Ailleurs vu d'ici

Global Voices en Français

Thursday, September 22, 2005

Legislatives Allemandes:vers une coalition arc-en ciel!


L’Allemagne est définitivement un géant qui se cherche. Première puissance de l’UE, le pays s’est engagé depuis maintenant dix ans dans un débat pour la redéfinition de son contrat social, beau fleuron du capitalisme social européen.
Il s’agissait justement de l’enjeu stratégique des élections législatives du week-end dernier qui ont vu s’opposer les deux plus grands partis du pays : le SPD (socio-démocrate) du chancelier Gehrard Shroëder et la CDU de sa rivale Angela Merkel, (chrétien-démocrate).

Comme la tortue de la fable, Shroëder a gagné son pari ! Alors qu’il était donné largement perdant par de très sérieux instituts de sondage. Son pari ? Obtenir un nouveau mandat de chancelier. Nenni ! Le peuple allemand a renvoyé dos-à-dos les deux protagonistes. Mais Shroëder est quand même satisfait d’avoir endigué la déferlante libérale qu’entraînait après elle, Angie, la nouvelle dame de fer, version ex-RDA.

Gehrard Shroëder qui a hérité du grand parti social-démocrate d’un Elmut Kohl a vu son organisation se diviser en trois tendances : les verts, actuellement au gouvernement, dont le leader est son ministre des affaires étrangères, Jofka Fisher, et le linke partëi fondé par Oskar Lafontaine qui a vu sa position renforcée lors du dernier scrutin. Shroëder de son côté incarne, non sans un certain charisme, la tradition social-démocrate avec un pragmatisme qui le rapproche de son alter ego anglais, Tony Blair.

Sous les coups redoublés d’une mondialisation triomphante, le chancelier a du réformer le modèle social allemand et adopté en accord avec l’opposition, son fameux agenda 2010. Au pays des hauts salaires et des industries innovantes, on envisage d’allonger le temps de travail pour être encore plus compétitif sur le théâtre européen. N’empêche qu’il reste des ombres au tableau, spécialement pour les populations de l’est, encore à la traîne, dont le train de vie n’a jamais atteint celui de l’ouest, même que par certains côtés la situation s’est aggravée.
La puissante Allemagne connue partout pour la qualité de ses produits industriels haute gamme et son poids dans le commerce régional et mondial montre des signes d’essoufflement. Et, par rapport à la nouvelle vigueur affichée par la grande Albion (Angleterre), Berlin fait la grise mine.

Le SPD depuis l’année 2003 cède du terrain à l’opposition, aux chrétiens-démocrates, bien sûr, avec une Angela Merkel qui avait paru « attacher son char à une étoile » tant son ascension était irrésistible, au FDE (libéral), mais aussi au nouveau parti de gauche avec lequel personne à droite ne veut coucher dans le même lit, à cause de son discours rappelant un marxisme du temps d’Eric Hoëneker. Madame Merkel qui, jusqu’au 18 septembre paraissait sûr de sa victoire, est apparu le soir de la journée électorale, aux dires d’un reporter de France-Télévision « avec un sourire aussi sombre que son tailleur ».
Si Angie n’a pas gagné et Shroëder n’a pas perdu, le peuple allemand a de son côté exprimé un mal être, lequel s’est traduit par la confusion d’un vote qui envoie tout le monde à la table des négociations.
L’actuel chancelier et son challenger refusent d’abandonner et s’accrochent. Shroëder ne veut guère jouer au sumitori fatigué qui abandonne l’arène politique. Il s’est même fait offrir un bouquet de roses rouges, comme un artiste après un spectacle. Seulement, cet étrange ballet d’un politicien en équilibre sur un fil, défiant souverainement la chute peut-il durer encore longtemps ?
Les experts se livrent à des scénarios sur les coalitions qui devront se former entre les partis aussi opposés que les « verts », « jaunes », et les « rouges » - le peuple allemand verrait alors de toutes les couleurs. A moins, qu’un troisième « larron » ne vienne et rafle la mise, comme dans les vieux contes d’outre-Rhin.

Global Voices en Français

Sunday, September 18, 2005

O CANADA

Ô CANADA…..

Il y a de celle qui, au bal des Amériques, joue de leur arrogante beauté pour nier toute parenté avec leur sœur aînée qui ne paie pas de mine. Il y a d’autres qui ne nous connaissent plus même, après nous avoir nommés. Pourtant un grand peuple a osé !

La récente nomination de Madame Michaëlle Jean, d’origine haïtienne, au poste de Gouverneur général du Canada est venue jeter du baume au cœur de millions de compatriotes humiliés, parce que le pays va mal. Et, quand tous les Haïtiens  apparaissent comme des réfugiés potentiels d’un pays en plein naufrage et, dont tout le monde déplore le statut de "failed state", ce,  pas forcément de manière désintéressée. On pouvait comprendre l’émotion qui nouait la gorge de nos principaux présentateurs des émissions de nouvelles en cette après midi torride du mois d’août.

Il semble qu’un peuple vivant dans de si grands espaces ne saurait se satisfaire de mesquineries. Le Canada, terre d’accueil de nos exilés de toute sorte, envoyés "au piquet" dans la neige par nos différents dictateurs, vient de nous surprendre encore à travers cette noble décision. On connaissait déjà la tradition hospitalière du pays du "blé d’inde" et son sens de solidarité. Les principaux responsables politiques canadiens n’ont-ils pas défilé à Port-au-Prince pour apporter leur support à la difficile transition politique de notre Haïti.

La décision de nommer Madame Jean, à un poste aussi prestigieux, est un gage certes de sa compétence mais aussi et surtout, signifie, qu’il est possible de bâtir une société riche et plurielle. Michaëlle Jean incarne désormais l’espoir de tous ceux qui, à un titre ou à un autre, ont contribué à la grandeur de leur patrie d’adoption.

Je pense à tous ces maîtres haïtiens qui ont travaillé à la formation académique et civique des élites qui ont fait de ce pays un des meilleurs espaces de vie de la planète. Ils ont, sans esprit chagrin, malgré les douleurs de l’exil, donné le meilleur d’eux-mêmes. Je pense à un Jean Emmanuel Alfred, à qui on pourrait consacrer toute la série télévisée "L’Instit".  A tous les intellectuels : écrivains, éditeurs, historiens, linguistes et autres géographes de leur état, cet honneur vous appartient.

J’imagine que quelque part, dans les foyers haïtiens de la côte des neiges, on parle de l’histoire étonnante de cette émigrée arrivée au faite de l’histoire, cela pourrait inspirer Stanley Péan ou Dany laferrière dans leurs chroniques américaines. Seulement, c’est de l’Histoire qui s’écrit aujourd’hui, en lettres d’or, à un moment où on en a le plus besoin.

Je voudrais dire deux mots à Madame la Gouverneur, qu’elle ne lira peut-être pas. Je voudrais lui dire, merci, de s’être souvenue de sa terre natale devant les caméras du monde entier. Un peu, dans un tout autre registre, comme Wyclef s’enveloppant du drapeau national au moment de recevoir un "award".

Madame la Gouverneur, vous avez quitté votre terre natale, à l’époque des "années de braise", le "feu dévore encore la forêt". Votre pays d’adoption vient de nous offrir un bouquet d’humanité faite de feuilles d’érables, de palmistes et de cœurs. Puissions-nous le recevoir en rêvant de "fleurs nouvelles" et régénérer la terre lavée comme une grève. Pardonnez ces accents poétiques, chez nous quand l’histoire grimace c’est à la poésie que nous avons recours.

Aujourd’hui, j’ai aussi une pensée pour toute cette jeunesse émigrée, studieuse qui à Brébœuf, Concordia, MC Gill ou l’Université de Montréal est en réserve de l’une ou l’autre patrie, de sang ou de cœur.

Notre pays a encore les veines ouvertes et l’hémorragie continue…beaucoup de Michaëlle quittent encore la terre natale en raison de nos pulsions irréductiblement suicidaires. Puisse celles et ceux qui ont dû partir sachent tirer profit de sociétés d’opportunités qui savent comme au Québec "se souvenir". Les familles ont une lourde responsabilité, pour que nos jeunes ne se transforment en bad boys" à l’identité meurtrie.

Bien sûr, au pays du sirop d’érable, tout n’est pas fondant sucré. Un récent virus raciste a empoisonné les boites aux lettres, ici et ailleurs, mais la bataille continue pour une diaspora courageuse et de qualité, à l’instar de nos chauffeurs de taxis et des made des hôtels de Montréal ou de Toronto, qui fasse mentir ceux qui ne supportent pas la différence.

Comment ne pas associer quelques amis d’Haïti vivant au Québec, militants du bonheur humain ; Nicole Patenaude, Danielle Lavallée, Eugide Maltais. Notre ami André Marcoux qui nous avait fait un jour la question : « Pourquoi regardez-vous des matchs de hockey, vous qui n’avez de la glace que dans votre Rhum ? » Je lui réponds aujourd’hui, que c’était peut-être prophétique.

Désormais sur les baies de St James et de Port-au-Prince flottent nos deux drapeaux gonflés de vent et de fierté, semblant conter aux peuples du monde entier l’aventure d’une jeune émigrée qui ne venait ni d’Irlande ou d’Italie mais d’Haïti.

Devant la beauté inclusive du geste, dans un monde conçu pour les plus forts, j’ai envie de dire au Premier ministre Paul Martin, que son grand pays tout blanc de neige, cache quelque part enfoui dans sa terre glacée, le trésor mythique des Amériques : Le Rêve d’habiter.


Roody EDME

Global Voices en Français

Thursday, September 15, 2005

ONU – 60 ans : « La Vieille dame fait le grand écart »

Bagdad, le 19 août 2003, une explosion terrible détruit le quartier général de l’ONU dans la capitale irakienne. Des groupes islamistes radicaux venaient de porter la main sur un symbole, celui de la paix dans le monde !
Soixante ans après 1945, quel bilan pour une organisation qui a représenté l’espoir d’un monde plus juste et pacifié ? Le rêve de ses fondateurs est loin d’être une réalité, l’organisation apparaît parfois comme une grosse machine inopérante et dont la crédibilité est souvent mise à rude épreuve.
En témoigne, le récent scandale autour du programme pétrole contre nourriture qui a éclaboussé des membres proches du Secrétaire Général. C’est sûr, les ennemis de l’organisation ont beaucoup manigancé pour faire tomber Kofi Anan, jugé un peu trop indépendant sur certaines questions et peut être même pas assez obéissant.
Il avait même, pendant un temps, tenu la dragée haute aux pressions de cercles conservateurs à Washington sur le dossier irakien. Et beaucoup au congrès des Etats-Unis ne le lui ont pas pardonné ! sur cette question , il y eu au sénat des Etats-Unis de sérieuses confrontations entre Républicains et Démocrates, les seconds en grande partie supportant le secrétaire général , la politique intérieure américaine pointe encore sous un dossier de politique étrangère.

La crise irakienne a relancé les critiques contre l’organisation mondiale, certains n’ont pas compris sa paralysie face à la décision américaine d’aller chasser Saddam, d’autres, dans l’entourage du président Georges Bush le trouvent incapable « d’appliquer ses propres résolutions ».
Si certains, au sein même de l’organisation, reconnaissent qu’elle donne parfois de terribles ratées, le génocide rwandais en est une sanglante illustration, ils ne souhaitent tout de même pas sa disparition.
Kofi Anan lui-même a préparé pour les soixante ans de la « Vieille dame », une sorte de chirurgie esthétique. Un plan de réforme qui verrait le renforcement du Conseil de sécurité avec l’accession de nouveaux pays comme l’Allemagne, le Japon, le Brésil et ou l’Inde.
Toute chose qui contribuerait à « requinquer » l’organisation et surtout refléter, une image de tolérance et de démocratie. Une manière de rendre « plus légitime »l’instance chargée de légitimer les actions des Nations-Unis.
Beaucoup de pays émergents affluent nombreux à la porte du conseil de sécurité, faire partie de ce club est un signe certain de prestige et de distinction. Mais entre le désir de réformer et la décision d’agir dans ce sens, la « Vieille dame » fait toujours le « Grand écart ».
Projets et amendements s’accumulent et, cette semaine encore, les négociations se sont faites intenses mais peu productives. On a beau critiqué les Nations- Unis mais elle n’est que l’émanation de la coopération entre les gouvernements, si certains veulent être « plus égaux que d’autres », c’est normal que l’ONU s’affaiblisse.
Pierre Edouard Dildique, journaliste à Radio France international, auteur de Mythe des Nations-Unis a écrit à propos de Kofi Anan ″ Que peut faire le patron d’une organisation vouée à la paix quand se fait sentir, dans le sang, la douleur et la peine, la loi des crimes ? Sinon ressentir au fond de lui une pénible vacuité.″ En attendant, tant qu’on n’aura pas trouvé mieux, la Vieille dame continuera à veiller sur nos turbulentes nuits, si nous sommes incapables de la rajeunir, ce serait immoral de la faire disparaître.

Global Voices en Français

Thursday, September 08, 2005

Septembre noir en Louisiane

Septembre noir en Louisiane

Michael Chertof, responsable de la sécurité intérieure, Donald Rumsfeld, chef du Pentagone, le Général Richard Mayer de l’état-major inter-armes, tous réunis autour du Président G.Bush dans une ambiance, d’extrême gravité. A l’ordre du jour, non pas le golfe persique mais la tragédie du gulf stream, sur le territoire même des Etats-Unis.

L’Amérique vient de subir une « attaque » d’une rare amplitude, sans précédent dans son histoire : l’ouragan Katrina, un phénomène météorologique qui fera date a saccagé la Louisiane, en ces premiers jours du mois de septembre 2005.Encore un nouveau septembre noir pour le président Bush et le peuple américain.

A l’embouchure du Mississipi, la Nouvelle Orléans, ville historique et culturelle est désormais méconnaissable. Une Amérique hagarde met du temps à réagir. Que s’est-il passé au cœur de la plus grande machine militaire du monde capable d’intervenir sur plusieurs théâtres d’opérations à travers le monde ? L’Amérique serait-elle ce « colosse au pied d’argile » dont parlent ces ennemis idéologiques ? Ou tout simplement se préoccupe-t-elle trop du volet militaire en négligeant le filet social nécessaire á la protection des plus pauvres de ses citoyens ?

Une fois de plus, les plus pauvres ont été les plus vulnérables. Beaucoup de ceux qui avaient les moyens ont pris á temps, voitures et avions, pour s’éloigner de la catastrophe annoncée. Comme un gigantesque Titanic, la ville du jazz s’est lentement enfoncée dans les eaux gonflées du Mississipi. Une tragédie filmée en direct, pendant que les secours prenaient du temps, trop de temps à s’organiser. A l’heure du bilan, il faudra revenir sur le vieux débat autour des responsabilités de l’Etat vis à vis des citoyens de toute condition. Et surtout dire halte à la loi du « tout profit » pour bâtir un monde plus solidaire. Un monde ou les valeurs l’emporteront sur les comportements de ceux qui n’hésitent pas par économie « bout de chandel » à transformer certains vols aériens en cercueils volants.

Benjamen Dessus de l’association Global Chance écrivait, il y a quelques mois : "Entre les agendas politiques, les intérêts économiques et les impératifs environnementaux, le divorce est complet. On est loin d’une conscience partagée des périls proches".

Des scientifiques américains travaillent sur un projet de bombardement au laser d’astéroïde pouvant menacer la terre, la menace est réelle mais encore futuriste, le danger fond déjà sur nous et porte des prénoms humains comme Gordon ou katrina. Notre planète n’en peut plus et si la dégradation continue, la réalité rejoindra la fiction d’un scénario hollywoodien : "the Day After ". Canicules, cyclones dévastateurs, sont les conséquences d’une consommation effrénée des ressources énergétiques par les pays riches. Les Etats-Unis sont certes au banc des accusés, le géant chinois aussi, pour soutenir son irrésistible croissance a soif de carburant. Certains milieux conservateurs et productivistes aux USA et ailleurs abordent ces questions du bout des lèvres et perçoivent les défenseurs de l’environnement comme des rêveurs qui ne comprennent rien a la techno-science. Et pourtant, en mars 2005,un groupe important de scientifiques cité par Benjamin Dessus dans un numéro spécial du Monde diplomatique, annonçait la montée des périls.

La tragédie de la Louisiane a déclenché un vaste réseau de solidarité á travers le monde et l’aide qui afflue de partout, y compris de Cuba et du Vénézuéla peut un instant faire rêver. Et si seulement, nous pouvions rester solidaires hors catastrophe, ce serait un bon point pour la globalisation. Puissants ou misérables, ne sommes-nous pas égaux devant la nature ?