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Global Voices en Français

Tuesday, January 24, 2006

Amérique Latine : " A la recherche du temps perdu"


Des montagnes andines aux larges plaines de la pampa en passant par le Nord d’Est brésilien, toute la géographie de souffrances et surtout de résistances d’une région qui apparaît aujourd’hui comme une des plus actives du monde.

Après avoir été la "terre de feu" par excellence, le sous-continent des dictatures militaires et des guérillas ; l’Amérique Latine apparaît comme le laboratoire d’un tiers-monde en pleine mutation. Constitué de pays à dominante catholique sur fond de cultures indigènes plus que vivaces, la région offre aujourd’hui un visage apaisé qui jure avec les turbulences guerrières des années 60-70. Terrain de prédilection des affrontements Est-Ouest, en raison de sa proximité avec les Etats-Unis et de la grande pauvreté de ses masses, l’Amérique Latine a donc été au centre de la compétition entre les modèles libéral et socialiste.

Les légitimes aspirations des peuples latino-américains ont toujours été pris entre le marteau et l’enclume des grandes puissances extérieures à la région et, toute lecture des revendications sociales de l’époque réduite à une vision bi-polaire.

Aujourd’hui encore, le sous-continent bouillonne d’idées sociales et accueille des forums sociaux mondiaux, tous cherchant une alternative à la pensée unique et revendiquant un modèle social plus intégrateur.

L’épicentre de ce nouveau combat semble être le projet des Etats- Unis d’une vaste zone de libre-échange, ce à quoi dans la région, on semble répondre par une multiplicité de projets alternatifs qui ont du mal à atterrir.

Les idées progressistes et généreuses sur la souveraineté alimentaire et une économie tournée vers la demande intérieure doivent encore faire du chemin, même si la forte mobilisation enregistrée ces dernières années, n’a pas manqué de changer certaines données des conférences internationales, comme celle de l’organisation mondiale du commerce à Cancun ou déranger le "ronron" bureaucratique d’une certaine technocratie internationale.

Sous l’effet conjugué des mouvements sociaux de plus en plus organisés et d’élites sociales démocrates modernes, on assiste quand même, en dépit de la persistance de toutes sortes d’exclusion, au progrès économique de certains pays qui, s’ils n’ont pas résolu leurs problèmes fondamentaux, accèdent tout de même au rang de pays dits émergents.

L’Etat nation en Amérique latine s’est consolidé de manière considérable cette dernière décennie et, les mouvements sociaux de base tambourinent aux portes des partis politiques à la recherche d’une articulation politique de leurs revendications. Les idées de « grandeur », traditionnelles aux caudellismes à la Pinochet et Peron ont rejoint, au centre, une partie des aspirations populaires à un meilleur partage des fruits de la croissance. Le nouveau nationalisme latino-américain est loin d’être une posture. Il se nourrit du développement d’un système éducatif en constants progrès qui élargit quantitativement et qualitativement les bases de nouvelles élites compétentes chevillées à l’intérêt national. Les résultats ne se font pas attendre : chaque année, des écoles supérieures, sort une "armée" d’économistes, de gestionnaires, de femmes et d’hommes d’Etat de tout credo politique, mais ayant en commun une formation scientifique éprouvée et une certaine idée de leur nation, ils n’ont bien sûr rien à envier aux diplômés de l’Ecole Nationale d’Administration en France. Il n’y a qu’à comparer avec ce qu’est devenue notre INAGHEI, école supérieure jadis si prometteuse pour comprendre en partie nos problèmes de gestion, ne serait-ce que du processus électoral.

A l’instar d’autres géants du continent asiatique, certaines "puissances" de l’Amérique Latine relèvent la tête face aux Etats-Unis et à l’Union Européenne, non pas tellement dans une logique de confrontation mais de dignité et d’intérêts bien compris. Avec en bonus, des possibilités de corriger les ratés d’un modèle développementiste globalisé grâce à la vigilance des organisations de base. Apres avoir assisté à l’effondrement "des récits marxistes" et s’être méfié des guérillas actuelles perdues dans des "impasses criminelles", le sous-continent affiche un dynamisme socio-politique qui passionne les chercheurs en sciences sociales.

Chez nous, dans quelques jours, ce sera le 7 février. Nouvelle échéance dans notre histoire proverbialement instable, puissions-nous réussir cette journée et les autres qui suivront pour conjurer le mauvais sort et sortir de la maudite contemplation de l’échec. Je ne comprends pas quelle jouissance nous pourrions avoir à être le « tombeau » de toutes les diplomaties, à avoir raison dans le malheur ! Ne serait-ce que pour sortir du syndrome des "Dix Hommes noirs" prophétisé par un "pape" du milieu littéraire du temps jadis.

Roody Edmé

Global Voices en Français

Monday, January 09, 2006

ARIEL SHARON

Fin de Partie !

Malal Ariel Sharon livre sur un lit d’hôpital, le dernier combat de sa vie. Au moment où nous écrivons cet article, Sharon le guerrier ne sait pas encore s’il se réveillera du coma artificiel dans lequel il est plongé par ses médecins qui craignent un nouveau choc !
Dans de nombreuses capitales du monde, des comités de crise veillent et répètent des scénarios sur ce que pourrait être l’après Sharon. A Washington, le silence est lourd de conséquences ! La secrétaire d’État a renvoyé un voyage en Australie pour « monitorer » la situation, ce dossier devient prioritaire et change de code pour passer à l’urgence.
La réalité est que Ariel Sharon fut un allié sûr de la politique américaine dans la région, on dirait même depuis le « gâchis » irakien, le "lapin" sorti du chapeau de l’oncle Sam et qui par la magie des retraits annoncés redonnerait vie à la femelle de route du Président Bush.
Aussi à quelques mois des législatives, l’administration américaine pourrait annoncer comme un succès de politique étrangère, la création prochaine d’un État palestinien, qui sait ? Ne racontait-on pas dans les couloirs de certaines missions diplomatiques à Tel Aviv et même dans la presse que Sharon était prêt à ouvrir la mise jusqu’à partager Jérusalem. Supputations, manœuvres habiles d’un stratège solitaire, n’empêche que la Paix n’a jamais paru aussi à portée de main. En Israël même, le nouveau "look politique" d’Ariel le magnifique avait emporté les adhésions à droite comme à gauche. Comme de fait, son nouveau parti, qui rassemble des personnalités de tous les horizons politiques caracole en tête des sondages.
Mais en Palestine, dans les territoires encore occupés, on ne regrettera pas trop « Ariel, le terrible », la main vengeresse qui fit sauter à la dynamite le village de Qybia en représailles à la mort de quelques colons juifs. On n’oubliera pas surtout, le général aux manières brutales dont l’idéal fut un grand Israël aux frontières bibliques. Mais en dépit de tout, certaines têtes politiques de l’Autorité palestinienne étaient attentives à ces dernières manœuvres sur le terrain politique. On n’aimait pas trop ces retraits unilatéraux, à la manière d’un chef de guerre qui recule pour mieux contre-attaquer, mais on savait qu’il fallait le prendre au mot et que l’Histoire ne choisit pas toujours l’instrument idéal pour accomplir ses desseins.
Que deviendra le nouveau parti, Kadima, qu’il a formé après son départ du Likoud ? Ehrout Holmert et Shimon Pérès sont en lice pour assurer le leadership d’un parti qui, du moins pour le moment, a le vent en poupe. Mais d’ici au moins en Mars, mois des nouvelles élections en Israël, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts. Kadima risque de ressembler à un vaisseau fantôme, sans capitaine, parviendra-t-il à bon port ou sera-t-il emporté par son élan et l’audacieux héritage que lui aura laissé Ariel Sharon, « le lion d’Israël » ?
Quoiqu’il soit, ce qu’il faut ces temps-ci en Israël, c’est une politique de rupture, une démarche hardie en faveur du processus de paix qui bouleverserait les pesanteurs et les approches stéréotypées des partis traditionnels.
Il y a aussi en face, chez les Palestiniens, les élections du 25 janvier, fatidique pour une autorité palestinienne qui a de plus en plus du mal à gérer les différentes factions de la résistance.
Aujourd’hui, une bonne partie de la solution réside dans une éventuelle évolution politique du Hamas, organisation militaire et politique au discours radical qui se prépare aussi activement pour le scrutin de la fin janvier 2006.
Quel sera le sort de Sharon et ses conséquences sur le processus de paix ? Il n’est que d’attendre, car le vieux général continue de se battre contre la mort. Ariel Sharon, "criminel de guerre" ou "guerrier de lumière à cheval sur deux siècles", cela dépend de quel côté on se place sur les rives du Jourdain.

Roody Edmé

Global Voices en Français

Wednesday, January 04, 2006

Canada – Élections :

Paul Martin : "Le songe d’une nuit d’hiver"

Dans un monde globalisé et interdépendant, on ne peut plus se permettre de faire fi de ce qui se passe chez le voisin, surtout si ce dernier est puissant et se veut amical. Ceci est vrai pour les Etats-Unis dont les élections sont partout suivies dans le monde, si bien que, circulait il y a quelques années dans les milieux étudiants à Washington, la boutade suivante : « Le locataire de la maison blanche pèse d’un tel poids dans les affaires du monde, que l’on devrait trouver un moyen de consulter les autres peuples sur son profil éventuel ».

Le Canada aussi, devient de plus en plus important, du moins pour nous autres de la « province francophone », compte tenu des engagements fermes de ce pays pris en faveur d’Haïti, et surtout, de la qualité d’accueil offerte à nos immigrants.

Notre pays est particulièrement bien placé sur la liste des pays soutenus par le peuple canadien et un de ses fils, policier retraité de la G.R.C vient de périr à des milliers de kilomètres de son pays, face au soleil, non loin d’une cité du même nom.

Les élections de ce mois de janvier au Canada voient s’opposer le Premier ministre démissionnaire Paul Martin, chef du Parti Libéral à Stephen Harper du Parti Conservateur et Gille Duiceppe du Bloc québécois, Jack Layton du N P D joue surtout aux outsider.

La campagne du Parti Conservateur s’articule autour de la baisse des impôts et le démantèlement des puissants "Lobbys d’Ottawa", une campagne qui rappelle même de loin les thèmes chers aux républicains américains.

Quant à Gilles Duiceppe, il s’accroche au scandale des commandites, une affaire qui éclaboussa le parti libéral à l’époque du gouvernement de Jean Louis Chrétien, Paul Martin alors ministre des finances au parcours jusque là excellent, n’est pas sorti indemne de cet imbroglio politico financier. Le 10 février 2004, en effet, la vérificatrice générale du Canada Sheila Fraser dénonçait l’utilisation abusive de fonds versés à des agences de communication proches du parti libéral dans le cadre d’une campagne publicitaire á caractère électoral. Bien que la commission Fraser n’ait retenu aucune charge contre Monsieur Martin, le dauphin de Jean Louis Chrétien a eu du plomb dans l’aile, au début de son mandat, et a dû diriger avec un gouvernement minoritaire.

En dépit de ce handicap, son gouvernement s’est signalé par une gestion rigoureuse de ce grand pays au système sanitaire si envié, qu’il est piraté par plus d’un étranger et, pas seulement ceux venus des pays les plus pauvres. Il a aussi beaucoup travaillé avec les grands acteurs sociaux, en dépit de quelques grèves dans les secteurs médical et enseignant, pour maintenir vivace le contrat social canadien.

Paul Martin se place délibérément dans la lignée des grands noms du Parti Libéral, en droite ligne de l’héritage de Trudeau. Avec un taux de chômage stabilisé autour de 7%, tout comme l’indice des prix à la consommation avoisinant les 2.8% sans compter une croissance irrésistible depuis 2003, l’homme a un dépôt de bilan à faire pâlir ses adversaires qui l’accusent fort souvent d’improviser. N’empêche que ses marques véritables semblent se situer sur le terrain de la politique étrangère.

La diplomatie canadienne menée par le couple Martin – Pettigrew a montré un Canada ambitieux de jouer un rôle sur l’échiquier international. Le Canada a délibérément opté de parier sur deux tableaux celui du Commonwealth et de la Francophonie, en jouant habilement de l’exception Québécoise. Le « style » P. Pettigrew aux affaires étrangères consiste à demeurer un ferme allié des Etats-Unis tout en gardant une distance critique vis-à-vis de la politique irakienne du puissant voisin. Une attitude quelque peu « gaullienne » qui agace parfois l’ambassadeur des Etats-Unis à Ottawa et provoqua un commentaire peu amène de ce dernier qui « ne souhaite pas à M. Martin de glisser sur une pente savonneuse. ô paradoxe d’une litote !

La diplomatie canadienne est aussi pro-active sur le dossier haïtien, à travers le dynamisme, du député Denis Coderre qui a encouragé récemment les états généraux des « forces vives » de notre pays vivant au Québec.

Si le vote de l’émigration haïtienne est pour le moment partagé entre les quelques militants très actifs qui reprochent au Canada son rôle dans les événements de février 2004 en Haïti et, ceux qui approuvent son rôle dans la reconstruction d’Haïti, il faut dire que le geste posé par Martin en direction d’une femme compétente venue des îles, Madame Michaelle Jean, risque tout de même de peser lourd dans la balance. Réélu ou non, il rentrera dans l’histoire du "grand Canada qui réussit". En attendant, les candidats entament le dernier tour de piste, les élections étant prévues pour le 23 janvier, une piste aussi abrupte et raide que la côte des neiges.

Roody Edmé.