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Global Voices en Français

Tuesday, February 20, 2007

« De l’éthique du juge »


Une dépêche de l’Agence Haïtienne de Presse (A.H.P) a repris la semaine dernière des extraits d’un rapport de l’International Crisis Group sur un état des lieux du système judiciaire haïtien. Il ressort de ce rapport quelques vérités bien connues du grand public. L’une d’entre elles est le peu de sophistication de notre appareil judiciaire par rapport à la criminalité mondialisée. Par ailleurs, le rapport souligne la faiblesse de notre culture juridique quant à l’éthique et la responsabilité du magistrat.

Or, nous assistons dans nos sociétés à une montée en puissance du rôle du juge. La manière de vivre ensemble étant de plus en plus fondée sur la peur et la prévention du risque, le juge devient selon la juriste Gwénaële Calvès (professeur de droit public à l’Université de Cergy-Pontoise, France), ‘‘un acteur central de la vie publique des sociétés démocratiques’’.

On annonce au parlement haïtien des projets de lois qui visent par exemple, à renforcer l’indépendance de la magistrature. Cette indépendance devra être garantie non seulement vis-à-vis de l’exécutif mais de tous les pouvoirs quel qu’il soit et aussi des puissances d’argent.

Le magistrat s’il doit être un garant contre l’arbitraire du prince ne doit surtout pas être perçu comme quelqu’un qui s’enrichit sur le dos des autres. Ni comme une personnalité obscure, inaccessible, détenteur d’un pouvoir sans égal qui peut ruiner la vie de n’importe quel citoyen. Se pose dans ce domaine, plus que tout autre, la question d’accès à la justice et à l’équité. Ce problème déborde largement nos frontières et s’est posé en France, dans le cas de l’affaire d’Outreau où l’on a vu des familles entières détruites en raison de l’inconséquence d’un puissant juge d’instruction, le juge Burgaud.

Pour ne pas tomber dans les mêmes travers, les projets de lois en cours d’élaboration devront prévoir en plus du renforcement et de la protection de la fonction de juge, un « tribunal » de l’éthique. Un organe dont la mission serait de responsabiliser, d’accompagner les juges dans leur délicate et difficile tâche de rendre justice.

La question des recours possible du citoyen face à tout type d’arbitraire se pose donc avec acuité dans un domaine aussi fondamental pour la construction de notre démocratie.

Il est dommageable pour le processus en cours que ce débat particulièrement sensible ne puisse avoir lieu sans qu’elle n’entraîne des réactions corporatistes. Nombre de fonctionnaires de la justice, heureusement, ne partagent pas ce chantage à « l’honneur » de la magistrature. Ils pensent au contraire, que mettre des gardes de fou c’est renforcer la crédibilité d’un magister vital pour notre société ou règne l’impunité la plus crasse, tandis que croupissent en prison des milliers de gens qui ont soif d’un procès.

On s’interroge dans la cité : que faire dans le cas d’un juge « hors de lui » ? Pour certains spécialistes, comme Harold Epineuse (spécialiste du système juduciaire canadien), qui s’est penché sur ces questions de déontologie : les principes d’éthique devraient être l’émanation des juges eux-mêmes, conçus comme un instrument d’autocontrôle du corps, généré par lui-même, qui permet au pouvoir judiciaire d’acquérir une légitimité au regard de leurs gravissimes responsabilités. Un peu, suivant le modèle du conseil consultatif canadien qui lui-même a inspiré le conseil consultatif des juges européens. Notre conseil de la magistrature pourrait-il être un organe qui aurait entre autre, cette fonction ? la démocratie ne saurait se permettre de créer de nouveaux mostres même sacrés, élu et ou fonctionnaire doivent à un moment ou à un autre être redevable devant une instance quelconque protectrice des principes éthiques.

En attendant, nous confiait un grand ténor de la basoche, il nous faut « un nouvel esprit qui redonnerait à notre justice la majesté de sa grandeur allégorique ».

Roody Edmé

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Thursday, February 08, 2007

Bush : A Bagdad comme à Canossa ?


Une situation inextricable se développe en Irak et le Président des Etats-Unis vient de demander au Congrès une rallonge budgétaire, sans que l’on puisse envisager l’ombre d’une sortie de guerre. Le budget de la défense connait ainsi une augmentation de 62% depuis les attaques du 11 septembre. Et cet argent est taillé dans les caisses de retraite et de société.

Dans un livre récent intitulé "State of Denial", le journaliste Bob Woodward a relevé bien des contradictions qui ont marqué l’aventure irakienne. Beaucoup de généraux avaient des réserves sous la conduite de la guerre par Rumsfield, le chef du Pentagone, et son équipe. La doctrine du « Moins pour le Plus » qui consiste à utiliser moins de troupes pour plus de résultats est loin d’avoir eu l’effet escompté.

Dès le début, certains responsables comme James Doblins ou Jay Garner avaient prévu qu’il aurait fallu 500 000 hommes au départ, pour stabiliser l’Irak.

Fidèle à son crédo militaire, le secrétaire à la défense d’alors a toujours minimisé les avis des hommes de terrain. Selon Woodward, Bush et Rumsfield font partie de ceux qui croient que la raison n’est pas ce qui a de plus populaire. Sauf que, la politique n’est pas un jeu qui se pratique en solo.

Ils font partie de cette catégorie de leaders qui croient que diriger selon les humeurs de l’opinion est signe de faiblesse. Mais quand, même le gratin de l’État-major n’est pas écouté … alors c’est la catastrophe et l’enlisement.

Si l’écrivain français Victor Hugo rêvait d’être Chateaubriand ou rien ; Georges Walker Bush a toujours eu pour modèle adulé Ronald Reagan : l’irrésistible texan qui dans son lyrisme anti-soviétique et sa posture de cow boy toujours en piste, rappelait John Wayne dans "le dernier des mohicans".

Aujourd’hui que les GI’s se retrouvent au milieu d’une guerre civile, le Président admet certaines erreurs tactiques dans des rencontres privées.

L’une d’entre elles, et pas des moindres est d’avoir mené de front la débaasification, le licenciement de 300 000 soldats avec armes et minutions disparus comme un coup de vent dans la nature et, revenant quelques mois plus tard à la charge comme par un effet boomerang, et last but not the least, le démembrement de l’administration civile irakienne. Prenant ainsi à contre-pied, cette idée de Sun Zu, l’auteur chinois de " l’art de la guerre" : « On ne souhaite pas aller au lit avec plus d’adversaires que l’on a le matin ».

Chez les alliés des Etats-Unis, si on exclut la fidèle Albion : l’Angleterre ; la France, quant à elle, après avoir calmé le jeu se montre à nouveau critique vis-à-vis du chaos irakien. Et pourtant, dans toutes les chancelleries, on avoue sous cape, qu’il n’est pas question d’un retrait désordonné des Etats-Unis qui ne ferait que raviver les ardeurs des djihadistes et étendre le conflit à une région particulièrement volatile. Selon un éditorialiste de la presse parisienne : « la situation rappelle un échiquier ou chaque case et chaque diagonale sont sous contrôle »

En attendant, le nouveau plan de sécurité annoncé se met en place et interrogé par le New York Times sur ses chances de succès, un général américain a répondu « We really don’t know ».

Roody Edmé

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Sunday, February 04, 2007

Penser notre démocratie !


La démocratie représentative connait en Occident une crise de définition. Il existe en effet, un hiatus entre les mandataires et leurs mandants, une fois les élections terminées. En France, ces jours-ci, on se plaint que la campagne présidentielle s’englue dans des considérations se trouvant à des distances cosmiques des préoccupations citoyennes.

D’où une augmentation sensible de la défiance vis-à-vis de la classe politique qui, pour se démarquer des sentiers battus est obligée de faire campagne sur le thème de la rupture. Une sorte d’appel d’air frais, destiné à renouveler l’intérêt du citoyen pour les affaires publiques.

Notre pays voit déjà ces nouvelles institutions fragilisées par ces « pathologies » de la démocratie que sont la crise de la représentativité, l’insoutenable distance entre « ceux qui représentent et ceux qui sont représentés ». S’il est vrai qu’un Politique ne doit nullement se soumettre comme une girouette au vent de l’opinion, l’excès d’orgueil qui consiste à persister dans une voie sans issue, sur une ligne de crête conduisant droit au précipice est on ne peut plus suicidaire.

On aimerait donc que les nouveaux élus de notre démocratie éternellement naissante travaillent à rétablir ce lien social avec leurs mandants, seul, capable d’éclairer leurs démarches de dirigeants.

Dans la logique certes, de la caravane parlementaire organisée il y a peu, sensée recueillir les doléances citoyennes sur des questions sensibles ; encore faut-il que la caravane ne fasse son chemin, indifférente aux « aboiements de la meute » .

Le citoyen demande au Politique à la fois d’être près de lui en même temps de se distinguer. Ce qui n’est pas facile et réclame de la part de la femme et de l’homme d’Etat de l’humilité et du courage. D’autant plus que chez nous, on part souvent de rien … et l’homme politique est obligé de verser dans l’improvisation totale, ou de se laisser aller à imiter les vieux clichés du pouvoir haïtien.

Pourtant, il y a quelque vingt ans, des intellectuels animant une émission de radio s’interrogeaient déjà : « Haïti, quelle démocratie ? »

Depuis, leurs voix se sont tues, perdues dans une incroyable solitude. C’est vrai qu’à l’époque, il ne faisait pas bon d’être trop intellectuel. La « lumpénisation de la crise » et l’éclatement du réel laissaient peu de place à la réflexion sur comment penser notre démocratie. Il fallait répétait-on, laisser les « jeunes révolutionnaires » jeter sur le béton leur « gourme politique ». Cela aboutit à une succession d’accouchements au forceps, ou autre « opération-césarienne » d’une démocratie "mort-née". En ce temps-la, le jeune leadership démocratique, surpris par le départ de Jean Claude Duvalier, comme un enfant comblé de cadeaux à la nuit de Noël, ignorait que des « Machiavel s’étaient convertis à la démocratie » et attendaient le bon moment, comme cela s’est toujours passé à chacune de nos agapes libératrices pour tout récupérer.

Aujourd’hui, la crise institutionnelle dans ses différentes manifestations nous rappelle que l’Etat de droit ne saurait se contenter d’élections plus ou moins réussies. Il réclame un supplément d’âme et surtout la maîtrise de la "peste" émotionnelle .

Surtout, gravité, retenue de la part de nos Politiques qui se laissent trop souvent séduits par les charmes sulfureux de la démocratie d’opinion. Chacun veut être dans le hit parade politique de la semaine et, comme dans un pays d’impunité, les scandales sont sans conséquences ; c’est le cas de dire que tout ce qui ne tue pas en politique, engraisse.

Au grand dam d’une opinion publique en plein désarroi et qui se demande si ceux qu’ils ont placés aux commandes ont toutes leurs têtes !

Loin de nous l’idée de faire à nos élus, un procès en dangerosité, il s’agit pour nous au Matin de jouer humblement notre rôle de leader d’opinion et d’avertir nos Consuls que la démocratie médiatique à ses revers et que tôt ou tard le masque tombe.


Roody Edme

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Friday, February 02, 2007

“Marchons Unis”

La victoire de la sélection haïtienne de football est un message de vingt deux athlètes à tout un pays : « le miracle haïtien est possible » pour répéter un homme politique haïtien aujourd’hui décédé.

Lorsqu’on considère l’état actuel de notre pays, l’on a souvent tendance à sombrer dans le pessimisme le plus noir, or, il suffit de nous accrocher à des principes cardinaux qui figurent dans nos textes fondateurs pour voir changer sensiblement notre situation.

Un des plus grands défis que nous devrions surmonter se résume à l’établissement de passerelles de communication entre les élites d’une part et entre les élites et le reste de la population d’autre part. Dans le sens de notre devise « l’union fait la force ».

Les cris de ‘‘vive Digicel’’ lancés par des milliers de manifestants reconnaissants des efforts déployés par cette compagnie en faveur de notre sport roi montrent qu’il ne saurait avoir de divorce définitif entre ce peuple en guenilles et un secteur privé « progressiste » même international.

En dépit des malentendus historiques qui ont constitué des blocages à notre « unité historique de peuple », il est aujourd’hui possible avec un peu plus de civisme des uns et des autres de réaliser ce lien entre le capital et le social si nécessaire à la dignité de notre peuple.

Je note avec satisfaction une implication de plus en plus grande de fondations issues du secteur privé engagées dans la lutte pour l’assainissement de nos rues, la promotion de la culture, encore qu’il faille renforcer les critères de qualité.

Mais tout de même, un effort est fait, et doit être renforcé dans le sens d’un ancrage citoyen dans cet espace qui nous appartient tous. La réaction positive des milliers de gens à Jacmel vis-à-vis de l’initiative Yele Haiti, lors du concert de Wyclef Jean montre que la réconciliation entre les « nèg an ro e nèg an ba » peut se réaliser dans le ciment du concret. Pourvu que nous soyons moins indifferents à ce qui se passe autour de nous et surtout soucieux de « retaper la maison commune ».

De même, il était agréable de voir autour d’une table au palais national : telle ancienne gloire du football, un ancien ministre des sports connu pour son volontarisme, le président de la fédération de football, tous unis autour du onze national. Voilà le genre de momentum qu’il faudra conserver pour continuer à remporter d’autres victoires. Cela n’exclut sûrement pas les divergences, les contradictions à dépasser, les conflits à gérer démocratiquement. Ce qui est toxique : c’est la déstabilisation à des fins partisanes, l’explosion des appétits individuels au détriment d’un collectif déjà exsangue, la tentation totalitaire qui peut gagner même les institutions démocratiques. Dans cette perspective, une observation intelligente de « la politique des autres » n’est pas à dédaigner. Un exemple : une majorité d’américains et le congrès de ce pays à majorité démocrate sont opposés à la politique irakienne du président Bush, le congrès travaille à une résolution pour faire écouter la voix du peuple américain. Mais il n’ira pas j’usqu’à couper les fonds aux soldats américains sur le terrain, et de se trouver accuser d’abandonner les ‘‘boys’’ dans le désert irakien, « tout jwèt sé jwèt kochèt pa ladan’l ».

Vous me répondrez qu’Haïti n’est pas les Etats-Unis et que nous n’avions pas à regarder ce que fait le « blanc », à mimer ce qui se passe sur les bords de la Seine et du Potomac. Au premier degré, ce point de vue semble faire sens et sied bien avec notre nationalisme cocardier. Je persiste à croire cependant, que toute proportion gardèe, nous pourrions tirer quelques leçons des formes de cohabition expérimentées ailleurs, sans parler de cet instinct national de conservation qui nous fait défaut dans nos moments de conflits.

Certaines fois, en voulant cultiver une certaine exception politique haitienne, nous travaillons contre nos propres intérêts et nos divisions séculaires font que nous avons de moins en moins les moyens de notre indépendance.

Roody Edmé

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Oh ! Les beaux jours…

« Ici Munich, c’est Bob Lemoine qui vous parle, pour la retransmission en direct de la coupe du monde…» C’était en 1974. A côté de lui, Dadou Jean-Bart, Pierre-Paul Charles et Jean-Claude Sanon. Une équipe des principaux reporters de trois grandes radios concurrentes de l’époque, cette année là,ils étaient réunis pour la circonstance, Haïti disputait sa première coupe du monde. En ce temps-là, le football était vraiment chez nous, le sport roi et le chef de l’Etat de l’époque en faisant une affaire de prestige personnel; son régime à l’instar de celui des généraux argentins n’avait pas bonne presse à l’extérieur.

Du côté du public, on savourait avec plaisir les reportages de Gilbert Fombrum, Robert Phaton, Les chroniques du Dr André Guillaume sur Métropole et les premières retransmissions en créole d’un Kesner Aubry sur Haïti inter. Beaucoup d’eau et de sang ont coulé sous les ponts. « Les ombres d’une politique néfaste » ont tué le rêve de tout un peuple amant du ballon rond. Haïti n’est plus revenu à la coupe du monde, les fastes d’antan n’existent plus… parce que nous ne savons pas persévérer dans l’effort. Heureusement sur les ondes, quelques audacieux « gaulois » résistent encore, pour le pays et par amour du jeu : Pépé, Roro, Pipo, John et quelques autres de leurs confrères de la presse sportive refusent de laisser traîner le flambeau. La relève, elle, poind à l’horizon, peu nombreuse, mais sérieuse et documentée. Il faut certes beaucoup d’efforts pour la reconnaître au milieu de cette bande de « joyeux lurons », fougueux amants du spectacle, mais se donnant parfois trop en spectacle qui essaiment sur la bande F.M.

Bref, cette coupe du monde 2006 s’annonce encore plus « globalisée », la compétition dans les stades et hors des stades est plus féroce que jamais. L’internet en direct s’est ajouté à la télévision, chaque média annonce la couverture la plus complète et les menuisiers et autres décorateurs s’affairent dans les studios de télévision qui sentent la peinture fraîche. Les salles des nouvelles bourdonnent de jeunes reporters qui espèrent faire leurs preuves pour ce mondial, c’est à ceux qui imiteraient le mieux nos « irrésistibles gaulois » c’est sans doute sain d’avoir des modèles, mais il faut travailler dur pour ne pas devenir de pâles copies et s’abîmer dans la médiocrité.

Du côté des joueurs la pression monte, car chacun va défendre l’honneur de son pays et qui sait, un contrat juteux dans un de ces clubs pleins aux as, dont les représentants seront à l’affût dans les tribunes. Du côté des entraîneurs, c’est le compte à rebours pour le rendez-vous avec la victoire ou la fin prématurée de la carrière. Raymond Domenech, sélectionneur de l’équipe de France a tout comme ses prédécesseurs Roger Lemaire ou Jacques Santini du mal à chausser les baskets d’un Aimé Jacquet, vainqueur de la coupe du monde 1998. Domenech est un homme d’expérience qui connaît le football français de l’intérieur et qui a le mental d’un champion. Mais il aura affaire à forte partie outre-rhin et outre-atlantique : Jürgen Klinsmann, l’entraîneur allemand à la coupe à portée de main, Carlos Alberto le stratège, assume les destinées d’une équipe brésilienne de plus en plus irrésistible, sans parler de la fournée de coachs de premier plan qui de l’Argentine à l’Italie, en passant par l’Angleterre et la Hollande revent d’impressionner le monde entier. Du côté des chefs d’Etat, Jacques Chirac souhaite peut être d’un remake de 1998 qui se transformerait en apothéose, une nouvelle victoire de la France multi ethnique qui ferait oublier la crise des banlieux, Lula d’un sixième trophée pour un Brésil plus qu’émergent. Angéla Merkel, comme par hasard verrait bien la coupe restée dans une Allemagne, qui a besoin de reprendre confiance dans ses capacités. Devinez qui vient dîner avec Angéla Merkel, ce mois de juin, Amadjinedad, l’homme fort de Téhéran au sourire « irradiant », lui aussi voit dans l’évenement une occasion à exploiter dans sa bataille diplomatique avec l’occident.

Et à des milliers de Kilomètres, un René Préval a besoin de sursis pour mettre en place son programme d’apaisement social. Pourvu que la « vieille chaudière » qu’est l’EDH ne rende pas l’âme.

Roody Edmé

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Wooley Saint Louis Jean : Guitare à la main, les pieds sur terre

J’ai découvert pour la première fois Wooley Saint Louis Jean au hasard d’une émission culturelle sur Radio-Kiskeya. En ce temps-là, le poète Lyonel Trouillot recevait le chanteur qui sortait son premier C.D. Quand deux créateurs se rencontrent, l’enterview n’est plus seulement professionnel, il y a comme une vibration dans l’air qui plait à l’auditeur. Il me vient alors un écho, une autre rencontre, il y a quelques années, entre un homme de scène Richard Brisson et Manno Charlemagne. C’était à Radio Haïti, au studio bleue de la Rue du Quai, à l’époque des chants de ‘‘partisans’’ et du souffle épique de la révolution démocratique. La chanson, comme les mythiques trompettes de Jéricho pensait pouvoir faire tomber les murailles du despotisme. Le phénomène Manno brilla plusieurs années jusqu’au jour où comme le comédien Coluche, il voulu faire de la politique. Coluche fut plus ‘‘chanceux’’, il ne devint pas président et ne perdit jamais son humour. Manno devint maire et oublia de chanter.

Wooley Saint Louis Jean tout en suivant le « maître » n’a pas le profil d’un gourou et n’en a pas du tout l’aura. Si Manno était par excellence le ‘‘chanteur-guerillero’’, Wooley porte sans prétention une parole humaine, revendicatrice certes, mais aussi imprégnée d’amour pour la femme. De cette charge d’amour subversive que porte les textes d’un Castera ou d’un Sito. Dans cette conjoncture où il fait ‘‘un jour plus sombre que la nuit’’ notre chansonnier veut laver les pieds de sa belle ‘‘jouk tan lan nwit kimen jou’’. Et le poème poursuit sur une esthétique du renversement, l’amour commence par les pieds de la femme : ‘‘paske lanmou jouke tet anba’’. L’ordre du monde est alors renversé dans une déclaration d’amour subversive qui se joue des conventions dans le style pure laine d’un Castera.

Quand Wooley est sur scène, le spectacle est total, toutes les ‘‘couleurs idéologiques’’ se mettent à briller : les écologistes, les féministes, les altermondialistes, les jeunes militants de notre université longtemps opprimée, les ‘‘gavroches’’ de nos rues insurrectionnelles. Tout ce monde chante, danse, tape des mains, visages expressifs, regards farouches vers un quelconque horizon indépassable. Le chansonnier avec la même magie de ‘‘l’ancêtre’’ Molin de la plaine des Cayes (clin d’oeil à Jean Coulanges), est aux commandes de cette assistance, à l’institut français ou à Fokal, que fait tanguer une musique qui refait le parcours de l’émigré jusqu’aux grandes métropoles occidentales « rédemptrices » de la misère ‘‘pou pa kite pousié mizé manje nou …’’ selon la prose de Sito!

Si Manno Charlemagne est l’icône, l’incarnation de toute une jeunesse, le chanteur du printemps démocratique haïtien, Wooley Saint Louis va simplement son chemin de samba prêtant sa chaude voix aux multiples florilèges de nos créateurs. L’homme sans sa guitare est un grand timide et n’est dans son élément que sur sa scène. Et pourtant, il y a chez cet artiste, une envie de vivre et un sens de l’amitié qui fait qu’il est apprécié de tous ceux qui l’entourent. A l’instar de ce célèbre photographe qui se mit à photographier les ombres porteuses des sculptures de Giacometti pour en révéler en tout autre aspect de l’oeuvre du sculpteur italien. La voix de Wooley Saint Louis Jean offre une autre perspective des textes de nos poètes. Après la perte des idéaux et des idéologies, le retrait du divin et du sens, le choix des textes de Wooley Saint Louis dévoile une poétique de l’engagement visant l’élémentaire, nourrie du désir de revenir à la plus humble, la plus proche des réalités. Le poète a les pieds dans la boue fétide de nos rues fangeuses, une plume ou un micro à la main, la tête dans les étoiles.

Roody Edmé

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Viva la presidente !

"Ça y est, l’armée bouge" lâche un journaliste français, correspondant de presse à Santiago, ce matin du 11 septembre 1973. De sa fenêtre qui donne sur le palais présidentiel, il peut apercevoir le mouvement des chars et entendre le bruit inquiétant des "chenilles" sur la chaussée. Quelques heures plus tard, il câble à la salle de rédaction d’un grand quotidien parisien, cette phrase codée et laconique : « En ce jour du 11 septembre 1973, il pleut sur Santiago ». Mais il s’agit d’une pluie suspecte, pareille à celle qui tombait sur Brest, et que Jacques Prévert évoqua dans son poème "Barbara". "Une pluie de fer, d’acier et de sang ". L’armée chilienne venait de décider de mettre fin à l’expérience de l’Unité Populaire de Salvador Allende.

Costa Gavras nous raconte à l’écran, avec le lyrisme qu’on lui connaît, cet épisode de la chute d’Allende. L’expérience chilienne apparaissait pourtant, comme une voie pacifique vers le socialisme, cependant si elle était généreuse dans ses idées, elle était aussi naïve dans ses actions et fonçait droit sur les obstacles. Et l’un d’entre eux, et pas des moindres, la peur par les Etats-Unis d’un « second Cuba » dans la "méditerranée" américaine. A l’époque, la doctrine de la sécurité nationale faisait rage en Amérique latine et à Washington, un redoutable stratège veillait au grain, le Dr Henri Kissinger, conseiller très spécial du Président Nixon, pour les affaires de sécurité nationale. Le père de la théorie des dominos avait décidé de disputer aux russes le moindre espace politique en Amérique Latine et ailleurs. En ces temps de guerre froide, tous les coups étaient permis et on fermait les yeux sur les violations des droits de la personne. En vérité, le XXème siècle dans ses prétentions à "transformer" l’homme, fut le siècle des grandes guerres, de la "verrue" totalitaire et des exterminations programmées. C’était aussi, il faut l’avouer, le siècle de la quête de sens.

Trente ans après les évènements de 1973, le Chili apparaît comme un bel exemple de démocratie dans la région. L’armée chilienne a fait le ménage, la droite joue élégamment le jeu démocratique et respecte le pacte républicain, la gauche s’est modernisée, libéralisée, sans perdre son "âme". Un récent rapport de la Banque Interaméricaine de Développement rendu public par Kesnel Farel, rendait justice entre autres au mérite de la démocratie chilienne et à la solidité de ses institutions. Le pays vient de réussir certes une belle élection, mais le plus rassurant est de voir un riche milliardaire, Sébastien Piñera, candidat de la droite rendre hommage en des termes chaleureux à la nouvelle Présidente du Chili, Michèle Bachelet, une femme célibataire, mère de trois enfants, agnostique, incarnation de cette gauche pragmatique à la chilienne. Car Michèle Bachelet à l’époque de la chute d’Allende fut arrêtée et torturée et dû partir pour l’exil. C’est une femme déterminée qui revint dans son pays, décider à participer à sa reconstruction et à panser la "déchirure". Ancienne ministre de la santé et de la défense, elle devient une personnalité respectée d’une armée débarrassée de ses "brutes bottées". Le secteur des affaires a aussi pour cette femme, une certaine admiration, elle n’a plus certes, ses illusions d’étudiante gauchiste rêvant de la révolution mais elle croit possible la bataille pour un Chili plus juste. Ségolène Royale, une des candidates en vogue du parti socialiste français a été à Santiago, devenue la nouvelle "Mecque" de la gauche "latine", se tremper dans l’air du temps. Elle cherche aussi à se "tailler un costume international", elle qui apparaît comme la nouvelle « Diane française » et qui séduit le peuple de gauche, autant que sait le faire Sarkozy à droite.

C’est donc une personnalité, représentant d’un "féminisme de pouvoir", une collaboratrice appréciée des hommes, une femme de conviction qui s’apprête à assurer les destinées d’un Chili stabilisé et qui sait profiter de ses mines de cuivre. Le pays de Pablo Neruda et d’Antonio Skarmeta jouit aussi d’une interface régionale avec plusieurs de ses fils assumant des responsabilités diplomatiques de première importance. Trois décennies après la chute de l’Unité Populaire, "une fleur rouge" a poussé dans les magnifiques jardins de la Moneda, et le ciel est serein.

Roody Edmé

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Vigilance

La patte griffue de la mort s’est encore abattue sur notre ville. Le cri d’une mère devant le corps mutilé de sa fille a déchiré les ondes hertziennes et trouvé écho jusque dans les entrailles profondes de notre peuple. L’assassinat suivi de mutilation de Farah, l’étudiante, est un attentat contre la famille haïtienne et une atteinte avilissante (une fois de plus) au corps des femmes. ‘‘Le réveil citoyen’’ dont parle des femmes et hommes politiques est plus que nécessaire. Et la mobilisation ordonnée, intelligente, organisée pour faire reculer l’inacceptable s’impose à la société civile comme à l’État. Dans un de nos précédents articles, nous avions parlé d’État d’urgence contre l’insécurité, parce qu’elle est une urgence nationale, parce que c’est le plus grand complot contre l’avenir d’Haïti. Parce que ce n’est pas le moment pour l’exécutif et le parlement de laisser « flotter des brumes » sur ce dossier, épine empoisonnée dans les talons de la nouvelle administration.

Déjà à l’approche des fêtes, des fusils claquent dans l’air du soir et menacent de confisquer les rêves de nos enfants. Et dans certains quartiers, des citoyens s’endorment en espérant que ces bruits qui déchirent la nuit sont peut être le fait d’enfants gaffeurs qui s’amusent au … « jeu » des adultes. Le centre ville est de temps en temps saisi de ces humeurs de folle panique qui rappellent la conjoncture de l’année 2005.

Pourtant, certains groupes avaient annoncé avoir mis une sourdine à leur « impatience armée ». Trêve de Noel ou « résolution patriotique » ? On aurait souhaité la deuxième proposition.

Dans un autre registre, le F.M.I et la Banque Mondiale ont déclaré Haïti éligible à une réduction de sa dette. Pour le moment, on ne parle que de soulagement, pas de « totale rémission ». Mais une bonne nouvelle quand même, quand on sait ce que le service de la dette représente comme poids sur des économies réputées faibles comme la nôtre. Une des plus grandes frustrations de ce peuple a toujours été de rembourser des fonds qui tout compte fait n’ont rien changé à sa misère deux dois centenaire.

Cette fois-ci, il faudra veiller à ce que chaque sou vaillant soit bien dépensé. Encore une fois, le budget de la République est un excellent départ, et il semble que la frénésie à former de nouveaux contrôleurs publics participe de cette volonté politique de rigueur et de transparence affichée par l’exécutif. Là encore, la vigilance est de mise, de la part du parlement dont l’activisme débordant rassure en même temps qu’il inquiète par moments, lorsque certaines déclarations paraissent trop versatiles. De même, il serait ubuesque que face à tant de pauvreté on se révèle une fois de plus incapable de dépenser l’argent disponible.

Le président justement alarmé par le blocage de 25 millions de dollars dans les caisses publiques aurait convoqué une réunion des commis de l’État et la société civile autour de cette pathologie des États faibles, appelée « capacité d’absorption ».

Le gouvernement qui a engrangé quelques points pour la bonne tenue des finances, dans le sillage des efforts commencés par le Ministre Bazin, à une obligation de résultats dans les domaines sociaux (sécurité et lutte contre la pauvreté). L’Espagne et le Vénézuela se préparent à aider dans ce sens, trois millions de dollars, c’est le prix que Caracas est prêt à payer pour nous aider à collecter nos résidus solides, en plus de cinquante sept millions pour la santé, l’éducation et l’environnement. Seulement toute opération ‘‘Ville propre’’ doit dépasser la conjoncture des fêtes et s’inscrire dans la durée.

L’État est semble-t-il décidé à travers le fond d’entretien routier à dégager les fonds nécessaires à la survie de nos routes une fois réhabilitées. Là encore, le suivi devra être visible pour rassurer le contribuable haïtien historiquement méfiant vis-à-vis de l’État. Tout ceci réclame une administration plus efficiente, mieux rodée, moins hésitante. D’autant qu’on parle de la possibilité pour bientôt d’une ‘‘bourse haïtienne’’ qui mettrait un peu de mouvement à une économie accrochée au 19 siècle.

En attendant, au pays en dehors, on refuse de laisser périr l’espace haïtien, une brise rafraichissante descend des montagnes de Value annonciatrice de la foire de l’espoir. Les projets paysans de Value, Limonade et Pandiassou sont des réponses vertes à l’hémorragie des terres qui descendent dans la mer. Et c’est une vérité de la palisse : quand la terre s’en va au large, le paysan suit.

Roody Edmé

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Etats-Unis–IRAK : Que faire ?

Le temps presse, l’heure est grave ! L’Amérique se doit d’avancer sur le dossier du Moyen-Orient et le président Bush veut faire montre de la flexibilité nécessaire aux nouveaux enjeux de l’heure. Sa décision de remplacer Donald Rumsfeld par un membre de l’actuelle commission de travail sur l’Irak est un signe de changement de cap. Seulement, il va falloir trouver rapidement les scénarios alternatifs et ce n’est pas très évident. Comment en effet passer d’une stratégie d’engagement limité en nombre de troupes mais illimité dans la durée à un retrait tous azimuth sans considération des conséquences à court et à long terme sur l’image de l’Amérique. Il y a un an déjà, dans les colonnes de ce journal, nous parlions à ce propos, de la quadrature du cercle.

Les administrations américaines de l’immédiat après-guerre s’étaient déjà retrouvées dans des situations apparemment sans issue à l’époque de la guerre froide. Lors du blocus de Berlin, le pont aérien décidé, en scénario ultime, avait permis l’approvisionnement de la ville, rendant caduque le projet de Staline d’étrangler Berlin et de faire plier les alliés de la future alliance atlantique (OTAN). Pendant la crise des fusées, la cellule d’urgence de la Maison Blanche autour de Kennedy et Robert MC Namara avaient su à force de fermeté et de souplesse trouver une issue honorable à une situation qui menaçait de précipiter la planète dans un conflit atomique, même si l’embargo à vie contre le peuple cubain décidé par la suite, entacha sévèrement la réputation des Etats-Unis dans le sous-continent. Qu’en sera-t-il de l’actuelle conjoncture irakienne ? En attendant, les consultations se multiplient à Washington, le nouveau leadership bipartisan qui émerge des récentes élections à besoin de s’accorder les violons sur une stratégie viable dans la région.

On parle d’un projet de retrait dans les six mois à venir qui circule dans les couloirs du parti démocrate et qui est évoqué de temps en temps dans la presse américaine par les cercles proches des nouveaux élus. Il s’agit en filigrane de préparer massivement des troupes irakiennes à prendre rapidement la relève des contigents américains sur le terrain. La guérilla a flairé la nouvelle stratégie et s’attaque systématiquement aux camps de recrutement. Question de saboter tout projet de retrait en ordre des forces américaines et de transformer l’Irak en un « no way out ». On voit mal cependant l’opinion publique américaine accepter un retrait précipité comparable au départ des marines lors de la chute de Saigon. Les sondages de la presse américaine ont révélé que le peuple américain ne veut pas d’un départ en catastrophe.

Tout le monde dans la capitale américaine à les yeux tournés en direction du " Irak Crisis Group" où siège deux hommes d’expérience : le républicain Jim Baker, ancien secrétaire d’état sous Georges Bush père et, le démocrate Lee Hamilton. Jim Baker est dit-on de " l’école qui parle à l’ennemi," c’est un diplomate pragmatique qui n’a pas peur de discuter avec Damas et Téhéran pour une approche globale de règlement du conflit.

Il s’agira donc d’une révision déchirante des options jusqu’ici adoptées par les think thank néoconservateurs, d’autant qu’il souffle du coté de la Palestine une légère brise d’espoir, celle de la mise en place d’un nouveau gouvernement réunissant le Fatah et le Hamas et le remplacement discret mais combien significatif de Monsieur Hasniyeh connu pour ses positions dures vis à vis d’Israël.

Les hommes de la commission Baker auraient dans leurs cartons des propositions allant de la partition de l’Irak en une zone Kurde au Nord, un Centre chiite et un Sud sunnite à la préservation d’un fédéralisme qui résisterait mieux à toute tentative de Téhéran de tirer profit d’une partition du pays en trois Etats en jouant de son influence chez les chiites.

Toutefois, ce qui rend compliquer cette stratégie de sortie c’est la multiplcation de milices de toutes sortes qui poussent dans le désert irakien comme autant de ronces et d’épines suceptibles d’entraver le parcours des diplomates expérimentés de la commission Baker.

Roody Edmé

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L’univers des plaies intérimaires

« Pour une dame imaginaire

Aux yeux couleurs du temps

J’ai rimé longtemps, bien longtemps :

J’en étais poitrinaire. » Toulet / Contre rimes

Poèmes à mettre en dentelle, paroles à tisser des souvenirs, mots irradiant de beauté à décorer nos rues déprimées, abandonnées et sales à la veille du jour de l’an. Ce sont ces phrases qui me sont venues en lisant " Les plaies intérimaires " de Willems Edouard tant ce recueil ouvre les fenêtres d’un monde de tous les fantasmes, une aventure qui explore tous les possibles dans une langue parfaitement maîtrisée, celle des poètes, des vrais.

La quête obsessionnelle de beauté du poète participe d’une certaine subversion ; autant que puisse l’être le grand art dans un environnement qui vous aspire vers le fond.

Cet écrivain à l’apparence fragile et timide masque un intérieur en pleine ébullition, à l’instar de ces montagnes millénaires qui cachent au fil des siècles des magmas incandescents qui finissent par sourdre… un lundi d’octobre. Et c’est alors la fête des éléments, l’éveil des sens et de la vie : « Tout le printemps du monde contredanse sur la joliesse des feuillages et les parois des falaises… un après-midi de soleil nègre. »

Tout ce déluge de mots prépare un rapport fusionnel au monde dans une agitation où le sacré se mêle au profane, l’illusion à la réalité : " Ô extase d’errer… Qu’est-ce que ma langue sinon un ébloui de poème." Une sorte d’état de bonheur permanent comme pour faire un pied de nez à la misère, la violence gratuite, tout cela conjurer par une terrible danse, de guédé, peut-être ou des « reins en roue libre sous un verger… attisent cette étoile illuminée et c’est tempête dans la plaine des pucelles. » Vous parlez d’un hymne à la beauté ! D’une architecture baudelairienne : « La mort se réjouit dans l’ivresse du péché » ou pourquoi pas d’une ivresse rimbaldienne « je regarde une symphonie se blottir dans ta crinière mandoline…me voila en toi fumant d’absence. ». Univers mallarméen ? Mais qu’importe ! La poésie ne connaît ni dieu ni maître disait Georges Castera à Garry Augustin.

Et puis par moments au fil des pages, cette présence féminine aux corps multiples, médium pour dire un rapport particulier au monde, saisi du monde par les sens qui vient bousculer nos certitudes, notre médiocre confort intellectuel pour un appel au grand large ou « L’aboiement des voiles étoile un trio d’effroi… Inde. ». Une invitation au voyage sur " la mer mouvante meuglant la mort." Ô destin d’insulaire. Il s’agit entre autre, dans ce recueil, d’un va-et-vient permanent entre deux mondes celui de l’absence, du manque : " constellation orpheline d’une étoile fauve" et celui de plus en plus obsédante d’une femme de rêve ou du rêve de femme « Je ne sais quel parfum fait du printemps un jardin qui te ressemble ». L’univers des " plaies intérimaires" embrasse toute la planète littéraire et j’ai cru entendre le tamtam sourd et lointain qui résonne dans la poésie de Senghor, il y trouve un écho puissant dans le flot lyrique de l’écriture échevelée de Willems Edouard : « Ecume du soleil la caravane à ton cou … tes cheveux… fête de flots païens tels marées d’abeilles qu’ondule la feuilleuson. »

On peut se laisser aller à lire le poète comme si on partait à la découverte d’un trésor et découvrir au détour d’une page briller une « pupille en pépites de désirs illuminés. ». La poésie ici devient un geste en direction du monde, un don qui cherche à réparer l’oubli du monde dans les discours conceptuels.

L’écriture de Willems est travaillée et respire l’odeur des champs. Il est proche de R. Chassagne et de Phelps par cette recherche de la pureté, ce travail au " burin" du parfait styliste. Un travail qui réjouit le lecteur par ces temps de squatérisation du langage. De ce labour sort extirpée, une perle, qui dit la fluidité du monde.

Roody Edme


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“Tout est langage”

« Le dernier Immigré Arabe – en réalité un Berbère vient de quitter le sol français ce matin. Le premier ministre ainsi que le ministre de l’intérieur se sont déplacés pour assister à ce départ … il reçoit comme cadeau un chameau en peluche et un petit drapeau bleu, blanc, rouge ». C’est ainsi que débute un extrait de la dernière fable inédite de Tahar Ben Jelloun publiée dans ‘‘Le Monde Diplomatique’’ de ce mois d’août 2006.

Avec le départ de M. Mohamed Lemmégri, la France ne « sera plus dérangée par les odeurs de cuisine trop épicée, elle ne sera plus envahie par des hordes de gens aux coutumes étranges ». Et chacun dans l’Hexagone d’y aller de sa rhétorique ‘‘anti-beurr’’. Seule l’extrême droite déprime … elle ne peut plus bouffer de l’arabe et n’a plus de cheval de bataille pour les élections. Des militants radicaux crient « La France n’est plus ce qu’elle était ! il lui manque le petit épicier arabe ! ». Pourtant, tout le monde était content de ce nettoyage ethnique plutôt pacifique. Le ministre de l’intérieur aurait même déclaré : « La France a enfin tourné cette page écrite en algérien ». Mais attention, un certain manque commence à s’installer : plus de personnel infirmier, l’aéroport de Roissy est paralysé, les salons de coiffure transformés en boutique de téléphonie. Il y a bien une tristesse dans l’air, comme une sorte d’amputation. Les citoyens apprennent, comme au bon vieux temps à travailler, sans avoir recours aux Maghrébins. Seulement, soudain des journalistes à la télévision et à la radio ont des blancs dans leurs phrases … des trous. Des manques. Dans la presse écrite, on s’échine à faire des périphrases pour remplacer ces mots partis avec les expulsés . Le vide commence á s’installer dans un Paris travesti et la tour effel, comme dirait le poète ne reconnait plus son troupeau.

La France entière donne sa langue au chat Maghrébin. Des pages entières du dictionnaire ont disparu. Il y a des blancs partout au propre comme au figuré. On se réunit en conclaves pour discuter de ce mal linguistique, les journaux affichent des titres comme « La France bégaie ». Les ‘‘déclinologues’’ de la presse parisienne avaient paraient-ils prévu ce nouveau spleen.On ne peut plus parler dans les médias de l’exception francaise et certains boulevards du Paris jadis multiculturels sont aussi tristes que Venise á l’heure ou les amoureux se séparent.

Et alors, vient enfin un sursaut hugolien : « La France ne supportera pas que sa langue soit amputée ! dit un ministre qui peinait sur une page des mots fléchés ». Le linguiste Alain Rey appelé en consultation diagnostiqua le mal : « un mot n’appartient à personne en particulier ; un mot n’est vivant que s’il est utilisé ; des mots ont disparu ou sont tombés en désuétude parce que plus personne ne s’en servait ; le problème est malheureusement politique et pas linguistique … il s’agit de faire en sorte que la langue retrouve la paix de son existence et rejoigne les dictionnaires, les romans, les conversations quotidiennes, car les mots absents sont des mots quotidiens … ». La patrie était donc en danger, à force de vouloir trop se purifier, la France s’est purgée d’elle-même. Le mauvais temps de l’inquisition a amené bien des malheurs, la France parle par périphrase. Alors, le président de la République décida de monter au créneau. Écoutons : « Françaises, Français, Mes chers compatriotes, … Assalam Alikoum ! Oui, vous avez bien entendu ! Assalam Alikoum cela veut dire la paix sur vous … la France a commis une injustice grave ! Après le 11 Septembre, certains ont dit : « Nous sommes tous des américains ! Moi, je dis aujourd’hui : ‘‘Koulouma arab’’. Nous sommes tous des arabes. Nous sommes tous immigrés. Je sais, je ne serai plus réélu. Qu’importe. Je ne me représente pas. Je rends hommage à la culture arabe, dans l’espoir que certains accepteront de revenir remettre la France sur pied ». Une fable rafraichissante de Tahar Ben Jelloun comme on sait en faire aux pays des Mille et une nuit.

Roody Edmé

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Tour de Babel

Il y a quelques mois les déclarations plutôt légères d’un premier ministre hongrois avaient provoqué des manifestations qui enflammèrent les rues de Budapest. Plus récemment lors d’un sommet du G8, devant un micro ouvert, le Président Bush avait laissé échapper un propos déplaisant à propos de l’Iran qui avait fait les choux gras de la presse américaine. Jusqu’à là candidate socialiste Ségolène Royal qui s’est faite récemment épinglée par la droite lors d’une tourneé au Proche-Orient pour avoir affirmé qu’elle était prête à discuter avec n’importe quel élu démocratiquement fusse-t-il du Hamas.

C’est dire comment est lourde la responsabilité de ceux qui dirigent ou prétendent diriger. Le langage n’est pas neutre et les mots trahissent parfois notre pensée. Certains reprochent au Président Préval d’avoir poussé trop loin les conséquences d’une telle approche en étant avare de ses mots !

Quand au premier ministre on a coutume de vanter son franc-parler, il dit, se plait-on à rapporter, ce qu’il pense. Je me souviens avant qu’il soit nommé premier ministre, on en avait fait un critère appréciable dans un environnement politique connu pour toutes sortes de postures langagières : nationaliste, populiste, quand ce n’est pas la langue de bois sentencieuse qui tranche à la guillotine tout débat d’idée.

Sauf que ce « franc-parler » quand il est lancé à la cantonnade juste quelques secondes avant de s’engouffrer dans une voiture peut faire mal dans l’opinion ou, plus redoutable, lorsqu’une partie de la déclaration, la plus incisive, a été retenue par des reporters victimes, eux aussi de la course effrénée à l’information. Un chroniqueur avait déjà soulevé avec raison, quelques problèmes de communication au plus haut sommet de l’État, certaines déclarations paraissant à la limite de la ‘‘provoc’’. Cependant, dans un dossier aussi important, et dans une société de l’ébullition permanente : il faut aussi se garder des approches émotives et ou alarmistes. Par exemple, la déclaration du premier ministre Alexis, concernant le danger causé par le retour de certains « déportés » pour la sécurité des rues a été mal traduite dans l’opinion.

C’est que tous les déportés ne sont pas de dangereux criminels et il serait démagogique d’affirmer que l’insécurité est un produit made in « X ». Tout de même, sans se voiler la face, il y en a aussi qui le sont et, qui ont apporté une certaine expertise dans la multiplication des actes d’insécurité. Tout comme cela s’est produit dans bien de pays d’Amérique Centrale qui demandent aux Etats-Unis un moratoire sur les déportations. La résistance est d’autant plus forte de la part de ces pays que l’ambassade des Etats-Unis reconnait l’existence d’une loi à appliquer par le département d’État au cas où des pays, pas seulement Haïti, n’auraient pas voulu exercer leur « droit de souveraineté » en refusant de recevoir les déportés. Monsieur Alexis en dépit des « outrances » de son franc-parler, n’a pas inventé le problème ! La crimalité sophistiquée s’est aussi globalisée , les multinationales de la terreur et les « PME » du racket ne sont pas une exclusivité haitienne ou jamaicaine.

Pire, une interprétation qui circulerait ici et ailleurs amalgamerait le terme ‘‘déporté’’ à Diaspora ! Là, encore, il faut faire attention pour ne pas alimenter une fausse polémique et provoquer un malaise dans une communauté haïtienne à l’extérieur respectable, laborieuse et ‘‘very suportive’’ du pays natal. S’il faut que nos femmes et hommes d’État sachent retourner « sept fois » leur langue avant toute déclaration, il est aussi opportun que des interprétations par trop hyperboliques et ou abusives de leur propos ne viennent rendre plus toxiques un environnement social déjà passablement pollué. A qui peut profiter un sophisme aussi malheureux qu’absurde : « un déporté vient de la diaspora, tout individu de la diaspora est un potentiel déporté ». Encore, s’il s’agissait de problèmes d’immigration mais là, il s’agit de crimanilité. Alors arrêtons d’alimenter cette malheureuse guéguerre sémantique.

Ce serait contre-productif de l’amplifier à un moment ou la mobilisation État, secteur privé et artistes de la Diaspora a permis de remporter une première manche au congrès américain autour de la loi Hope, laquelle loi exonèrerait les produits textiles venus de chez nous. Une opportunité qui remettrait des milliers de gens au travail. Définitivement les plus belles pages de notre Histoire ont été écrites ensemble.

Roody Edmé

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Terreur et Emballement médiatique

Jeudi soir, un reporter courageux informe aux environs de 9 heures qu’un tank léger de la force onusienne s’est fait piégé à Bois neuf. Solitaire et intrépide, dans les épaisseurs ténébreuses du gigantesque bidonville, il donne la parole aux riverains qui se seraient emparés de la mitrailleuse juché sur le tank. Ces derniers se révèlent de véritables professionnels de la manipulation médiatique et savent utiliser ce microphone « naïvement » tendu par notre courageux reporter pour faire passer leur message de terreur. On croyait entendre une radio émettant dans une zone contrôlée par une quelconque guérilla. Il y a quelques deux ans, au plus fort de l’opération Bagdad, un chef de cette « guérilla sans visage » s’était autorisé à faire entendre au média qui l’interviewait en direct, le crépitement de sa mitraille pour donner à l’auditoire une idée de la puissance de feu dont il disposait. A l’époque, l’effet avait été on ne peut plus macabre, une auditrice du troisième âge souffrant d’hypertension a dû prendre ses pilules en urgence. Récemment à Martissant, des reportages s’étaient fait largement échos d’opérations annoncées de destructions massives de vies et de biens provoquant une paralysie de la zone avant même un coup de feu tiré par des bandes armées.

L’information est précieuse en périodes de conflits mais elle peut être aussi manipulée par les uns et les autres à des fins de propagande. Le travail risqué et combien vital d’une presse qui a gagné ses titres de noblesse en informant et formant ce peuple ne doit pas être détourné par ceux qui ont compris son impact pour mettre la population non seulement en « danger de mort » mais aussi en « danger de peur » pour reprendre le chroniqueur de « vérité sou tanbou ».

Il faut pousser l’analyse en tentant de cerner la dialectique des relations entre médias, internet et le terrorisme sur un plan plus global. Selon le professeur Claude Liauzu de Paris VII, les retransmissions en direct sur le net de la décapitation d’un journaliste américain retenu en otage en Afghanistan participe de l’instrumentation du net dans une stratégie de terreur. Tout comme la diffusion en boucle des images du 11 septembre 2001 a fait titrer au journal le Monde : « Nous sommes tous américains ». Les images de jeunes palestiniens blessés par l’armée israélienne suscitent dans le monde arabe des vocations militantes et la chaine Al Jazira ne s’en prive pas dans un désir d’informer certes, mais aussi de mobiliser.

Après l’opération récente de la P.N.H et de la force onusienne, des images de femmes en pleurs et des titres comme ‘‘des balles pour cité soleil’’ laissent perplexes. Personne ne nous fera croire que la société civile dans le plus grand bidonville ne se manifeste que quand la police intervient pour officiellement combattre les menées des kidnappeurs : que des milliers de mères et de pères de famille sont d’accord avec les rapts d’enfants, les viols de femmes, l’exécution d’un inoffensif poète et journaliste que les médias de toute tendance avaient supplié les ravisseurs de nous rendre vivant. Non, personne ne nous fera croire que les populations des quartiers pauvres ne sont sensibles qu’à une seule catégorie de victimes. A moins que leurs émotions soient aussi prises en otages. Il n’y a pas de bonnes et de mauvaises victimes. Il y a que notre société a besoin de paix.

Roody Edmé

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SARKOZY : « UN HOMME PRESSÉ »

Les caméras de la télévision française réalisent ce dimanche 14 janvier, de superbes panoramiques sur une salle rassemblant plus de 70.000, peut-être 100.000 militants pour ce grand rendez-vous de la droite française qui devait voir le “ sacre ” de Nicholas Sarkozy comme candidat officiel de l’UMP pour les élections présidentielles.

Un congrès sans surprise, puisque tout avait été mis en place pour qu’il n’y ait aucune fausse note. Tout s’est donc déroulé dans une belle unanimité et les quelques tensions perceptibles des semaines auparavant avaient disparues pour cette grand-messe à la gloire du candidat unique de l’UMP.

Les atermoiements d’un Dominique De Villepin qui, jusqu’au bout a ménagé sa monture en cherchant à gagner du temps sur un chrono politique devenu inexorable, n’ont pesé aucunement sur un Sarkozy au triomphe, malgré tout discret. “ Nous avons besoin de tout le monde ” avait-il lancé aux militants, question de paraître le rassembleur de toutes les tendances d’une droite désormais unie. L’homme avait été perçu jusqu’ici comme un ambitieux qui s’aimait beaucoup plus qu’il n’aimait les français. Des années durant, il avait mis au point une machine politique qui telle une meule avait broyé successivement ses adversaires.

Ce dimanche, Sarkozy “ Le loup blanc ” de la droite a projeté une image de colombe, disons mieux d’hirondelle annonçant le printemps d’une France toute neuve. Jouant la carte du petit émigré hongrois, qui a réussi en France, il adopte la posture d’un “obama” de l’Hexagone dans un show à l’américaine.

Le discours de Sarkozy annonce bien une campagne qui promet d’être âprement disputé. Le numéro un de l’UMP s’est aventuré sur un terrain considéré comme chasse gardé de la gauche, celui de l’émancipation ouvrière, dans le même temps il mentionne le travail, l’ordre, l’amour fou de la France comme des valeurs incontestables de son crédo politique. Ce que certains de ses adversaires l’accusent d’avoir recyclé dans les “eaux lourdes” du front national.

En fait Sarkozy veut être moins aujourd’hui, le candidat de la rupture que celui qui incarne une France unie sous un leadership fort, Gaulliste, pour ne pas dire Bonapartiste. Fin connaisseur des médias, il s’est permis de se dégager de ses humeurs oedipiennes vis-à-vis de Chirac son mentor pour lui offrir un bouquet de roses, même si s’y sont glissées quelques épines comme “ La république ne peut se soumettre au fait du prince ”. La bataille est donc belle et bien lancée, les prochains cent jours verront une campagne difficile, originale entre deux personnages qui se ressemblent par leur modernité. Pour le moment Sarkozy a pour lui ses certitudes, son expérience des dossiers internationaux, sa longue connaissance des sujets économiques, ses performances au ministère de l’intérieur. Tandis que Ségolène semble porter par son “ destin ” telle une madone, elle est apparue dans la campagne auréolée de mystère et a l’air si … inaccessible. Comme femme, elle sait, comme le disait un observateur de l’Hexagone, “ que le désir se porte sur qui se dérobe le plus ”. Mais déjà est venu le temps de descendre dans l’arène politique d’une campagne qui s’annonce époustouflante avec tous les coups bas et autres scandales plus ou moins fabriqués.Que peut donner la confrontation entre une « madone » et un gladiateur qui pense que le plus grand drame d’un compétiteur c’est de ne pas pouvoir pulvériser son adversaire « qui sait jouer les prolongations ».A suivre dans nos colonnes.

Roody Edmé

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Ségolène Royal : Une femme à L’Élysée

Il y a un an, la France n’avait des yeux que pour Nicolas Sarkozy. Un petit homme d’énergie et d’action qui dominait le hit parade des hommes politiques les plus vus de France.

Il n’y a pas de doute, Sarko avait le mot sur tout et un battant qui, déroutait ses contradicteurs politiciens ou journalistes. Alain Duhamel a eu avec lui quelques intéressantes "passe d’armes" sur les écrans de France Télévision. Et puis, les difficultés ont commencé et son rival au sein de l’U.M.P, le parti qu’il dirige, l’actuel Premier ministre Dominique de Villepin a lentement mais sûrement rejoint le « petit » Nicolas en tête de la course à l’Élysée. Une course d’hommes, véritable chasse à courre, sous l’œil tantôt inquiet ou bienveillant d’un vieux "sumotori", Jacques Chirac. Dans cette compétition en vue des présidentielles, la droite française paraissait tout à fait hégémonique et, les deux plus médiatiques hommes politiques de France se comptaient dans ses rangs.

Et puis vient le congrès du Mans du parti socialiste, un parti qui semblait à la traîne, en perte de vitesse, à la recherche d’un homme providentiel capable de galvaniser le peuple de gauche et de refonder le contrat social français, sérieusement mis à mal par la crise des banlieux. On attendait un homme, c’est une femme qui vint bouleverser toutes les données. Et le comble, elle est même très populaire hors de son parti.

Et ce n’est pas une hyperbole de dire qu’elle est la femme politique français, la plus populaire depuis Jeanne D’arc.

Pourtant, elle n’est pas une nouvelle venue, déjà en 1997 elle comptait 52% d’opinions positives dans le baromètre « Figaro – Sofrès, si elle ne dépasse pas encore un Bernard Kouchner, on n’atteint pas encore chez les jeunes la popularité d’un Jack Lang, n’empêche qu’elle est considérée comme la plus présidentielle à gauche avec 29% des intentions de vote.

Beaucoup de femmes et d’hommes verraient d’un bon œil, cette séduisante femme de 52 ans incarnée le renouveau du parti socialiste.

D’où vient qu’elle soit la femme politique préférée des français de droite comme de gauche, devant l’actuelle ministre de la défense, la compétente Michèle Alliot-Marie où la brillante député socialiste et ancienne ministre, Martine Aubry ? La vérité est que Ségolène Royal a réalisé une parfaite synthèse entre sa vie de couple, de mère et de femme politique. Les journalistes du nouvel Observateur se souviennent de son passage au ministère de l’Éducation Nationale, travaillant fort tard à son bureau et supervisant en même temps le travail scolaire de sa fille.

Cette femme qui se laisse volontiers conduire en voiture par son compagnon François Hollande, secrétaire du parti socialiste, ne semble souffrir d’aucun complexe, son féminisme et même sa féminité ne sont guère affichés, mais transpirent de sa personnalité qui impose le respect à tous. François Mitterrand, son mentor politique l’affectionnait beaucoup et était enchanté de sa compétence. Il faut dire que cette fille de militaire a un sens poussé de la rigueur et de la discipline, tout en étant très ouverte sur le plan des idées d’avant-garde. N’est-ce pas elle qui s’est battue pour imposer la distribution de la pilule du lendemain dans les lycées ? La nouvelle égérie du parti socialiste fait partie de ces "nouveaux" leaders politiques à l’allure simple et de proximité, à la mode en Amérique Latine, et ailleurs.

Si on lui reconnaît en look populaire qui sied bien à un leader de gauche, certain de ses détracteurs ricanent à propos de sa timidité à aborder certains sujets de l’actualité mondiale. Mais n’est-ce pas ce mélange d’audace et de mystère qui fait le charme royal de Ségolène.

Roody Edmé

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Quel monde attend le nouveau sécretaire general de l’O.N.U ?

L’organisation des Nations Unies a un nouveau secrétaire général désormais en poste. Ban ki-Moon, le sud-coréen succède donc depuis ce 2 janvier 2007 au ghanéen Kofi Anan. Un homme qui s’est révélé un brillant diplomate, l’initiateur des réformes onusiennes. En effet, Kofi Anan a cherché tout au cours de son mandat un élargissement du Conseil de Sécurité, question de « démocratiser » l’instance décisionnelle de l’organisation mondiale.

On dit de lui qu’il a été plus ‘‘général’’ que secrétaire, tant il encouragea un peu partout sur les théâtres de conflits, la présence des casques bleues.

La vérité est que l’homme vient d’un continent laminé par les guerres civiles, l’une d’entre elles a fait plus d’un million de morts dans l’indifférence générale d’une communauté internationale souvent autiste.

Depuis le drame burundais et celui non moins sanglant du Rwanda, Kofi Anan le ghanéen, s’est révélé un diplomate « interventionniste » privilégiant le « devoir d’ingérence » à la sacro-sainte souveraineté des nations qui parfois sert de drap aux pires abus.

Quand des régimes se mettent à massacrer leurs concitoyens, quand des Etats abusent du monopole de violence légitime et laissent les rails du droit ou lorsque des Etats-Nations décomposés sombrent dans des guerres civiles non révolutionnaires … quelle doit être l’attitude de l’O.N.U ? la réponse ne fait pas de doute pour Kofi Anan qui est parvenu à l’occasion des soixante ans de l’organisation à renforcer le rôle de l’O.N.U quant aux questions relevant jadis de la pleine souveraineté des nations ou des intérêts sensibles des grandes puissances.

Ban Ki-Moon de ce point de vue est un diplomate plus réservé. C’est un gestionnaire qui veut régler les dépenses de l’organisation, réformer sa gigantesque bureaucratie.

Son style tout à fait oriental est en apparence plus doux, plus calme, plus réservé. Mais c’est d’ un homme déterminé qu’il s’agit, une main de fer dans un gant de velours se plait-on à répéter. ‘‘Un diplomate téflon’’ qui n’aurait pas peur de la chaleur. Une eau calme et limpide mais qui cache des profondeurs insoupçonnées.

Parmi ses priorités le Darfour. Cette plaie béante du sud du Soudan ou l’on dénombre 20.000 morts et 2 millions de personnes chassées par le nettoyage ethnique. Dans cette région, les milices janjawid, associées à l’armée soudanaise tuent les hommes et violent les femmes. Le pari du nouveau secrétaire général sera de ramener la paix, arrêter le génocide en mettant en place une force d’interposition O.N.U – Union Africaine en attendant des négociations avec Khartoum dans le cadre de l’O.U.A.

Il y a aussi le dossier Nord-Coréen qu’il connaît bien pour avoir été lui-même en charge de cette question « radioactive » au ministère sud-coréen des affaires étrangères. Le bras de fer avec l’Iran, toujours sur la question nucléaire et qui se corse chaque jour, sans oublier l’interminable conflit israélo-palestinien, matrice féconde de toutes les disputes régionales. Et puis, il y a l’Irak, encore plus incertain après l’exécution plus ou moins chaotique de Saddam Hussein. A force de vouloir tourner trop vite cette page sanglante de l’histoire irakienne, les exécuteurs de Saddam ont détruit des paragraphes entiers de l’épisode Kurde et renvoyer à jamais un devoir de mémoire qu’un procès plus exhaustif aurait permis d’exposer. Saddam pendu à la cloche de bois respire un parfum de vengeance chiite qui gêne la communauté internationale, y compris les américains. Le « pendu du 29 décembre » aura jusqu’au bout instrumenté son départ et fait face « dignement » à la mort.

Une sortie lourde de conséquences d’un dictateur qui laisse la vie avec l’aura d’une victime de vendetta, dans une région qui adule les martyrs, Ban Ki-Moon devra aussi hériter d’un tel dossier et le moins que l’on puisse dire, ce n’est pas une sinécure. En attendant, l’homme s’entoure d’un nouveau chef de cabinet, l’indien Vijay Nembiar et d’une porte-parole, notre compatriote Michèle Montas.

Roody Edme

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« AU NOM DU PERE »

« Ce que l’on fait est ce que l’on est » disait le philosophe Bergson. Cette pensée est de nouveau éclairée par les feux d’une actualité dominée par la mort de l’abbé Pierre. Celui-là même qui en 1954 lança un appel historique, lorsqu’une femme puis son bébé moururent de froid : « Mes amis, au secours… une femme vient de mourir gelée cette nuit … sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée. Devant leurs frères mourants de misère, une seule option doit exister entre les hommes : la volonté de rendre impossible que cela dure » . Ces paroles résonnent encore comme une « volée de cloches », le tocsin d’une humanité en détresse et, l’homme qui les a prononcées est resté fidèle à son credo au point de mettre sur pied dès 1949, une formidable organisation celle des « compagnons Emmaüs » présente dans des dizaines de pays.

La solidarité prônée par ce prêtre s’est faite action et a soulagé la misère des milliers de pauvres un peu partout dans le monde. « Et de même que le talent du peintre se forme et se déforme, en tout cas se modifie, sous l’influence même des œuvres qu’il produit » pour citer Bergson, l’œuvre de l’abbé Pierre a modelé sa personnalité qui n’a cessé de grandir aux yeux de tous. Prêtre et résistant pendant la seconde guerre mondiale puis pèlerin infatigable d’une charité agissante, le petit abbé a refusé de considérer la pauvreté comme une fatalité. Il refusait pour les démunis cette appellation de « mendiants », il les rendait plus dignes et cherchait en leur fournissant logement et travail à compenser l’impéritie de l’Etat. Son parcours est d’autant plus remarquable qu’il a réussi là ou d’autres se sont laissés corrompre ou récupérés. Ce n’est pas facile de résister aux sirènes du pouvoir et aux appels tentants de “ dame corruption” qui a souvent pour “ breloques ” l’horreur et le meurtre.

Celui qui a cru jusqu’au bout dans le potentiel subversif de son « insurrection de la bonté » était familier des coups de gueule qui dérangent. Tout en visitant la cour des grands pour porter la parole des pauvres il savait que la politique pouvait corrompre jusqu’aux os. Pourtant, il était convaincu que c’est par la politique et la communication qu’on pouvait changer les choses de ce monde. Le petit abbé devint donc très vite le personnage le plus médiatisé de France, un chantre de la transparence, « une forêt de signes » pour reprendre Roland Barthes. Sa coupe de cheveu conçu pour atteindre un équilibre neutre entre la discrétion et le mépris des conventions rejoint selon le sémiologue « L’archétype capillaire de la sainteté ». L’homme à la barbe faisait le lien mythique, irréel entre l’aura révolutionnaire d’un Castro de la première heure et celle tout aussi hors normes d’un François d’Assise.

L’originalité de cet abbé des pauvres réside dans son humanité profonde. Il avoua récemment avoir eu des rapports sexuels dans son jeune âge comme pour satisfaire à un vœu que Dieu et la nature ont inscrit dans nos gênes et que les dogmes refusent. Au moins, ce prêtre savait que pour être “ pur” il ne fallait pas nécessairement se “ purger” de son humanité. Son contemporain, Jean Paul Sartre aimait écrire : « Ainsi suis-je sans repos : toujours obligé de reprendre à mon compte, de prendre la responsabilité de ce dont je ne suis pas responsable… totalement détermine et totalement libre… de faire de ce déterminisme, un engagement de plus » .

Pourvu que l’hommage rendu à cet “ insurgé de Dieu” ne soit pas comme le pensait Barthes « un alibi pour substituer impunément les signes de la charité à la réalité de la justice ». En attendant, ceux qui croient que l’autre monde n’est pas que sornettes pensent que l’abbé qui a lutté toute sa vie pour les sans-logis trouvera « un petit coin de paradis ».

Roody Edmé

Global Voices en Français

Édito 8 janv. 07 du ''Matin"

La leçon des Gonaïves

Par Roody Edmé


Le Premier janvier 2007, la foule est conviée sur la place d’armes pour un événement d’une solennelle gravité, en présence des grands corps de l’Etat et des représentants de la communauté internationale. Il s’agit du 203eme anniversaire de notre indépendance. Par delà les appels à l’unité lancés par le président de la République (voir l’éditorial de Claude Moise du 5 janvier), les observateurs ne pouvaient rester indifférents aux crispations, cris et chuchotements qui émanaient de cette foule de citoyens réunis autour de l’autel de la patrie.

Ce n’est pas tant l’expression démocratique des désaccords qui a embarrassé plus d’uns, sinon la manifestation de sensibilités ‘‘claniques’ dans un tel cérémonial du souvenir qui rappelle à l’encre forte l’idéal d’unité des pères et mères de la patrie. Je veux dire que le rassemblement de la place d’armes n’était pas un meeting électoral et pourtant, on a senti la manifestation de certaines impatiences politiques et le désir déjà de combler un vide même virtuel. Tout le monde sait que la maladie infantile de notre société est l’envie démesurée de pouvoir. Et cette pathologie du corps social adopte des formes récurrentes tout au long de notre histoire. Elle constitue sans aucun doute, un des ferments de l’instabilité chronique qui a trop souvent plombé notre vie politique.

Il suffit de prêter l’oreille à certaines déclarations de candidats qui font le tour du cadran médiatique en promettant l’apocalypse s’ils ne sont pas élus à telle ou telle mairie pour mesurer ce rapport pathologique au pouvoir qui affecte une majorité de politiciens. Certains appels à peine voilés aux armes ne sont pas pour contribuer à la sérénité du tribunal électoral qui doit décider de la validité des contestations. Lequel tribunal électoral doit aussi éviter de faire durer le … supplice des candidats qui s’estiment lésés. Heureusement qu’il y en a d’autres qui appellent leurs partisans au calme et qui s’en remettent malgré leurs frustrations aux décisions du tribunal électoral - Ceux-la méritent un « grand coup de chapeau » et se glissent déjà dans les vêtements de futures femmes et hommes d’Etat.

Dans son discours de ce premier janvier, le président de l’assemblée nationale a mis en garde contre les tentations partisanes qui obstruent les chemins non encore balisés de la réconciliation prônée par le chef de l’exécutif. Les vieux démons sectaires qui ruinent les sociétés en mal de développement s’invitent à tous nos rendez-vous qu’ils soient commémoratifs ou électoraux. La tragédie du peuple somalien qui se débat depuis de longues années dans une interminable guerre civile est l’exemple à ne pas suivre. Un proverbe somalien affirme « Moi et mon clan contre le monde, moi et ma famille contre le clan … ». Appliqué en politique et en pratiques du pouvoir, cela débouche sur d’épouvantables charniers. Les sursauts suicidaires qui agitent le corps social haïtien devront faire l’objet d’analyses, de forums, de débats dans les universités et les écoles pour prévenir le retour de ces crises atypiques à toute société de droit. La situation somalienne est le miroir déformant de ce qui peut arriver à une société qui refuse de tirer les leçons de l’Histoire. Après l’indépendance de ce pays frère, la division des clans unis contre le colonisateur a refait surface, exacerbé par le jeu politicien entraînant la déliquescence de l’Etat. Car il n’est pas vrai, ‘‘qu’un pays ne meurt jamais’’. Si la chute continue, des profondeurs insondables nous guettent. Il ne s’agit certes pas de jouer au ‘‘déclinologue’’ et de transformer le pays en vallée de larmes à force de se lamenter. Il s’agit de méditer sur notre histoire et de prendre les bonnes résolutions. Le Parlement donne ces jours-ci l’exemple sur les questions liées à la sécurité, les forces de l’ordre ont montré qu’elles pouvaient maîtriser globalement la situation, du moins pendant la période des fêtes.

Pourvu que cela dure opine le simple citoyen. Quant au gouvernement, il doit ‘‘gouverner’’ pour ne pas laisser libre cours aux fantasmes débridés des uns et des autres, la nature ayant horreur du vide même apparent. A ce propos, on attend les discours des dirigeants sur l’état de la nation lors de la rentrée parlementaire fixée au 8 janvier.