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Global Voices en Français

Tuesday, December 20, 2005

2005 L'année strategique

2005 – L’année stratégique:

L’année 2005 s’achève avec les élections législatives en Irak et, l’espoir d’une aube nouvelle pour un peuple dont le malheur a été de se trouver au carrefour d’enjeux géostratégiques importants et, surtout, de dormir  sur des milliards de tonnes de pétrole, produit très "flammable". Son voisin l’Iran se rebiffe face à l’Occident et se fait menaçant vis-à-vis d’Israël comme pour faire échec au projet américain du grand Moyen-Orient démocratique et pacifié.
Le personnage de l’année 2005, pour la section internationale du journal Le Matin, est bien Ariel Sharon : l’homme de tous les possibles qui, mérite par son retournement spectaculaire en faveur de la paix de figurer, s’il maintient le cap, aux côtés d’un Oskar Shandler, cet homme d’affaires allemand, devenu pendant la Seconde Guerre Mondiale, protecteur de ses ouvriers juifs.
Un peu plus au nord, l’unité européenne a été mise à mal par les "caprices de Marianne", la France a en effet, dit non au traité constitutionnel de l’Union, fragilisant, un projet jusque là irrésistible.
En outre, les allures triomphantes et séductrices du premier ministre anglais à qui rien ne résiste, même pas un troisième mandat au plus fort de la crise irakienne, n’ont pas toujours été pour arranger les choses. Tony Blair adore se faire courtiser par sa voisine d’outre-manche, sans jamais remettre en question ses fidélités outre-atlantique. En dépit de ses faiblesses sur le plan politique qui en font une puissance virtuelle, l’U.E  à l’avantage de bénéficier d’un marché intérieur particulièrement intégré avec des règles de concurrence identiques.
Les deux puissances de l’Union, l’Allemagne et la France ont connu un climat social morose ce dernier trimestre. L’Allemagne a changé difficilement de direction politique mais sa profonde culture démocratique lui a permis d’amorcer un dangereux virage qui dans n’importe quel pays à État faible, se terminerait dans un précipice. La France elle, sort groggy de trois semaines d’émeutes. Jacques Chirac connaît une fin de carrière douloureuse, aussi affaibli politiquement que l’était biologiquement son prédécesseur, François Mitterrand rongé par la maladie. Mais l’homme se plait-on à répéter a sept vies et il n’est que d’attendre. Ses successeurs cependant, se bousculent au portillon et ses admirateurs craignent que l’homme qui a incarné une certaine idée de la France ne s’écroule tout bonnement comme un boxeur fatigué.
Mère nature n’a pas décoléré cette année. La "vague" meurtrière du 26 décembre 2004 qui ébranla l’Asie aura emporté dans son sillon bien des désastres. Un an plus tard, le Canada a accueilli une conférence internationale sur l’environnement. Certains États jusqu’ici réticents ont enfin accepté de prendre des engagements pour limiter les gaz à effet de serre. Catastrophes obligent.
Sur le plan économique, le libéralisme a cette année 25 ans. Modèle économique triomphant qui se méfie de l’État mais qui a pu se répandre grâce à l’action volontariste des gouvernements Reagan aux Etats-Unis et Thatcher an Angleterre, le libéralisme achève un quart de siècle de domination planétaire. D’un dynamisme incontesté, favorisé par un hédonisme individualiste, il présente néanmoins certaines ratées aux conséquences lourdes sur le plan social. Après les dérives du  "tout État", le "tout marché" n’est pas non plus une panacée. Les économistes ont cependant le regard tourné vers les économies scandinaves, nouvelles   Eldorado du "capitalisme égalitaire".
La terreur  n’a pas non plus chômée dans le monde, de Delhi à Bali en passant par Aman en Jordanie, l’actualité s’est faite explosive. Le terrorisme est devenu multiforme et s’est métastasé, le président Bush a cette semaine, présenté un bilan mitigé du combat que livre l’Amérique contre cette "hydre" dont Ben Laden et Zarquawi sont bien loin d’être les uniques têtes. Cette année 2005 a été difficile pour les hommes de l’administration Bush : Dick Chenney, Karl Rove, Donald Rumsfeld. Une femme toutefois, semble avoir tiré son épingle du jeu et est devenue la personnalité la plus populaire du parti républicain, Condi Rice, qui a su rafistoler des relations décousues avec l’Europe, à la faveur du scandale autour des prisons secrètes de la C.I.A.
L’Amérique Latine quant à elle, a un nouveau porte-parole, le vénézuélien Hugo Chavez, dont le pays affiche une fière croissance devant le Brésil, l’Argentine et l’Uruguay. Champion de l’anti-impérialisme, il fait de l’ombre presque crépusculaire à son homologue brésilien Lula Da Silva qui  "plie mais ne rompt pas". Le fougueux Chavez qui a enfourché le  "cheval bolivarien" devra veiller à tout emballement idéologique dans un continent qui en a vu d’autres.  A suivre …  

Roody Edmé              

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Wednesday, December 14, 2005

Pauvreté, quand tu nous tiens !

Le nom "vaillant" d’haïtien est aujourd’hui vilipendé et associé à misère, instabilité politique et, menace. Pourtant, au lendemain de 1804, Haïti était aussi vécu comme "un défi, une anomalie, une menace" selon l’historien américain Reyford Logan, parce qu’elle montrait la voie à d’autres peuples opprimés de la terre.

Aujourd’hui, la tragédie de son peuple est exploitée par ceux qui veulent afficher leur supériorité, se sentir plus "qu’homme dans un monde d’hommes". C’est un vieux cliché de dire que le malheur des uns fait le bonheur des autres. Mais il est prouvé que par vanité, l’on tire parfois une certaine satisfaction à se sentir mieux loger que l’autre. Ainsi va la condition humaine : tel père de famille, dira par exemple, la délinquance de son enfant est due à ses mauvaises fréquentations, il n’est pas rare d’entendre dire que ce sont les enfants du voisin qui pourrissent les nôtres. C’est peut être vrai, mais ce n’est pas toujours une vérité de la palisse.

Dans notre région, certaines autorités perçoivent Haïti comme un "agent déstabilisateur" qui menacerait d’autres sociétés. Et pourtant, le crime organisé et ses corollaires : séquestration de personnes, trafic d’armes sont des phénomènes assez récents dans notre pays. La poussée migratoire vers des terres apparemment plus clémentes est un phénomène mondial et constitue un défi pour toute la communauté internationale, ce n’est donc pas un problème haïtien. La revue française "Alternatives Internationales" a consacré son numéro du mois de novembre 2005 à cette migration forcée de millions de travailleurs dans le monde à la recherche de travail, un droit fondamental de l’homme. La revue constate que par ces temps de mondialisation, "le libre-échange ne concerne pas que les biens et capitaux".

Il existe en effet des centaines de travailleurs asiatiques dans les ateliers clandestins en France. Des familles en Europe avouent parfois avoir acheté tel petit bébé roumain ou vietnamien. Une véritable traite blanche est organisée par des trafiquants à travers l’Europe avec des femmes venues de l’Est. Corinne Moncell qui a enquêté sur ce fléau s’interroge : « la notion de traite des êtres humains concerne-t-elle la prostituée locale ou seulement l’étrangère? Englobe-t-elle le migrant prêt à payer un passeur pour partir à l’étranger? L’enfant d’un pays pauvre confié par ses parents à un oncle plus prospère et aussitôt mis au travail par celui-ci ? ». Autant de questions qui inquiètent les Nations-Unies, tant le phénomène prend l’ampleur. Des statistiques du département d’Etat affirment que 600 000 à 800 000 personnes sont victimes chaque année du trafic transfrontalier. La très sérieuse Organisation Internationale du Travail (O.I.T) parle de 2.45 millions de personnes "objets" de trafic de toutes sortes, toujours d’après les enquêteurs de la revue.

Haïti n’est donc pas, pour utiliser un autre cliché, le "fruit pourri" qui contaminerait les autres. Si pourriture il y a, ce serait dans la manière dont nos sociétés gèrent l’humain et font commerce de tout. Dans le traitement infligé à des milliers de personnes en état de vulnérabilité par certains pays États, alors que dans le même temps, on ferme les yeux sur certains trafics. C’est surtout dans cette pauvreté insolente, têtue qui avilit tout un peuple et dont on se sert, à l’occasion, comme épouvantail pour en effrayer d’autres.

En ce nouveau millénaire de tous les possibles sur le plan technologique, se déroule sous nos yeux, un marchandage inique, un commerce honteux d’êtres humains qui ne s’arrête pas à la couleur de la peau, ni même à la nationalité mais dont la marque de fabrique est la pauvreté. Celle-la même qui pousse l’humain consentant à ravaler sa dignité pour une bouchée de pain.

Depuis Cayo Lobos se poursuit la saga d’un peuple en quête d’un mieux être, peuple transfrontalier, peuple à la mer, taillable et corvéable à merci qui attend de ses futurs dirigeants qu’ils soient à la hauteur de ses espérances, pourvu qu’encore une fois, on ne fasse pas que remuer le couteau dans la plaie.

Roody Edmé

Global Voices en Français

Friday, December 09, 2005

Le bourbier irakien

Le bourbier irakien:

Sans nul doute, l’armée américaine est en difficulté en Irak et, les scénarios les plus optimistes établis peu de temps avant le guerre ont tournés au cauchemar. Il se trouve que d’un point de vue qualitatif, aucune armée au monde ne peut égaler celle des Etats-Unis mais l’aventure irakienne présente des complexités qui en font  une véritable boite de pandore.
Les premières victoires faciles de l’armée des Etats-Unis avaient confirmé ce que tous les spécialistes savaient à propos de la supériorité de la technologie militaire américaine. Dans le désert irakien, le super tank américain M-1A2 a surclassé sa rivale soviétique, le T-72, reconnu par les experts occidentaux comme un des meilleurs véhicules de toute l’histoire de l’infanterie. Cependant, les M-1A2 équipés de systèmes de détection particulièrement performants identifiaient les tanks irakiens à 4000 mètres de distance, bien avant que ces derniers ne puissent enregistrer leur avance.
Ce furent donc la combinaison des chars, nouvelle génération, d’hélicoptères apaches bourrés de technologie et des forces spéciales hyper entraînées qui terrassa une armée irakienne qui faisait pas le poids dans une guerre conventionnelle classique.
D’un point de vue stratégique, les deux guerres du golfe ont achevé de démontrer que les Etats-Unis pouvaient projeter leur puissance de feu sur de grandes distances. Aucune autre puissance ne détient, pour le moment, la capacité de faire valoir de telles capacités offensives à une échelle intercontinentale. Une flotte d’avions de transport C-17 peut  transporter en 36 heures tous les véhicules lourds d’une division entière, d’une base aux Etats-Unis à un point quelconque du golfe persique, selon des expertes de l’institut stratégique de Londres.
C’est peut être fort de cette puissance de feu inégalée que les architectes actuels de la politique américaine ont opté pour l’intervention en Irak. Seulement, la réalité du terrain présente une foule de complications politico ethniques qui se sont révélées au grand jour, une fois le "verrou  Saddam Hussein"  sauté.
A Washington, on avait quelque peu sous-estimé les rivalités inter-ethniques et l’infiltration de la nébuleuse Al Qaida. Les hommes de Zar Quawi ont montré une capacité de nuisance certaine sur le terrain. La guérilla fait flèche de tout bois, en frappant toutes les cibles des plus "soft" comme une mosquée shiite au plus "hard", une base américaine située dans la zone verte. Cette stratégie vise à pourrir la situation politique et à gagner du temps pour piéger les agendas établis par les autorités américaines et irakiennes. Une des cibles, indirecte, est à coup sûr l’opinion publique américaine qui commence à se lasser d’un conflit peu engageant sur le plan médiatique. La fatigue vient du fait que les images montrées à la télévision ne sont pas celles d’une nation en pleine reconstruction mais celles de pipe-line en feu ou de voitures éventrées.
La coalition a quand même un agenda bien engagé, les élections du mois de décembre constituent un autre petit pas dans ce "désert" miné de la politique irakienne. Le procès de Saddam Hussein s’annonce assez mouvementer et les témoignages qui vont affluer à la barre ne manqueront pas de rappeler les justificatifs de la guerre. Même si, dans le camp de Saddam, les premieres salves semblent indiquer la stratégie du "procès dans le procès".
La pression monte à Washington pour un retour des GI’s à la maison, et certains adversaires du conflit profitent de l’impact psychologique des fêtes de Noël pour exiger un calendrier de retrait. On voit mal, le Pentagone ordonné le retrait des boys, alors que "the job is not done yet". L’Amérique ne peut reculer au beau milieu d’une conjoncture tumultueuse, à quelques jours du scrutin de décembre, mais elle ne peut non plus faire la guerre indéfiniment. C’est donc la quadrature du cercle !

Roody Edmé