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Global Voices en Français

Wednesday, March 29, 2006

La France malade de son avenir ?

La France « sociale » se mobilise une fois de plus. Les images qui apparaissent dans certaines revues de l’hexagone semblent sortir tout droit d’une publicité annonçant un quelconque film sur la révolution française. N’importe lequel de ces étudiants enturbannés, cheveux en bataille et drapeaux en main pourraient jouer « Marius » dans les Misérables de Victor Hugo. Le peuple français est encore une fois descendu dans la rue pour dénoncer le CPE, le Contrat de Première Embauche, mis en place par le gouvernement De Villepin en vue de « booster » l’emploi jeune en France. Car il a fallu à De Villepin, ce Premier ministre aux ambitions présidentielles, un instrument capable de redonner espoir à une jeunesse française qui, à tort ou à raison s’estime la plus mal lotie en Europe ! Mais le CPE a eu l’effet contraire : en libéralisant le marché de l’embauche, permettant ainsi aux patrons de licencier sans obligation aucune, après deux ans, le nouveau contrat apparaît, aux yeux de plus d’un, comme un leurre destiné à tromper les attentes du peuple français. Or, pour les stratèges économiques de Matignon, le CPE a le bonheur de créer plus de flexibilité sur un marché du travail fossilisé par trop de rigidités sociales. Il s’agit donc aux yeux de ces experts de rendre l’embauche plus dynamique, plus libre au sens anglo-saxon du terme. La contestation sociale est maintenant quasi-quotidienne et les principaux partenaires sociaux ont du mal à trouver une solution qui satisfasse tout le monde. A l’assemblée nationale et dans les médias, le débat fait rage sur l’opportunité de ce nouveau contrat censé rendre la France, un pays plus moderne. La société française est aujourd’hui déchirée entre deux options fondamentales : Soit pérenniser l’exception française, c’est-à-dire conserver le caractère inaliénable du droit du travail, garantie par de longues années de lutte syndicale menée par les grandes centrales CGT, CFDT et FO ou secouer le vieil édifice social français en y introduisant des réformes à « La Blair » comme en Grande-Bretagne.

L’opinion française a beaucoup de mal à se décider, seules les prochaines élections pourront dire le choix final d’une population depuis longtemps méfiante vis-à-vis de la mondialisation.

En attendant, Monsieur De Villepin ne peut qu’écouter la fronde et poursuivre les discussions avec ces nouveaux « émules de Gavroche ». Même si, il ne peut se permette en aucune façon de perdre la face, ce qui porterait préjudice à ses ambitions pour l’Elysée. Quant à Sarkozy, il se tient, avec nuance, aux côtés de son Premier ministre. Il a déjà été à la casse, lors de la crise des banlieues et montré qu’il savait encaisser. Nul doute, cependant, qu’il laissera son rival perdre quelques plumes, pour après, faire « Coquerico » au sein de son parti, comme l’unique alternative au « chaos social français » Monsieur Dominique DE VILLEPIN veut être celui qui a osé le changement. En donnant un grand coup de fouet libéral à une économie rétive et jugée pas assez performante, il souhaite ravir à son collègue et adversaire Sarkozy l’étiquette de politicien moderne et audacieux qui colle à son image. Pourtant, en dépit des dernières informations laissant croire que la Chine se classerait aujourd’hui 4ème devant la France, un sondage d’opinion publié dans les colonnes d’une revue britannique estime que 84% des français sont satisfaits de leur sort. La presse étrangère ironise sur ce mal français qui ne serait qu’un nouveau « spleen » intellectuel qui alimenterait les conversations de café au pays du parler élégant et de l’intellectualité gantée. C’est même affirment d’autres, ce sentiment profond du mal être très 19e siècle, qui ferait vendre les romans pessimistes et provocateurs de Michel Howelbeck. Mais, en dehors des règlements de compte entre européens, il faut dire que la France à toujours eu une claire conscience de ses différences, d’où cette peur de perdre sa « francité » sous les coups redoublés d’une mondialisation à dominante anglo-saxonne.

Roody Edmé

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Sunday, March 19, 2006

Nucléaire Iranien : « Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes » ?


Le monde retient son souffle face à la montée des périls au Proche-Orient. Une situation qui pourrit autour du dossier nucléaire iranien. L’Iran revendique, en effet, son droit à enrichir de l’uranium pour satisfaire ses besoins énergétiques vitaux. Ce qui, apparaît dans les capitales occidentales comme fondamentalement suspect, un rapport des inspecteurs de l’agence de l’énergie atomique (AIEA) ayant lié les recherches des savants atomistes iraniens à des préoccupations militaires. Soufflant le chaud et le froid, Téhéran vient de refaire fonctionner ses installations temporairement arrêtées pendant d’intenses négociations avec l’Union Européenne. Les autorités en place dans l’ancienne perse ont de grandes ambitions régionales et, il leur est insupportable de se priver d’arguments militaires aussi décisifs dans un environnement méditerranéen qui compte déjà deux ou trois puissances nucléaires avouées ou inavouées. Or, les Nations-Unies se sont données comme objectif de limiter la prolifération des armes nucléaires qui constitue une menace pour la paix dans le monde. Pour l’organisation mondiale, une telle prolifération signifierait «la guerre de chacun contre chacun» pour parler comme le philosophe Hobbes. L’anarchie nucléaire donc ; puisqu’il n’existerait plus de club des grands ayant le monopole de la « force nucléaire légitime » et, pouvant jouer aux gendarmes de la planète.

Tout esprit cocardier mis à part, il y a un danger réel de voir un conflit limité dégénéré en conflagration nucléaire, véritable apocalypse capable de se propager à la planète, compte tenu de l’intérêt géostratégique d’une région, zone de contact de trois grandes religions monothéistes, souvent rivales. A Téhéran, on semble tabler sur le fait que les Etats-Unis trop occupés en Irak et déjà en affaire sur le dossier nord-coréen, n’ont nul intérêt à s’engager militairement dans un autre bourbier chiite. De plus, l’Iran puissance pétrolière pourrait mettre la pression sur le baril de pétrole en faisant exploser les prix et l’économie mondiale avec !

L’argumentaire de Téhéran est simple : De quel droit international relève le fait que seuls quelques pays sont en droit d’intégrer le club atomique ? Et c’est au fait ce qui fait carburer le « patriotisme nucléaire » iranien. L’opinion publique la-bas, dans sa grande majorité, est convaincue qu’on veut interdire aux iraniens de chercher à se doter d’une bombe atomique pour continuer à les traiter en puissance mineure. Un dossier sensible pour la corde nationaliste des iraniens et qu’exploite allégrement des Mollahs qui, tardent à apporter des réponses aux pressants problèmes socio-économiques du pays

Mais l’Occident parle d’une seule voix, l’enjeu est trop grand, et l’option militaire n’est pas du tout écartée. La diplomatie américaine fait monter la pression au conseil de sécurité. Washington cette fois-ci, ne souhaite guère faire cavalier seul et veut compter sur une large coalition. Quoiqu’il en soit, dans un premier temps, il ne s’agira que de sanctions économiques, puis on reviendrait à la formule des frappes aériennes ou du "lâcher" de missiles Tomahawks à partir de porte-avions mouillant au large du golfe. Il n’est donc pas prévu d’envoyer des forces spéciales sur le terrain, dans « l’enfer » chiite, à quelques encablures des élections de mi-mandat aux Etats-Unis.

Quant à la Russie, elle est la seule du club des cinq, au conseil de sécurité a jugé l’Iran encore fréquentable. Pour le moment, elle ne semble nullement effrayée par les ambitions de sa voisine de la mer Caspienne et joue plutôt la modératrice. Mais jusqu'à quand ? Une Russie qui, à l’intérieur de ses frontières semble hésiter entre transition et désorganisation. Héritière de l’arsenal de l’ex-URSS, la nouvelle Russie tente de jouer son va-tout dans ce dossier et veut montrer au monde qu’elle est loin d’être une super puissance diminuée. En vérité, il flotte dans l’air du temps, une « brise » de guerre froide, qui rappelle vaguement un retour à l’ère atomique. Même si les données ont changé. Ce n’est définitivement pas la fin de l’histoire.

Roody Edmé

Global Voices en Français

Thursday, March 02, 2006

Qui est donc Hugo Chavez ?


L’homme dit-on adore "les coups de gueule" et les coups de force et, aime se faire détester de ceux qu’ils n’aiment pas. Hugo Chavez, le président vénézuélien est définitivement un chef d’État atypique. Issu d’une culture de pronunciamiento bien à la mode latino-américaine, cet ancien officier putschiste s’est fait élire démocratiquement et assume, aujourd’hui, le pouvoir à Caracas, en toute légitimité.

Mieux, il est populaire. Et ses programmes sociaux font de lui le champion de la cause des pauvres. Car Chavez croit à ce qu’un homme politique haïtien des années 50 appelait "l’investiture sociale" des masses, c’est donc ni plus ni moins d’un chef d’État populiste qu’il s’agit, à l’instar, disent certains analystes d’un Peron ! Mais, prenons garde aux clichés, car Hugo Chavez est différent d’un Juan Peron, populiste "Blanc", alors que Chavez lui assume son métissage.

Son discours politique déroute les universitaires de gauche d’Europe et de l’Amérique, il s’éloigne volontiers de la rhétorique marxiste traditionnelle pour un curieux mélange de marxisme, de christianisme et d’accents "bolivariens". Disons rapidement, que son discours reflète la complexité d’une région qui a beaucoup souffert de colonisation et d’exclusion post-coloniale. Son apparent délire verbal est tentative de renouveler un discours politique qui a de moins en moins de prise sur une réalité sociopolitique tout aussi délirante.

Redoutable pour ses ennemis, il est quelque fois encombrant pour ses amis. Au sommet de Mar del Platar, en Argentine, il refuse de rester tranquillement dans la suite du luxueux Hôtel réservé aux chefs d’États. Il se retrouve néanmoins dans la rue aux côtés du célèbre footballeur argentin, Diego Maradona, à haranguer la foule de sa rhétorique anti-Bush. Même qu’il affirmait haut et fort, prêt à dire à ce dernier, ses "quatre vérités" s’il le croisait dans l’ascenseur de l’hôtel.

Inclassable, profil insaisissable, pour Washington qui préfère le qualifier de "fou furieux" ou de "nouvel Hitler", Hugo Chavez lui non plus ne mâche pas ses mots à l’endroit de ses adversaires "impérialistes". La force d’un Hugo Chavez, c’est son côté "David contre Goliath", de nouveau "lider maximo" qui enflamme les dortoirs d’étudiants et galvanise les frustrés de la mondialisation. Et puis, le bonhomme est un "pur" qui n’a pas de "grenn zanno kay ofèv" en ne touchant pas de près ou de loin à la drogue. A signaler aussi, un certain succès de ses programmes sociaux, particulièrement, les dispensaires de santé gratuits obtenus grâce à des accords de troc avec Cuba, pétrole contre enseignants et médecins. Si sa diplomatie du carburant agace et inquiète, elle lui donne un certain standing et le rend moins folklorique. Car quand on a les moyens de sa politique, on est loin du grand guignol ! Mais la faiblesse du commandant Chavez c’est son ego, son excentricité, même si certains croient qu’il faut un « grain de folie » pour oser l’impossible. Le président vénézuelien devra veiller à ne pas trop s’emballer ; "Robin des Bois" de la politique, saura-t-il se réinventer avec intelligence sous le poids des contraintes géopolitiques qui ne manqueront pas de se renforcer ? Résistera-t-il à la tentation totalitaire qui guette tout leader charismatique ? Saura-t-il enfin se réapproprier le verbe sans confisquer la parole ?

En attendant, l’homme compte autant d’amis que d’adversaires et, son face à face avec les Etats-Unis lui confère une aura internationale, il s’improvise parrain de tous les discours alternatifs et "grand frère" des peuples du sud.

Hugo le rebelle est-il un Simon Bolivar "aux petits pieds" ou un météore produit du choc des impérialismes ? Dans cette Amérique Latine en pleine mue, les nouveaux leaders qui représentent l’espoir de leur majorité sociologique sauront-ils entrer dans l’histoire ?

Roody Edmé

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Carnaval et Renaissance


Ils étaient des milliers au Champ de Mars pour fêter le carnaval, des milliers de poitrines pour crier leur joie, leur frustration mais surtout leur besoin d’un pays.

Cette année le carnaval avait un cachet particulier, une sorte de souffle épique s’échappait des libations d’une foule chaque jour plus compacte, plus joyeuse, plus festive mais aussi revendicative. Un mot sur toutes les lèvres : ‘‘la pè nap mande’’. Nos artistes ont été à la hauteur des défis de l’heure, en dehors de quelques dérapages ‘‘pornographiques’’ dans le discours d’un des ténors de la jeune musique haïtienne, mais heureusement, point de cela au troisième jour. Le comite du carnaval a fait son possible pour renouer avec l’aspect artistique et merveilleux du ‘‘tan lontan’’, en dépit du maigre budget d’un État faible, pour ne pas reprendre le cliché d’État en faillite. On a senti cette année, une renaissance, une volonté de détente sociale et politique pour que vive Haïti.

Devant mon petit écran, j’avais, je l’avoue en toute humilité, la distance froide du tube cathodique avec cette foule en mouvement sur la place des héros, mais les équipes des différentes chaînes ont fait leur possible pour relayer l’ambiance et nous donner une vue d’ensemble du cortège. Ti djo Zeni et ses appels enthousiastes pour la réconciliation, T-vice et sa quête de la paix, Djakout pour le côté explosif de sa meringue, Mass Konpa et sa chaleur contagieuse, Wyclef, éternel enfant du cirque, et son rêve obsessionnel d’un pays. Et derrière tout ce beau monde, une femme courageuse, madame Magalie Comeau Denis, avec l’appui de son gouvernement, elle a su transformer le Champ de Mars en une vaste scène de théâtre. En vérité, comme disait Kant ‘‘le beau est ce qui plait universellement sans concept’’. Puissions-nous conserver ce momentum, cette générosité dans le partage du sensible qui a fait descendre sur le macadam, notre danseuse Viviane Gauthier, plus jeune que jamais. Gardons donc cette flamme et soyons à la hauteur, pour que l’an prochain, le mardi gras ne vienne nous rire au nez.

Roody Edmé