiniens  et Israéliens. Soudain, c’est l’horreur, un Kamikaze explose dans un restaurant. Jaafari sait que sa place de chirurgien est à côté des victimes, comme de fait, il essaie de sauver le plus de vies possibles. Mais, comble de malheur, il apprend que sa femme est le Kamikaze.
Pour comprendre un acte aussi terrible, l’homme va enquêter dans les milieux intégristes et remonter aux sources de son histoire. Pourquoi l’absurde a-t-il pénétré sa maison ? Est-il étranger à lui-même, à sa propre famille ? C’est donc la nausée ! Un chirurgien fils de bédouin peut aussi être victime de ce mal, conséquence des intégrismes, un musulman souffre aussi dans sa chair de tant de violence fanatique. Dans une interview au magazine littéraire « Lire » Yasmine Khadra nous met en garde contre « cette façon d’occidentaliser l’indignation ». Il ne veut guère écrire un roman en tant qu’Arabe mais entant qu’être humain.
Encore une fois, la littérature a été convoquée à la barre pour témoigner des dérives de notre espèce. Loin de la rhétorique provocatrice et d’une « esthétique du vide» à la Michel Houellebecq, ce nouvel « émeutier » de l’écriture romanesque ; le style de Khadra est plus sobre mais aussi plus généreux.
Une générosité de plus en plus nécessaire parmi les bruits et fureurs de notre temps, pour conjurer la « faillite du bon sens » et le mal être globalisé qui s’expriment dans les flammes nihilistes des nouveaux communards de Paris. Le pacte républicain est en panne dans l’hexagone, les exclus des banlieux sont aujourd’hui victimes des politiques publiques démissionnaires et de la colère des jeunes qui consument tout dans un grand feu suicidaire. Le monde a mal, un nouvel humanisme est nécessaire face á l’exclusion qui est la mère de toutes les batailles. La fatalité n’est pas dans le choc des civilisations mais dans un dialogue véritable entre les peuples pour un meilleur partage des fruits du progrès. Progrès et contrat social, les idées du siècle des lumières n’ont jamais paru aussi neuves. Ce n’est pas la faute à Voltaire ou à Rousseau mais a un déficit flagrant d’intégration qui menace nos sociétés déséquilibrées.  

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