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Global Voices en Français

Wednesday, March 28, 2007

1900

Ce journal est né avec le siècle dernier. Cent ans plus tard, ce n’est pas cent jours comme on dit chez nous. Dans nos colonnes s’est forgée une pensée haïtienne diversifiée qui épousa les passions et les désillusions du siècle de la modernité et aussi de la barbarie. Nous connûmes des périodes fastes, toutes ces années ou de brillants aînés tracèrent le chemin d’un journalisme de haute gamme.

Le meilleur de notre intelligentsia est passé par ce journal qui a été le témoin de nos déchirements internes dans ce pays qui n’avait pas encore connu le pire. Nous eûmes aussi par ‘‘certaines saisons brunes et sèches’’, nos « Brasillach » et « Drieu de la Rochelle ». Mais le mérite et pas des moindres, c’est d’avoir sû durer et résister aux intempéries jusqu'à ce nouveau siècle, disons à ce « nouveau Matin » annonçant un printemps des idées. A l’instar d’une course au relais qui dura cent ans et qui dure encore grâce à un groupe d’entrepreneurs et de journalistes chevillés à l’idée de dire la vérité, même si ça coûte, ‘‘surtout si ça coûte’’ pour reprendre le mot de Hubert Beuve-Mery. Notre chronique se propose pour l’occasion de voir ‘‘ailleurs’’ comment était le monde en ce siècle qu’on a tour à tour célébré et diabolisé. Un siècle qui vit naître les grandes idéologies qui se partagèrent le monde et surtout la révélation de la « bête humaine » que Zola au 19eme siècle n’avait fait qu’esquisser. Bien sûr, d’autres siècles ont connu leurs ‘‘massacres’’ mais le XXeme siècle a eu l’épouvantable mérite de montrer les vrais énigmes de la guerre et ce que pouvait être la destruction à l’échelle industrielle.

Une telle ingéniosité dans le meurtre ne s’était jamais rencontrée auparavant : la mort par l’utilisation de gaz asphyxiants en 1914, le bombardement de civils pour entrer « triomphalement » dans l’ère moderne de la guerre totale. C’etait l’époque des poilus et de la drôle de guerre. Mais tout cela n’était que « troket » par rapport à la jubilation meurtrière qui devait suivre en 39-45 lors du second conflit mondial : ébranlement infernal d’une machine de destruction massive qui brisa la veille Europe en faisant voler en éclats sa civilisation belle et conquérante. Ces années-la, le fascisme et le nazisme ont instrumentalisé la politique en arme terrible de génocide plongeant le monde dans un chaos total au nom d’une renaissance tout à la gloire d’une nouvelle « race des Seigneurs », ceux qui seraient nés pour dominer.

Et pourtant, ce siècle a aussi porté l’humanité à nue, il a montré la belle intelligence de l’être en même temps que son « insoutenable légèreté ». C’est le siècle de toutes les possibilités : celui de la greffe du cœur réussi par le professeur Barnard, celui d’un rêve romantique et scientifique ou l’humanité s’est offerte la lune, celui de l’autoroute de l’information et de l’A.D.N, ou de la lecture du génome humain. C’est le siècle qui a su ‘‘activer le vrai’’ et qui a démontré ce que à l’orée de la pensée philosophique Hobbes avait craint : le risque de la « guerre de chacun contre chacun » et pour parodier Thomas Mann que l’homme soit un loup pour l’homme . Mais ce que l’homme sait faire à l’homme dépasse de très loin la voracité carnassière de cette pauvre bête des bois.

La vérité est que ce siècle a voulu inventer l’homme nouveau. Il a créé beaucoup d’espoir chez des millions d’êtres humains au nom du grand partage, d’un certain Eden socialiste qui ne manquait pas de relief ! Le monde etait fatigué du capitalisme « sauvage » ou « civilisé » et des légions d’exclus, un peu partout sur la planète espéraient qu’arriverait le grand soir précédent le matin de toutes les émancipations.

Et c’est au nom des causes ‘‘justes’’ que l’on connu les ‘‘boucheries les plus héroïques’’ ; les ‘‘communismes’’ érigés en système ont voulu figer l’Histoire et « rééduquer » l’homme ancien, en faire de gré ou de force, un homme nouveau. Une conscience pure, objective, fondue dans la belle collectivité des masses … l’inconscient étant l’invention d’un savant juif petit-bourgeois.

Selon le philosophe, Alain Badiou, les politiques révolutionnaires rassemblées sous l’appellation de communismes ont été lourdes de conséquences parce que leurs passions du réel les situaient au delà du bien et du mal. Il explique : « Quand on lit l’Illiade, on est forcé de constater que c’est une succession ininterrompue de massacres. Mais dans le mouvement de la chose comme poème, cela se donne non pas comme barbare, mais comme héroïque et épique … c’est dans cette même indifférence qu’on s’installe en lisant l’Illiade, parce que la puissance de l’action est plus intense que ne l’est la sensiblerie morale ». Les cas de tortures et d’exécution sommaires pratiqués chez les franquistes comme chez les républicains sont sublimés à travers la figure de l’Histoire comme destin. Tout se passe comme si la guerre pouvait être vertueuse et juste. N’est-ce pas que Desnos, ce « cœur qui haïssait la guerre » a été emporté lui aussi par la ‘‘grandeur populaire épique’’ de la résistance.

Dans l’autre camp, celui des concepteurs et exécutants du génocide des juifs, on se perd en conjectures, le personnage du roman ‘‘Les Bienveillantes’’ de Jonathan Littel, qui pourrait aussi s’appeler ‘‘les confessions d’un fasciste’’ s’interroge sur les responsabilités de chaque fonctionnaire de l’industrie de la mort : « l’ouvrier affecté , au jardin, aux véhicules est-il aussi coupable que celui affecté aux chaudières ? L’aiguilleur des voies ferrées est-il coupable de la mort des juifs aiguillé par lui vers un camp ? cet ouvrier est un simple technicien, il ne fait qu’aiguiller des trains ; et pourtant sans lui, il manquerait un maillon dans la chaine d’extermination. Qui est donc coupable, tous ou personne s’interroge le narrateur et « Dieu là-haut qui permet tout ça ».

II faudra un jour comprendre pourquoi le mal trouve-t-il en l’humanité un terreau aussi fertile ? Pourquoi au nom de la race, de la nation, du sacré, les humains sont capables de banaliser le meurtre à une si insoutenable échelle ? Ce qui a fait dire à cet auteur nazi à la prose lamentable : « La question juive n’est pas une question d’humanité, ce n’est pas une question de religion ; c’est uniquement une question d’hygiène politique »

Toutes ces questions philosophiques nous hantent encore dans cet autre siècle ou la guerre n’est pas finie et ou la mort par explosion volontaire à quitté les pages du Procès de Kafka pour entrer dans le vif du réel. Nous vivons, certes, un âge qui n’est plus celui de l’Europe mais celui d’une superpuissance dont toute la puissance est défiée par une vague de violence anti-occidentale.

Mais au-delà de toutes les guerres, et des formes encore têtues d’exclusions de toutes sortes, l’humanité continue a rêvé de beauté, d’amour et de solidarité pareille à cette neuvième symphonie de Beethoven, jouée porte Brandebourg à Berlin, à l’occasion du cinquantenaire du traité de Rome le wee-kend dernier.

Roody Edme

Global Voices en Français

Monday, March 19, 2007

Le monde hallucinant

Un roman hallucinant où l’écriture est une véritable aventure, telle est la première impression qui se dégage à la lecture de ce roman à succès de l’écrivain cubain Reynaldo Arenas. Il s’agit d’une œuvre on ne peut plus ouverte, un récit d’aventures où le rêve, l’imagination, atteignent des proportions insoupçonnées. Arenas s’est permis toutes les audaces à travers une narration qui ne cesse de rebondir et de surprendre le lecteur.

Au fil des pages on est frappé par la grande variété des situations, des descriptions et des métamorphoses que subissent les personnages. Des célébrités de l’histoire et de la littérature apparaissent sous un angle jusqu’ici inconnu. L’auteur se joue de tout. En véritable créateur, il refaçonne le monde et nous laisse voir les hommes à travers un prisme déformant et il ne se lasse jamais à ce petit jeu d’une rare fantaisie. Arenas semble s’inscrire dans la lignée de ces écritures romanesques qui avancent par rebondissements et qui nous introduisent dans le monde du culte des mystères.

En 1915, Kafka fait paraitre la Métamorphose. Un récit qui analyse le résultat de la métamorphose de Grégor en insecte : dégradation lente du héros, peu à peu marginalisé par sa famille et entrainé dans la mort. C’est la frontière entre une apparence animale et une psychologie humaine qui constitue chez Kafka le ressort du texte. Reynaldo Arenas mourant, le visage défiguré par le Sida, loin de son Cuba natal et pris au piège de l’exil dans son appartement de Manhattan a lui aussi avant de mettre fin à ses jours connu sa « métamorphose ».

Le personnage de son roman, Fray Servando, religieux dominicain, vit dans sa chair l’histoire tumultueuse de son pays, le Mexique. Il s’est enfui de sa terre natale pour avoir contredit le message officiel de l’église sur l’apparition de la vierge de Guadalupe. Et de là commencent les aventures de notre héros et sa découverte de la véritable nature humaine. Certains écrivains ont leur destin qui ressemble à leurs personnages. Arenas lui aussi a été sévèrment puni pour avoir contredit les dogmes d’une autre « église » et de s’être dérobé à certaines « messes idéologiques ».

Des trahisons (qui se cachent sous les intentions les plus généreuses) à l’hypocrisie des clercs et à la luxure qui règne dans les milieux les plus respectables des hautes sociétés européennes, tout y passe dans cette oeuvre-testament et nous porte à toucher le fond de la condition humaine.

Le talent d’Arenas réside dans sa manière de mettre son imagination au service d’une vérité toute philosophique : l’absurdité du monde. D’où le caractère « fantastiquement réaliste » de son roman. Après tout le réel n’est-il pas aussi le sensible, l’exposé de l’inconscient, et le roman un genre qui fait rigoureusement ce qu’il veut...un « super genre » qui présente un monde remodelé par le regard du créateur.

Fray Servando Teresa de Mier, le personnage central du roman a tout vu, tout connu, lui qui est passé par les geôles les plus infectes de la planète, est indestructible. Il doit survivre pour nous faire de l’anti-histoire. Il a rencontré Simon Bolivar et nous livre une version tout à fait imaginaire de la vie du libertador ; il s’est trouvé dans la chambre de Mme de Staël et a dû, en bon moine, refuser ses avances. Il a en outre visité les « trois pays de l’amour » où, malgré lui, il est tombé dans un lac de liquide séminal.

Le monde hallucinant est une œuvre picaresque qui ose : le projet d’écriture est clair, il s’agit d’aller très loin grâce à la littérature, jusque dans les profondeurs insondables de l’âme humaine. Littérature psychanalytique s’il en est, mais aussi et surtout conte philosophique qui réunit des préoccupations, des inquiétudes qui ont traversé la littérature de Voltaire à Camus.

Mais avant tout, ce qui frappe dans cette œuvre aux mille facettes, c’est la grande liberté de l’écriture, l’évolution en spirale de sa composition qui bouleverse toute chronologie. L’auteur intervient dans le récit pour rappeler au lecteur que tout ceci n’est que le produit de l’imagination ; pourtant, au prochain chapitre, la narration continue de plus belle dans une avalanche de mots et de situations rocambolesques dont Arenas semble avoir le secret. Une fiction qui « nous donne à vivre et nous sauve du chaos » et qui brise dit Kafka « la mer gelée en nous ». Son génie c’est celui de la nature, des sens, de la volupté... selon le mot de Jean d’Omesson à propos de Colette, celui du génie de la terre et de ses seules nourritures.

Le monde hallucinant, une écriture hallucinante, une expérience de grande liberté littéraire qui continue de faire honneur à la littérature surréaliste caribéenne. (Paris, Ed. du Sueil, 1969.285p.)

ROODY EDME

Global Voices en Français

Perspectives

Ces jours-ci Haïti bouge. Le public comme le privé s’activent à la recherche du temps perdu. A lire les reportages de notre envoyé spécial en France, la délégation mixte composée de ministres d’Etat et de représentants de la chambre franco-haïtienne a engrangé d’importants bénéfices lors de leur récent voyage dans l’Hexagone.

Des opportunités d’investissement ont été explorées qui pourraient mettre notre pays « back in business ». Le groupe UniFinance avec son projet de zone franche à Tabarre faisait récemment la une de notre journal, ceci semble augurer d’une reprise de confiance dans l’avenir de ce pays Il n’y a pas à dire nos hommes et femmes d’affaires se mouillent la chemise et ‘‘militent’’ avec l’appui du secteur public pour un retour de l’investissement en Haïti. On annonce d’ailleurs pour bientôt le voyage d’une délégation d’entrepreneurs haitiens au canada et, Port-au-Prince se prépare aussi à recevoir une vingtaine de représentants de compagnies canadiennes.

Certains de nos entrepreneurs pourraient en outre, envisager de développer leurs ‘‘activités’’ dans ce pays, ce qui ouvrirait d’autres perspectives à un monde des affaires haitien chétif et exsangue, lessivé par des crises ininterrompues. Mais surtout, qui témoignerait d’une vision plus large, moins « boutiquière » d’un secteur privé enfin moderne.

Toute cette agitation productive risque de devenir stérile si les structures étatiques ne suivent pas. Il ne faut surtout pas oublier que nous sommes un pays où les initiatives les plus louables sont perverties ou ‘‘réfrigérées’’ par des pesanteurs étatiques, des tracasseries administratives des lenteurs excessives qui vont à contrario d’un monde dont les facteurs essentiels sont vitesse et compétitivité.

Les responsables au plus haut sommet de l’Etat en sont parait-il conscients, mais sur le terrain, dans la quotidienneté banale de nos transactions qu’est-ce qui a changé ? Comment faire pour que ces ‘‘différents appuis à la gouvernance’’ se traduisent dans la matérialité des faits et enlèvent les maux de tête à cette ‘‘fourmilière’’ de citoyens qui s’agitent à chercher la vie.

Dans un tout autre registre, un groupe d’entrepreneurs haïtiens vient de lancer une initiative pour la production de biodiesel en Haïti. Il s’agit de quelque chose dont on peut être fier à un moment où cette question est d’actualité dans le monde entier. Une chose est de recevoir l’aide de nos amis Brésiliens, une autre chose est de préparer une plate-forme technique même embryonnaire pour rendre cette aide plus digne. Nous avons trop souvent tendance à traiter par-dessus la jambe, les initiatives locales, à les laisser mourir pour les voir renaître en République voisine, comme si certaines choses étaient ‘‘trò bon pou bouch nou’’.

Le groupe Biodiesel Haïti a déjà commencé à produire une certaine quantité de biodiesel sur la base d’huiles de cuisine usées. Et depuis quelque temps, les membres du groupe ont commencé une expérimentation sur leurs voitures personnelles et celles de leurs amis. Le groupe est en contact avec le ministre de l’agriculture et a déjà eu des échanges avec la coopération brésilienne. Il reste à développer à l’échelle de notre territoire les cultures oléagineuses nécessaires à une telle production. Des rencontres sont organisées avec des groupes de paysans, certaines fondations intervenant sur l’environnement. Ce n’est donc pas rien. Il y a là tout un programme relevant de l’agro-industrie et pourvoyeur d’emplois non précaires.

Si les pouvoirs publics maintiennent la posture offensive contre l’insécurité, le climat général en sera amélioré et le « cordon sanitaire » autour de notre pays relaché, alors nous pourrons enfin amorcer la rupture avec les lendemains qui déchantent.

Roody Edmé

Global Voices en Français

Wednesday, March 14, 2007

Haïti: Quelle Diplomatie?

La nouvelle est tombée aussi inattendue que le visiteur annoncé. Hugo Chavez arrive à Port-au-Prince pour une visite de 24 heures. Le leader vénézuélien est familier de ces arrivées spectaculaires et pourrait être dans « une autre vie » un très bon acteur.

Il fit récemment une apparition de dernière minute au sommet de Rio. On le signalait il y a quelques jours dans la capitale argentine à la tête d’une manifestation anti-bush.

Le champion auto proclamé de l’altermondialisme a une conception très « fleurie » du libéralisme et personne ne peut aller aussi loin que lui dans la dénonciation du capitalisme. Pour l’heure, son action semble essentiellement s’orienter sur comment contrer l’hégémonie américaine dans la région.

Une région qui a été négligée par l’actuelle administration américaine et que la visite du Président des Etats-Unis cherche à réparer. Un analyste du Washington Post affirmait récemment que l’aide promise par les Etats-Unis à toute l’Amérique latine allait être dépensée dans les six prochains jours en Irak.

Aussi après avoir dans les années 60-70 appuyé des régimes forts en Amérique, le gouvernement des Etats-Unis s’est depuis quelques temps détourné de la région, au profit du rêve de grand Moyen-Orient démocratique qui devait commencer avec un changement en Irak. Ce vide américain a créé un grand boulevard idéologique sur lequel roule à la vitesse V, le bouillant chef d’Etat vénézuélien. D’autant que les légions d’exclus n’ont pas cessé de grossir dans un région de criantes inégalités.

L’arrivée du chef d’Etat vénézuélien place notre pays au centre d’un chassé croisé diplomatique intense dans un sous-continent qui prend depuis quelques jours une importance stratégique de premier plan.

Le 19 mars prochain se tiendra à Washington, une audience spéciale sur Haïti et la ‘‘menace’’ que constitue notre indigence sur le plan économique sera sûrement au centre des discussions.

Mais Hugo Chavez a quand même une petite longueur d’avance dans ces enchères idéologiques qui font frémir la région.

Hugo le bolivarien a récemment exprimée sa pleine reconnaissance à l’Haïti de Dessalines et de Pétion. Et s’est déclaré solidaire de ce peuple qui guida ses frères latino-américains sur le chemin de la liberté.

C’est assez nouveau ce langage et, il est on ne peut plus séduisant pour un peuple à qui on a toujours semblé faire l’aumône. Les haïtiens peuvent être d’autant plus séduits qu’ils sont souvent perçus comme des parias parasitant la bonne fortune de leurs voisins.

Il reste à Haïti de savoir profiter de cette solidarité qui, si elle a d’incontestables accents de sincérité participe quand même de certains conflits d’intérêts naissant et d’enchères idéologiques. La décision américaine de mettre notre pays dans la liste des nations aptes a bénéficier du projet de fabrication de l’éthanol vient en écho a celle de Caracas de nous faire bénéficier de la clause pétro-caribe.

Haïti est donc a un carrefour qui lui donne une certaine visibilité internationale. La diplomatie haïtienne doit se montrer responsable dans le sens de nos intérêts qui nous commande d’avoir des amis partout.

Si nous ne devons pas être tout le temps fourré « dans les jupes américaines », il nous faut aussi éviter de faire des « bravades » de galopin.Bref ne pas jouer les « mineurs » dans un jeu diplomatique majeur ou l’odeur de « soufre » se mélange à celui de « l’essence ».

Notre objectif doit être de sortir, selon le mot de Sabine Manigat, de la situation de « cas » pour devenir une nation à la hauteur de son passé glorieux. Une nation capable de parler a toutes les Amériques. Celle de Savannah comme de la grande colombie.

Roody Edme

Global Voices en Français

Monday, March 05, 2007

Femmes


1975, c’etait l’année de la femme. Sur toutes les lèvres antillaises, on fredonnait la chanson tube du groupe ‘‘Exile one’’ consacrée à toutes les femmes. Nous abordions le dernier quart de « ce siècle qui créa la femme » et beaucoup de choses étaient en train de changer. Et ce, en dépit des violentes manifestations d’un sexisme retors.

Dans la lignée de nos ‘‘grands-mères’’ de la ligue féminine d’action sociale, les femmes haïtiennes ont continué mutadis mutandis le combat ultime pour l’égalité.

A l’aube des années 80, apparût comme un soleil naissant, un mouvement féministe haïtien sous l’initiative audacieuse d’une jeune femme et de ses collaboratrices. Marie Laurette Destin, dont le nom sonnait comme une volée de cloches sur les rares ondes indépendantes de l’époque, avait compris que l’heure était venue d’oser !

Laurette coiffée à la Bo-Derek, une artiste à l’époque en vogue à Hollywood, déambulait dans les rues de Port-au-Prince comme un « fantasme ». Son chant pareil à celui des « sirènes » fascinait et inquiétait les hommes autour d’elles. Certains ne croyaient pas trop en son MFH dont les méthodes étaient disaient-on trop calquées sur le MLF de France. Marie Laurette faisait, aux yeux de certains, figure « d’hérétique », elle, qui ouvrait trop grande les lucarnes de nos luttes sociales au risque de faire entrer un courant d’air trop libertin venu d’Occident.

Pourtant, bien avant elle, des femmes prestigieuses comme Solange Dominique, Carmen Boisson, madame Gourdet St-Come et Paulette Pouyol Oriol avaient tracé un chemin de lumière. Seulement Laurette y ajoutait des revendications plus modernes comme le droit des femmes à disposer de leurs corps et à assumer leurs choix sexuels.

Mieux, dans les salons où on discutait de textes gravissimes comme ‘‘L’Etat et la Révolution’’ ou ‘‘Anti-duhring’’, elle ne parlait que du ‘‘Deuxième sexe’’ de S. de Beauvoir et de ‘‘L’homme unidimensionnel’’ de Marcuse. Elle a disparu du paysage social haïtien, emportée très loin sur les rives canadiennes par nos trop nombreux ouragans politiques.

1986, les femmes d’Haïti prennent le béton autour des slogans propres aux revendications des femmes. Il a fallu beaucoup de courage et de caractère pour affronter notre culture machiste et les reproches « amicaux » de compagnons de lutte jugeant la marche des femmes un peu « déviationniste » par rapport aux urgences de l’heure.

Il n’etait pas idéologiquement correcte de parler de libération de la femme, concept petit bourgeois, alors que le ‘‘peuple’’ etait encore enferré dans la dictature militaire et le sous-développement. Mais les femmes étaient de tous les combats pour l’émancipation de l’ouvrière comme de l’ouvrier, du paysan et de la paysanne.

De nos jours encore, la lutte continue et les rapports de l’organisation Panos caraïbes montrent que beaucoup de chemin reste à parcourir pour changer les mentalités. Trop de violence contre les femmes continuent ailleurs comme ici à avilir notre humanité.

Heureusement que le combat continue sans désemparer et chaque jour qui passe « ti patat fè chay ».

Bien sûr, tout mouvement de libération à ses dogmatiques et ou sa langue de bois, un certain néo-féminisme aux Etats-Unis à force de voir le harcèlement partout a fini par installer « une guerre froide » dans les relations entre les sexes. Dans un flirt, l’homme est obligé d’annoncer le geste qu’il va faire pour ne pas encourir le risque d’être poursuivi pour harcèlement. Dans certains Etats américains, il ne faut surtout pas se tromper de toilette.

Mais ces excès qu’on retrouve dans toutes les luttes politique et sociale, s’ils ne sont pas érigés en système pouvant à terme manacés la pluralité, font partie de l’adolescence de toute véritable démocratie. En dépit des terribles difficultés de l’heure, de la mort en silence de nombreuses ‘‘Ginou’’, et de ses contradictions, le mouvement des femmes commencé avec nos ‘‘suffragettes’’ du siècle dernier, a devant lui bel avenir.

Parce qu’il compte des organisations dont la longévité dépassent celles de toute autre organisation civique, mais aussi parce qu’il compte de brillantes individualités qui font la fierté de notre pays : courageuses marchandes aux étales incendiées par nos chimères politiques, éducatrices forgeuses de destins, éditorialistes de la presse parlée et écrite, romancières et conteuses de nos aventures hybrides, fille du Sud-est au destin de Gouverneure, Directrices de fondation, ‘‘Trésor national vivant’’, journaliste de haut vol parvenue au sommet de l’organisation mondiale, militantes des droits humains cauchemar de nos brutes galonnées. Pour ne citer que les plus médiatisées d’une longue liste incluant les ‘‘Anaise’’ et ‘‘Delira’’ de nos campagnes orphelines.

Le peuple haïtien est reconnaissant à toutes ces femmes qui font la fierté de notre pays si décrié. Cette reconnaissance a été traduite en février dernier par le vote massif, toute tendance politique confondue, en faveur d’une femme prestigieuse qui en déclina l’honneur. Mais ceci est une autre histoire !

Le parlement doit appuyer le Ministère à la condition féminine, dont la titulaire est depuis 1986 une voix dans la « nuit », en votant des lois qui dégageront les nuages noirs qui obscurcissent encore notre « moitié de ciel » et baliseront l’horizon pour une barque nationale trop longtemps ancrée dans le passé.

Roody Edme