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Global Voices en Français

Thursday, August 31, 2006

« Le testament de Robert Mc Namara »


Dans un film à caractère autobiographique, qui a pour titre « the fog of war », l’ancien chef du Pentagone à l’époque des Kennedy et Johnson, Robert Mc Namara est revenu sur une longue carrière qui a vu ce super technocrate traîner sa bosse à la tête des plus grandes entreprises américaines, puis à la banque mondiale, pour devenir apparemment l’homme de l’engagement américain au Vietnam.

Pendant longtemps en effet, dans l’opinion publique, Mc Namara avait été perçu comme le faucon des régimes Kennedy et plus tard Johnson. On disait de lui qu’il était froid, pragmatique, et qu’il était à l’origine des bombardements massifs des B-52 au-delà du 17ème parallèle, lors de la très meurtrière guerre du Vietnam. Dans ce film particulièrement révélateur, ce stratège reconnu des plus grands think thank américains est revenu avec sagesse et gravité sur certaines décisions prises par les généraux de son pays pendant les guerres d’Indochine.


Ces années de distance ont porté Mc Namara à réfléchir sur certains choix stratégiques de l’époque, l’ampleur des dommages collatéraux par rapport aux résultats obtenus. On se souvient que les tonnes de bombes et de napalm déversées des années durant, sur le Nord Vietnam, n’ont pas empêché au bout du compte la chute de Saigon. On apprend dans ce film, particulièrement bien fait, que l’homme qui par patriotisme avait assumé les accusations de ‘‘criminel de guerre’’ émises par la gauche américaine, faisait valoir lors des réunions au bureau ovale de la maison blanche, de sérieuses réticences quant à l’escalade militaire au vietnam. Il n’est pourtant pas devenu pacifiste et sa terrible efficacité, contrairement à son visage n’a pris aucune ride. Cette sortie filmée de ce super manager que fut Mc Namara n’est malheureusement pas assez relayée par la grande presse. Cette prise de distance critique de la part de ce ‘‘produit’’ réussi, de la culture américaine de l’efficacité, pourrait servir d’exemple à bien de décideurs actuels aux Etats-Unis mais aussi au Proche-Orient.


Pour n’avoir peut être pas vu ce film, la bande à Ehoud Olmert à Tel Aviv a mené une guerre de trop. Le pari stratégique des chefs de Kadima avait été de réaliser une démonstration de force destinée à briser les reins au Hezbollah. Et, d’inspirer la peur de Tsahal dans toute la région, rétablissant ainsi la puissance dissuasive d’une armée réputée invincible : « Qui frappe par l’épée, périra par l’épée ». Seulement l’ampleur des dommages collatéraux a assombri une opération dite de self-défense et les résultats obtenus n’ont pas plu à une opinion publique israélienne qui de la gauche à l’extrême droite avait pourtant soutenue son armée. Aujourd’hui, on parle de l’incompétence des chefs politiques et militaires qui ont mal évaluée la capacité de nuisance du Hezbollah et des règles d’engagement flou d’une armée qui a semblé lutter avec son ombre. Et moins on obtenait de résultats sur le terrain, plus on bombardait avec rage comme pour étouffer sa propre impuissance. L’utilisation de bombes à fragmentation par l’aviation allait retourner une bonne partie de l’opinion contre l’opération israélienne. Robert Mc Namara a dans son film évoqué le danger de ces bombardements aveugles pour si peu de résultats. La voix neutre de l’ancien responsable de la Général Motors et du Pentagone commentait tout au long du film, au kilogramme près, la charge destructrice des paquets de bombes lancées de ces forteresses volantes que sont les B-52 de la US-Air-Force sur Hanoi. Il a ensuite exposé une assez surprenante théorie des proportions, à savoir, la quantité de dommages collatéraux pour chaque combattant tué. Appliqué au dernier conflit du Proche-Orient, on pourrait se demander combien de civils devaient périr pour deux soldats enlevés : « Proportion should be a guideline in war » affirme cet homme qui est loin d’être un humaniste ayant une larme à l’oeil. Les deux belligérants ont semble-t-il négligé les coûts humains et matériels d’une guerre dont les résultats sont d’autant plus flous que chacun revendique la victoire. Un autre enseignement de Mc Namara est de se mettre dans la peau de l’adversaire et de comprendre ses objectifs. Dan Hallutz, l’israelien et Nasrallah le libanais chiite, se sont laissés prendre à un petit jeu guerrier dont les conséquences étaient mal maitrisées.

Dans le cas du conflit du mois dernier, les résultats recherchés par Tsahal se sont plutôt inversés. Non seulement le Hezbollah s’est renforcé, mais la Turquie prenant exemple sur Israel, se demande si elle ne ferait pas un petit tour dans le Nord Irakien pour nettoyer les cellules du P.K.K embarrassant du coup les Etats-Unis. ‘‘Allez messieurs ! Remuez vos honorables fesses, et nettoyez le mont Kandy !’’ fulmine un éditorialiste turque à l’endroit des généraux d’Istanbul. Le coût de l’opération israélienne baptisée ‘‘pluie d’été’’ qui s’est transformée en un ‘‘Tsunami’’ avoisine les cinq milliards de dollars pour les deux pays, avec des pertes en vies humaines assez importantes, compte tenue de la durée et de la taille du conflit. Et tout cela, pour apprendre, que des négociations avaient commencé cette semaine, avec le Hezbollah, pour un échange de prisonniers.


On pouvait bien commencer par là ! N’est-ce pas ? En vérité, le film de Mc Namara devrait figurer en bonne place à côté de Clausewitz et de Sun Tsu dans les rayons des États-majors.

Roody Edmé

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Thursday, August 24, 2006

Le chantage Nord-Coréen

La Corée du Nord est l'un des rares pays qui garde encore les rideaux baissés même après la chute du mur de Berlin et, le règne du libéralisme planétaire. Rare sont les images qui parviennent de ce territoire qui sait comment enfouir ses secrets et les protéger de « l'œil caien » des satellites sud-coréens et américains qui cherchent à soulever le voile sur le régime de Kim Jong-il.

Le 4 juillet, jour de la fête nationale des Etats-Unis, alors que dans le ciel américain brillait de mille feux d'artifice festifs, Kim Jong-il, en vrai « Bad Boy » décide d'allumer ses propres pétards. En effet, Puongyang venait de procéder à l'essai de ses nouveaux missiles Taepodong-2, lesquels missiles devaient s'abîmer quelque temps après leur lancement dans la mer du Japon. Ces essais peu concluants ont rassuré la communauté internationale sur les capacités réelles de la technologie Nord-Coréenne. Mais qu'importe, le dictateur le plus stalinien du post-communisme adore la publicité pour son bazar nucléaire, une manière de faire pression sur le président Bush en vue d'obtenir des négociations directes avec Washington sur un dossier particulièrement sensible. Un président Bush qui a déjà dans les bras, le « bébé nucléaire iranien », sans oublier, un engagement militaire en Irak on ne peut plus « ensabler ». Définitivement la décision d'intervenir en Irak ne s'est pas révélée payante sur le plan régional, les armes de destruction massive se retrouvant un peu partout en Orient, sauf dans l'ancien Califat de Bagdad. Comme dans un western de Sergio Leone, les ''Cow boys'' se sont lancés sur une fausse piste et leur décision récente d'abandonner « les vaches israéliennes à l'assaut des pâturages libanais » nous éloigne encore plus du grand projet républicain de Moyen-Orient démocratique. Mais qu'importe, en dépit des sondages qui accusent l'impopularité de sa politique étrangère, le président persiste et signe. Et sa déclaration à savoir « si nous abandonnons l'Irak, l'ennemi nous suivra à la maison » peut avoir quelques échos dans une Amérique profonde habituée à vivre au rythme des alertes au terrorisme. Le chantage nord-coréen a d'autant plus de poids que les observateurs s'accordent à penser que Kim Jong-il pourrait être tenté de vendre du combustible nucléaire à un État ou … à un groupe terroriste. Mais personne ne croit vraiment que la Corée du Nord cherche un chambardement dans la région et, aucun membre de la communauté internationale ne souhaite voir s'effondrer le régime nord-coréen comme celui de Saddam Hussein. Abattre l'ennemi est une chose, mais le chaos est encore plus difficile à gérer surtout que la Corée fait frontière commune avec la Chine. Quoiqu'il en soit, l'armée nord-coréenne en effectuant ses nouveaux tirs met dans l'impasse les tentatives de rapprochement avec la Corée du Sud et la politique du « hérisson » qui consiste à s'enfermer dans sa carapace, tout en pointant ses dards, est à terme contre-productive.

La semaine dernière, les services secrets occidentaux signalaient une explosion souterraine quelque part dans la péninsule nord-coréenne. Il est clair que chaque fois que le maître de Pyongyang estime que l'on ne prend pas assez au sérieux ses exigences, il déclenche une crise. Sa propension pour le boucan atomique correspond moins à une folie des grandeurs qu'à un besoin pragmatique de devises que les sanctions américaines commencent à rendre aussi précieux que l'oxygène. Washington avait jusqu'à là espéré que la Chine finirait par se lasser des entourloupettes du galopin Kim, en mettant une fois pour toute, les pendules à l'heure avec son allié nord-coréen. Mais la Chine comme une ''tutrice'' trop tolérante semble avoir pour Kim une patience infinie. Mais, juste en face, au Japon, l'humeur est assez grise, pour que certains médias imaginent déjà des ''fantomatiques guerriers'' samouraï se lançant à l'assaut de la péninsule coréenne, au cri de « Banzaï ». Une situation on ne peut plus complexe qui réveille les souvenirs brumeux du conflit du milieu du siècle dernier. Le Japon voit en effet d'un bien mauvais oeil ce ballet de missiles au-dessus des villes niponnes. Kim jong il fils du puissant dictateur Kim il Song veut surtout montrer à l'heure des négociations statégiques avec les Etats-Unis que « pitit tig se tig ». Et si la menace appelée Pyongyang, régime au bord de l'implosion, à l'image des moulins de Don Quichotte, n'était guère qu'une chimère , s'interrogeait une éditorialiste de la presse asiatique cette semaine.

Roody Edmé

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Sunday, August 20, 2006

Mots croisés


Sans aucun doute, ces dernières années de crise auront servi de cadre à deux œuvres d'une rafraîchissante modernité : ''2004'' de Lyonel Trouillot et ''La folie était venue avec la pluie'' de Yanick Lahens.

Pour ceux qui comme moi ont un penchant pour le social, ces deux publications sont un moyen détourné de revivre des moments intenses et dramatiques de la saga d'une société éclatée et déchirée entre la nostalgie de la stabilité despotique des années 60 et, la bamboche démocratique et sanglante des années de la longue transition. « Après tout, il se peut que les choses se soient passées ainsi dans une île de la caraibe » nous avertit, prudent, l'auteur pour qui l'art du roman serait un « mentir-vrai ».

Sous la plume de nos deux écrivains qui ne dédaignent nullement les procédés balzaciens du récit défilent , au fil des pages, des personnages que nous pourrions croiser dans les rues de Port-au-Prince. De l'étudiant contestataire, pourfendeur de régimes bien établis aux caïds des bidonvilles qui apparaissent et disparaissent au fil des règlements de compte (les nouvelles de Lahens) ; le lecteur découvre les contradictions de personnages non dépourvus d'une certaine épaisseur historique ou sociale parce qu'engagés dans un sens ou dans l'autre de l'histoire. Souvent leurs destins sont mêlés, ils viennent parfois du même quartier, de la même famille … ils sont habités soit par un désir de changement qui les démange comme un prurit, soit par l'appétit de quelque gain à obtenir au bout d'un colt 45 ou d'un revolver de marque autrichienne Glock.

L'écriture de Trouillot aux multiples claviers poétiques nous enchante, tel un accordéoniste, il ouvre, étire, ferme sa syntaxe pour produire les notes vitales d'un ''peuple en marche''. C'est bien sûr aussi son humour habituel, implacable contre cette bourgeoise et son mari, ce chirurgien aux mains fines, qui adore passer des ordres. C'est la même arrogance iconoclaste contre les bien pensants, les accommodants, une certaine pensée dominante que Trouillot adore faire éclater en ''mille morceaux''. Trouillot est dans la vie comme dans la littérature, un ''artiste martial'' qui adore donner et recevoir des coups, « sabrer » dans le mandarinat intellectuel. ''Un écrivain hurleur'' qui écrit avec son corps aux multiples plaies ouvertes : celle de son quartier d'origine devenu un vaste bidonville, de son pays écorché vif. Pourtant, cet écrivain rebel, est lui aussi une sorte de mandarin de … l'anti-conformisme. Je suis souvent tenté de le comparer à un Michel Houelbecq, sans ''la brune désespérance'' de ce dernier. Lyonel a encore quelques amitiés fidèles et des balises affectives stables, alors que Houelbecq n'a plus que son chien et sombre dans un ''nihilisme rahélien''. Derrière sa cigarette et son « pouce rôti comme une cuisse d'oie », sa badine et son verre de rhum, le « fou de l'île » nous livre une version romancée d'une époque de braise : Avec le cri de la rue, la marche rythmée des étudiants sur le béton, presque du direct, mais tellement poétique. Une aventure proustienne à la recherche d'un temps qui ne finit pas de se perdre. Les focalisations se multiplient et la parole est de tous les bords, celle du bourreau et de sa victime nous sont exposée sans dogmatisme, sans volonté d'orienter le lecteur. Même que ce dernier peut pénétrer par les multiples fenêtres de l'œuvre, le monde interlope des tueurs et découvrir leur ''philosophie'' qui n'est pas celle de Spinoza ou de Marx, mais plutôt un ''existentialisme'' aussi froid et fatal que le canon d'un colt 45. Au détour de chaque phrase de Trouillot, une voix off « Moi Ernestine St Hilaire. Moi noire, je sais de quoi je parle » Et pourtant, le monde se dérobe sous les pieds de cette dernière et, ses deux fils lui échappent. Cette voix insistante, intérieure, pourrait être celle d'une autre mère haitienne, la Délira de Gouverneurs de la Rosée.

Dans ''La folie était venue avec la pluie'', la phrase de Lahens est ample, le travail sur le langage est fait avec d'innombrables soins. Lahens nous surprend par sa presque parfaite connaissance des milieux sociaux évoqués, des ondes de choc qui traversent la foule des partageux à chaque fois qu'elle se mue en vagues assassines. Exploitant avec une rare sensibilité, les ressources de la nouvelle, Lahens nous promène dans un Port-au-Prince de tous les dangers et son écriture fondue dans la canicule de la ville, ''sous le soleil de Satan'' est travaillée dans une ''forge'' quelque part dans le pourtour de la place Boyer. Le mauvais temps s'annoncait déjà avec la « La petite Corruption » et cumule dans une intertexualité avec l'avalanche qui mit en crue les eaux basses de la politique haitienne : « Et depuis que le corps de Mervilus avait été trouvé la veille dans une ravine non loin du quartier des Dalles, la folie comme la mort, comme l'enfance arrachée était venue avec la pluie » écrit Yanick Lahens. Ces deux écrivains sont descendus avec leurs personnages sur le béton, peut-être les ont-ils suivi à la culotte, dans la blancheur âcre et suffocante des gaz en cette année du bicentenaire. Mais attention nous prévient Trouillot, comme par opposition à la bande annonce d'un fim de la MGM : « Toute ressemblance avec des personnes vivantes ne serait donc en rien le produit du hasard... »

Il y a dans ces deux textes les marques historiques d'un discours collectif. Le testament d'une génération qui sait avec Sartre « qu'en face d'un enfant qui meurt, la Nausée ne fait pas le poids ». Aussi ont-ils chacun à leur manière fait de la « résistance ». Ils ont quand même eu la sagesse de ne pas cesser d'écrire, car d'après Jean Ricardou ''Toute littérature cessante, nulle révolution possible''

Roody Edmé

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Tuesday, August 15, 2006

Proche-Orient : Le retour de la diplomatie

Le Conseil de sécurité a adopté vendredi soir à l'unanimité de ses quinze membres une résolution en faveur d'un arrêt des hostilités au Proche-Orient, entre Israël et le Hezbollah. La résolution 1701 prévoit l'envoi au sud Liban de quinze mille hommes sous l'égide des Nations Unies. Un renforcement en fait, de l'effectif de la FINUL qui opérait déjà dans la région. Cette force sera placée sous le chapitre 6 de la charte de l'organisation mondiale et non le chapitre 7 comme le souhaitait Tel Aviv. Un tel mandat donnerait à la force la capacité d'intervenir pour faire respecter un éventuel cessez-le-feu. Les diplomates à l'ONU, prenant en compte, les objections libanaises ont préféré opter pour une structure internationale d'encadrement de l'armée libanaise.

Ce qui est fondamentalement en jeu dans cette résolution, c'est la souveraineté reconquise du Liban sur l'ensemble de son territoire. La fin des milices confessionnelles balkanisant un territoire où vivent des populations à options religieuses différentes. La bonne nouvelle est que les principaux belligérants semblent accepter cette résolution accouchée aux forceps. Le Liban n'a pas le choix, compte tenu de la note salée qu'elle aura payé pour une guerre qu'elle n'a pas choisie. Israël non plus, pour avoir été surpris par la résistance des combattants du Hezbollah enterrés dans la plaine et la montagne de la Bekaa et qui ont remporté la bataille psychologique sur une armée réputée invincible. Le show guerrier de Tsahal, légitime au départ, a tourné au cauchemar en raison des victimes civiles et, de la disproportion d'une riposte d'autant plus aveugle que le Mossad (service de renseignement israélien) a semblé manquer des balises nécessaires pour informer les militaires sur les mouvements de la guérilla du Hezbollah.

Un des pays qui a su tirer son épingle du jeu dans ce conflit est la France. Le pays de Chirac a tout de suite pris à cœur la situation dramatique du Liban et a réussi, sans se fâcher avec son puissant allié outre atlantique, à pondre une résolution où tout le monde perd et gagne quelque chose. Assez affaibli sur le plan intérieur, Chirac aura marqué un point de politique extérieure, qui, après la prestation de l'équipe de France en coupe du monde, réhausse une fois de plus, l'image de son pays et par ricochet d'un gouvernement qui prenait eau de toute part. Apparaissant comme un leader incontournable du monde actuel, le président Chirac affirmait le soir de la résolution : ''conformément à ses responsabilités, la France prendra sa part dans la mise en œuvre de la résolution 1701 en ce qui concerne la nouvelle FINUL'' ; tandis que son ministre des affaires étrangères Douste-Blazy souhaitait que la communauté internationale « offre demain au peuple palestinien ce qu'elle offre aujourd'hui au Liban … il y va de l'avenir d'une région qui a trop souffert et qui doit renouer avec la paix ». Comme pour compléter la bonne fortune, la France annonçait la mise en orbite d'un satellite de communication, nouvelle génération, Syrius 3b particulièrement efficace pour les communications militaires des troupes en mission à l'étranger.

Toutefois, la résolution une fois passée il reste encore à l'appliquer. Les traumatismes d'un mois de conflit aussi brutal que soudain prendront du temps à s'estomper. Il faut s'attendre maintenant à des règlements de compte à l'intérieur aussi bien du Liban que d'Israel sur les passifs d'une guerre sans objectif. La résistance du Hezbollah même célébrée dans l'opinion publique libanaise laisse quand même un goût amer sur le ''prix effroyable pour tant d'honorables exploits'' selon un journal libanais édité en français. Alors que la presse israélienne s'interrogeait : « Peut-on faire entrer en guerre un pays entier et n'obtenir qu'une humiliante défaite et rester au pouvoir ? ».Une manière de critiquer le gouvernement Olmert pour son amateurisme dans la conduite de la guerre. En attendant, Israël poursuit frénétiquement son offensive comme pour se rassurer que les roquettes du Hezbollah ne menaceront plus le Nord de son territoire. Le temps joue donc contre la paix. D'autant qu'à Damas le silence est lourd de conséquences. Vivement le retour de la diplomatie pour freiner les extrémismes de tous bords au moment où la terreur guette une fois de plus dans le ciel.

Roody Edmé

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Thursday, August 10, 2006

États-Unis – Diplomatie : Échec et Mat

La diplomatie américaine a du mal à retrouver ses marques dans certaines régions du monde. Si en Amérique Latine, le département d'État a su laisser passer la déferlante électorale de la gauche et même travailler avec certains gouvernements moins radicaux comme celui de Lula au Brésil, de Michèle Bachelet au Chili, tout en résistant à confronter directement le Venezuela d'Hugo Chavez et surtout à ne pas trop se précipiter dans le vide laissé par la maladie de Fidel Castro ; au Proche-Orient, une autre logique, celle de la lutte contre la terreur l'a emporté.

L'après 11 septembre a vu l'administration américaine se lancer tous azimut dans une logique de force militaire. Les cercles néo-conservateurs ont voulu faire parler la poudre pour contrer les menées du terrorisme international. Une doctrine de la frappe préventive, qui allait marginaliser les diplomates de carrière au département d'État. La provocation ultime du 11 septembre a entraîné les Etats-Unis dans une stratégie militaire interventionniste qui a laissé peu de place à l'analyse des enjeux multiples et complexes d'un Moyen-Orient multiconfessionnel. Si on relit l'excellent livre de Bob Woodward, grand reporter au Washington Post, les rencontres des cellules de crises à la Maison Blanche ont essentiellement porté sur les préparatifs militaires de la guerre anti-terroriste. Alors même qu'après avoir occupé le terrain en Irak et en Afghanistan, il aurait fallu se lancer dans un difficile et patient processus de ''state building ''. En Irak par exemple, une fois la statue de Saddam Hussein déboulonnée, Washington n'a pas su coopérer avec les sunnites et au contraire, a monté une opération de purge du parti Baas, quelque chose qui sonnerait chez nous comme « Baasistes pa ladan'l » qui a tout de suite polarisé le jeu politique. Les sunnites qui disposent d'importants réseaux dans toute la péninsule arabique, lancèrent alors une large insurrection alimentée par des combattants venus de la frontière Syrienne.

Washington a alors tenté de jouer maladroitement les chiites contre le noyau dur sunnite identifié comme des partisans zélés de Saddam ; c'était ne pas compter avec les calculs sophistiqués d'un Zarquaoui qui a réussi avec une terrible efficacité à attiser le conflit entre les deux grands courants religieux de l'islam.

Cette semaine deux généraux du ''centcommand'', Mrs Pace and Abizaid ont admis que l'Irak glissait vers la guerre civile. Ce qui provoqua une réaction outrée de la part du Sénateur Clinton qui demanda la démission du Secrétaire d'État à la défense, Donald Rumsfield. La vérité est que depuis la mort de Zarquaoui, le 7 juin dernier lors d'un raid américain autour de Bagdad, la logique du pire ne s'est pas inversée.

L'effet Zarquaoui continue à propager son onde de choc à Bagdad comme à Basoah et sa disparition n'a pas signifié la fin de la banalisation de la violence. Pour le New York Times : personne ne se doutait avant la mort de ce dernier qu'un leader terroriste pourrait jamais égaler ou dépasser Oussama Ben Laden. Ce serait donc imprudent de prédire qu'à sa mort il n'y aura plus de terroriste de la stature d'Al Zarquaoui. D'ailleurs depuis un certain temps, les groupes extrémistes semblent avoir repris du service en Afghanistan spécialement dans les provinces au sud de Kaboul. Le président de ce pays Hamid Karzai a lancé récemment une phrase on ne peut plus lourde de conséquences : « nous demandons de plus en plus de troupes américaines et nous continuerons à en demander encore plus … et nous n'arrêterons jamais de demander ». Les Etats-Unis et l'OTAN peuvent-ils se permettre de rester définitivement dans ce pays ? L'opinion publique américaine n'est vraisemblablement pas prête à suivre l'équipe du président Bush dans cette voix. Et les talibans le savent ! Alors c'est quoi le plan B pour une diplomatie américaine qui malgré la brillance reconnue de Madame Rice a tendance à paver la voie pour les militaires du Pentagone au lieu d'écrire un nouveau chapitre dans le livre ''blanc'' du State department qui aurait pu s'intituler ''comment se faire des alliés ?''

Or, la situation internationale n'a jamais été aussi compliquée depuis la seconde guerre mondiale avec un arc des crises qui inclut la Corée du Nord, les tensions indo-pakistanaises, l'Afghanistan, le Darfour, sans oublier la Côte d'Ivoire et, l'apparition en Somalie des « tribunaux islamiques » qui ont vaincu les groupes armés soutenus par les Etats-Unis. En arrière plan de tout celà, un baril de pétrole à 80 dollars, pendant que la guerre fait rage entre Israel et le Hezbollah aux dépens de le malheureux Liban. A propos de ce pays, la dernière résolution préparée par les diplomates américains et français est vue avec suspicion dans le monde arabe parce que considérée comme trop pro-israélienne. Les diplomates à l'ONU tentent de la sauver en parlant d'un processus en deux temps. La rue arabe accuse la plus grande puissance du monde de ne pas jouer les ''honnêtes'' médiateurs et de donner à Israel un « licence to kill », au nom de la lutte contre le terrorisme. Pierre Lelouche, un député de l'UMP commente fort à propos dans le journal français ''Le Monde'' : « L'Amérique est entrée en guerre contre le terrorisme, mais c'est une guerre unilatérale, sans alliés, s'appuyant uniquement sur la supériorité militaire ». La chine et la Russie elles aussi pratiquent un chacun pour soi, comme si la sécurité internationale était un jeu à somme nulle.

Ces politiques à courte vue des grandes puissances fragilisent un Conseil de sécurité qui ne peut convenablement assumer son rôle d'arbitre. Quant à la diplomatie américaine, sans un habile aiguillage vers le centre, le Proche-orient comme un gigantesque Titanic peut s'enfoncer dans les eaux tumultueuses de la violence, à l'heure de la montée des périls.

Roody Edmé

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Thursday, August 03, 2006

''Etat d'urgence''


Le pays a les veines ouvertes… et la nation perd chaque jour de sa force productive. Nous vivons une guerre de basse intensité qui afflige et détruit le corps social. Un ingénieur en télécommunication est abattu sommairement dans un geste d'une effarante gratuité, un entrepreneur de Pétion-ville et son gosse de 18 mois sont tués par un soir de sortie en famille. Le quartier de Martissant est transformé en zone de guerre et la population est aux abois. Cette situation réclame l'état d'urgence, une mobilisation des forces nationales et internationales. Hé oui ! L'international, malgré nos frustrations légitimes sur l'impotence de la force onusienne par rapport à une situation qui nous prend à la gorge. C'est le moment de ne pas perdre son sang froid en réclamant le départ des forces onusiennes, au contraire, il faut demander des précisions sur le mandat et exiger une redéfinition des fameux « rules of engagement ». Le pays ne peut certes se permettre de servir de vitrine pour l'exposition de drapeaux de certains pays à la recherche d'un prestige international. Le sacrifice d'une partie de notre souveraineté doit servir à nous permettre de nous reconstituer en tant que nation et les pays frères de l'Amérique s'engager sincèrement à nos côtés pour une reprise en main de notre avenir. Comme nous eûmes à le faire par le passé pour d'autres pays : lorsque nous offrîmes de l'aide aux leaders Bolivar et Miranda, lorsque Sandino s'inspira de Péralte, lorsque nos cohortes d'enseignants partirent relever le système éducatif en Afrique et au Québec. Haïti a une histoire internationaliste et on peut compter sur les doigts les pays qui n'ont pas vu verser du sang haïtien pour la liberté. Aussi c'est légitimement que nous réclamons cette aide, que nous demandons qu'elle soit proactive. Une certaine honnêteté exige que nous reconnaissons que des casques bleus ont perdu la vie sur notre territoire à des milliers de kms de leurs foyers et que leur présence n'est pas inutile.

La même honnêteté exige aussi que nous dénonçons les dérapages lorsque des élus sont humiliés ou lorsque la force internationale se laisse dépasser par les événements. Ce n'est certainement pas uniquement la solidarité qui fait qu'un pays fournit des troupes aux nations-unies, les relations internationales sont une partie de poker ou chacun a ses mises. C'est à nous d'avoir les notres dans le sens de nos intérets bien compris. Sans tomber dans l'auto-flagellation et la diabolisation des autres. Sinon c'est la déprime, ''en attendant ... Godot''. Il s'agit de faire la part des choses, de critiquer, de corriger, de punir et d'encourager par exemple, lorsqu'un officier de police accouche une femme enceinte lors d'une patrouille de nuit. Face au défi sécuritaire actuel, le gouvernement devrait décréter l'état d'urgence nationale et nous nous sentirions rassurer de voir partout les forces de l'ordre protéger nos marchés publics, nos restaurants, nos usines, notre aéroport qui devra recevoir les investisseurs annoncés. Le simple citoyen a besoin de sentir une réponse vigoureuse des pouvoirs publics et non cette tour de Babel médiatique où chacun y va de ces accusations les plus folles. Le plan de sécurité annoncé doit être visible et rassurant pour le citoyen haïtien qui a déjà fait montre d'une capacité à résister au pire. L'État se doit de l'encourager à vivre dans son pays et à ne pas s'expatrier dans des pays où il n'est pas le bienvenu (voir l'article de L. T. sur l'aéroport de Pointe-À-Pitre). Les temps sont durs et réclament de nous, gravité, vigilance, mobilisation ; mais aussi pragmatisme. Nous ne pouvons encore nous en sortir seuls, nous avons besoin d'un court et d'un moyen terme pour construire cette force de sécurité que nous appelons de nos vœux. Ne jouons pas à la roulette russe avec notre avenir sécuritaire, les conflits oubliés sont pires.

Roody Edmé

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Proche-Orient « Un conflit de type nouveau »


La guerre qui s'étale à la une de nos médias avec une indécence meurtrière présente les caractéristiques de ces nouveaux conflits du 21e siècle. Il ne s'agit pas de l'opposition traditionnelle entre deux Etats, même si dans ce cas-ci le Liban paie un tribut particulièrement lourd ; conséquences multiples des attaques israéliennes.

Il s'agit au fait d'un Etat, en l'occurrence Israël qui combat une guérilla aux méthodes assez nouvelles et qui est en mesure de porter le danger à l'intérieur de son territoire. Cette guérilla de confession chiite a pour base le sud du Liban et est soutenue par le gouvernement chiite iranien. Un Liban ou cohabite dans un fragile équilibre de multiples confessions entre autres chrétienne et sunnite. Il y eu par le passé des affrontements entre ces différentes confessions qui s'observent depuis en chiens de faïence.

La stratégie militaire israélienne semble être de frapper toutes les communautés pour les porter à se dresser contre la guérilla du Hezbollah, « fauteuse de guerre ». Le message de Tsahal délivré aux libanais à coups de missiles et de bombes au phosphore se résume ainsi : «Assumez toutes les conséquences de la présence du Hezbollah sur votre territoire». Les dommages collatéraux sont le prix à payer par un Etat qui accepte sur son territoire, une organisation terroriste. De son côté le Hezbollah a développé grâce à des roquettes fournies par Téhéran via Damas, une capacité de nuisance meurtrière pour la population israélienne. Même si les roquettes du Hezbollah ont l'air de feux d'artifice par rapport aux missiles guidés au laser de Tsahal, n'empêche qu'ils provoquent des dégâts chez les civiles israéliens.

Une autre caractéristique de ce nouveau type de conflit est le non respect des accords de Genève sur le type d'armes utilisés en situation de guerre, et les attaques systématiques sur les populations civiles. Il n'y a pas de ligne de front, il s'agit de punir collectivement les populations pour les porter à faire pression sur les acteurs politiques et la communauté internationale. Cette approche avilissante pour la condition humaine inaugure sous les auspices les plus sombres ce nouveau millénaire. Ces nouveaux conflits ne peuvent être lus selon la grille traditionnelle de guerre froide, ni même comme « choc de civilisations » dans ce cas particulier, les « civilisations » en elle-même ne sont pas des acteurs de l'histoire ; les parties en conflit regroupent des Etats aux politiques et aux alliances diverses. A l'intérieur même du monde arabo-musulman, il existe une rivalité meurtrière entre Sunnites et chiites dont le théâtre sanglant est l'Irak. Toutefois, certains théoriciens fondamentaliste musulman et chrétiens entretiennent dans leurs discours cette opposition qu'ils estiment fatale. La nouvelle pensée laïque et moderne de ce nouveau millénaire devra batailler dure pour sortir de ce manichéisme qui d'un côté prône un discours haineux contre « les croisés et les juifs » et son corollaire l'islamo phobie raciste.

Ce qui se passe au Proche-Orient est malheureusement un cas d'école des conflits qui nous attendent dans ce siècle et qui de Bagdad à Bombay en passant par Beyrouth se nourrit de l'anonymat des victimes. Henri Barbusse, qui obtient le prix Goncourt en 1917 écrivait : «Deux armées qui se battent, c'est comme une grande armée qui se suicide» ! Aujourd'hui, le feu menace « Les troncs, les arbres, les cœurs… tout le bouquet d'humanité » pour reprendre le poète Paul Eluard.

Roody Edmé

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« Déluge de feu au pays du Cèdre »


Tapis de bombes, pilonnage systématique et réciproque des positions israéliennes et du Hezbollah , "dame guerre" s'est de nouveau invitée avec une solennité dramatique dans une région martyrisée depuis plus d'une quarantaine d'années et à qui, « elle n'a pas fini de révéler ses énigmes ». L'opération « Pluie d'été » s'est transformée en un terrible orage mécanique d'obus et de missiles, de bien « grosses allumettes », pour une région particulièrement volatile, le coût du baril de pétrole a déjà atteint les 78 dollars.

L'attaque du Liban fait suite à l'enlèvement par des commandos du Hezbollah (combattants palestiniens d'origine chiite) de deux soldats israéliens. On se souvient qu'un premier soldat de Tsahal avait été enlevé à Gaza, ce qui avait d'ailleurs déclenché les premières hostilités. Depuis maintenant plusieurs jours, le Liban est « under attack » et les images que nous voyons à la télévision ont un petit air lointain et irréel. Qu'est-ce qui explique la violence des attaques israéliennes contre un pays qui n'est pas équipé pour se battre et dont l'armée de l'air est constituée en grande partie d'hélicoptères équipés de mitrailleuses ? En fait, Israël, veut porter officiellement le gouvernement libanais où siège deux ministres du Hezbollah à "désarmer" la dite milice et à reprendre le contrôle de son territoire. Seulement, on se demande l'économie d'une telle opération, compte tenu du fait que le Hezbollah a une puissance de feu de loin supérieure à l'armée libanaise. Cette offensive militaire d'Israël, si elle n'est contenue dans les prochains jours pourrait déboucher sur un nouvel effondrement de l'État libanais et, la punition collective de tout un peuple pris en Sandwich entre le Hezbollah et l'armée israélienne. On en arriverait à une nouvelle partition du Liban en zones contrôlées par des milices et qui sait à un retour « dissuasif » des troupes syriennes, sur un terrain récemment évacué. Un scénario cauchemar pour une région situé sur un arc périlleux de crises.

Au moment d'écrire ce papier, j'ai sur ma table, une carte de la région. Et il m'est venu à l'idée de me livrer à un petit tracé géométrique somme toute banal, mais aux conséquences géopolitiques peut-être incalculables : Toute droite horizontale ayant son origine à Jérusalem aboutit dans son extrémité à … l'Afghanistan. Si nous traçons une perpendiculaire à la même droite, avec pour origine Bagdad, le point d'extrémité arriverait à Mongadiscio. Eh oui ! un scénario "somalien" ne saurait pas à écarter au Liban et ceux qui dénoncent, comme Mahmoud Abbas, le danger d'embrasement, ne sont pas en train de faire le fanfaron en criant "au loup" ! Le danger existe bel et bien. Les hommes du Hezbollah sont des durs qui croient aux martyrs et l'état-major israélien est dirigé par le général Dan Halloutz, déjà épinglé par des organismes des droits humains en Israel pour la dureté de ses précédentes opérations.

A Tel Aviv, le gouvernement civil du premier ministre Ehoud Olmert doit faire ses preuves et comme le suggère un éditorialiste du quotidien Aaretz « aller jusqu'au bout ». Reste à savoir les limites réelles de ce bout, lorsqu'on sait que Damas et Téhéran ne sont pas si loin. Pour l'heure, la communauté internationale se réunit au sommet du G-8 et est comme médusée par l'ampleur des opérations. Il y à vingt ans, de sa fenêtre d'un quartier de Beyrouth, l'écrivain Amin Malouf remarqua au coin de sa rue, la tourelle d'un char, c'était le début de la guerre civile et de son exil... Aujourd'hui au Liban, le tourisme s'effondre. Beyrouth attendait dans la fièvre estivale des milliers de visiteurs, elle ne pouvait pas s'imaginer ce rendez-vous avec la guerre. « Est-ce ainsi que les hommes vivent... ».

ROODY EDME

Global Voices en Français

« Bagdad blues »


Il a fait ces derniers semaines à Port-au-Prince, « un temps à ne pas mettre un chien dehors ». La capitale a vécu au rythme enfiévré d'une insécurité généralisée aux causes multiples. La population inquiète ne savait où donner de la tête, pendant que s'affichaient sur des sites Internet des titres à donner la poisse comme : « Haïti glisse à nouveau dans les chaos ».

Le silence des autorités avait vite laissé le terrain aux rumeurs les plus folles et aux supputations les plus fantaisistes relayées sur certaines ondes. Il parait que les autorités gouvernementales étaient occupées à préparer la conférence des bailleurs et que, c'est une vérité de la palisse, nos ressources techniques sont si insignifiantes que, préparer des travaux de cette envergure absorbe tout notre appareil étatique déjà anémié et esquinté.

La vérité est aussi que le niveau d'insécurité atteint ces derniers temps dans le pays dépasse de loin les maigres ressources et l'expertise nationale, en même temps que la MINUSTAH a du mal à retrouver ses marques dans un mandat qui reste à préciser. Ne parle-t-on pas pour le Sud Liban d'une force plus robuste, plus efficace que celui impotente de la FINUL. Il y a moyen de négocier pour Haiti un meilleur redéploiement des forces et rechercher une plus grande efficacité à un moment ou le gouvernement de la République fait montre de tant de volontarisme pour l'avenir du pays.

La criminalité a pris avec la mondialisation des proportions gigantesques et les moyens à la disposition des multinationales de la terreur dépassent de plusieurs fois le budget d'un petit Etat comme le nôtre. Marie-Christine Danion experte en Géoéconomie a dans une étude récente signalée que : « La mondialisation offre d'importantes opportunités pour les criminels et la lutte contre l'argent mafieux et terroriste devient de plus en plus difficile. Le fait qu'il n'existe pas jusqu'à présent de système juridique international adapté et que la coopération répressive internationale reste insuffisante explique en partie cette situation. La lutte contre le financement terroriste est également rendue complexe par sa spécificité… il s'appuie sur un système difficile à percer : organisations caritatives, transferts de fonds informels qui sont autant d'univers où se mêlent divers intérêts étatiques et religieux ».Que l'on songe un instant au matériel de guerre disponible dans nos quartiers pauvres, des fusils d'assauts qui ne sont pas fabriqués ni aux Gonaïves, St Marc ou Port-au-Prince. Par quels circuits sont-ils arrivés jusque-là ? D'où vient l'expertise de ces « combattants » ? Au nom de quelle idéologie on s'entretue à Martissant, sinon pour un quelconque partage de butin. Un poison a été inoculé dans le corps social et le mal répand la terreur partout dans la ville. Port-au-Prince n'est certes pas encore Bagdad, ni même Cali ou Bogota, mais qu'on se rappelle il y a peine deux ans, le Kidnapping ne se voyait chez nous qu'à la télévision. Le pire n'est pas encore arrivé, on peut continuer la descente aux enfers.

A la faveur de la conférence des bailleurs, le gouvernement a fait une sortie apparemment sans faute, annonçant des mesures économiques, sociales et assurer vouloir poursuivre avec la «table de concertation politique», ce qui est de bonne guerre. Mais, il faut garder le momentum et toujours montrer qu'il y a un pilote dans l'avion. Quant à la société civile, elle doit poursuivre la mobilisation dans le sillage du forum de radio Caraïbes autour de l'insécurité. La réforme judiciaire est en outre une urgente nécéssité qui ne doit pas se heurter au tir de barrage corporatiste habituel, chaque fois qu'il faut changer quelque chose dans ce pays.

Le parlement a fait montre jusqu'ici d'une présence médiatique certaine, quoique dans certains cas un peu tapageuse. Mais la bonne volonté est là et tout le monde à l'air conscient de l'ampleur de la tâche. Les bonnes notes du gouvernement Préval-Alexis sont jusqu'à présent la politique étrangère et un début de dialogue national. Reste… l'insécurité et les nombreux défis socio-économiques. Mais si cela est de la responsabilité des dirigeants de gouverner, toute la société doit se mobiliser pour marginaliser cette violence rampante qui mine le tissu social haïtien. Ne serait-ce que pour empêcher à notre pays de devenir comme cet Etat mythique inventé par un écrivain des pays de l'est :

« L'Absurdistan »

Roody Edmé