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Global Voices en Français

Monday, January 29, 2007

« Quand la ville tue »

Les villes du monde sont devenues des espaces féconds d’une insécurité rampante et de son corollaire, le délire sécuritaire. Dans les grandes métropoles du Nord : voitures blindées, caméras cachées dans les lampadaires, écoutes électroniques font partie de la panoplie des gadgets déployés pour assurer un minimum de survie dans ces jungles urbaines. Outre que les mafias traditionnelles se sont modernisées en se mettant aux dernières technologies, des terroristes réels ou apprentis rêvent de raser les tours dressées dans le « mitan » des villes, poussés par on ne sait quel complexe de castration.

Chaque jour, des milliers de personnes craignent de ne pas remonter des métros souterrains de Londres, Madrid ou Tokyo. Quant aux grandes cités américaines, les habitants doivent désormais avant de sortir consulter une nouvelle météo, celle qui défile au bas des écrans de télévision et annoncent la côte d’alerte en matière de sécurité.

Bagdad, la capitale de l’Irak est un "cratère" en activité permanente, en dehors de la zone verte, oasis pour les diplomates et autres honorables correspondants. Une zone verte qui, comme « un indicateur coloré » de l’insécurité tourne de temps en temps au gris sombre quand explose ces mécaniques mortelles déclenchées par la guérilla urbaine.

Dans le reste du tiers-monde livré à la pauvreté et aux pathologies de toutes sortes, s’opère une socialisation autour d’une criminalité organisée. En 1991, Jean Christophe Rufin constatait déjà que « la progression des réseaux de drogue procède, dans les zones urbaines, à l’installation de véritables contre-pouvoirs clandestins incluant la corruption politique et policière ». Dans certains bidonvilles d’Amérique Latine et d’ici, ce qui frappe c’est l’absence totale de protection familiale qui livre des enfants à peine nés à une vie de jungle, abandonnés, ils apprennent comment perdre leur humanité et sont soumis à la loi des chefs de bandes qui leur offre « protection et sécurité ».

Les salles d’urgences des hôpitaux dans les quartiers populaires rappellent des antennes de chirurgie de guerre tant y sont légion les blessures par balles et à armes blanches. Toute cité jadis prospère comme Beyrouth ou Bagdad peut sombrer dans la barbarie nous rappelle encore Jean Christophe Rufin. Mogadiscio, capitale déserte, de la Somalie où le pouvoir s’acharne à résister à des adversaires multiples, hostiles entre eux, ivres de haine et ne respectant rien en est un exemple tragique. Quant à notre Port-au-Prince, elle a depuis quelque temps renoué avec son appellation coloniale, Port aux crimes ! Les riverains du bas de la ville et de l’avenue John Brown se souviennent pourtant du temps jadis, où l’on revenait à onze heures du soir d’un festival de films fantastiques du cinéma Capitol, pour s’arrêter en face de la ruelle Jardine chez la célèbre Madame Jean, consommer quelques fritures et se remettre de ses peurs toutes virtuelles d’un « vendredi 13 » ou d’un « exorcisme ».

A cette époque le coin du Poste Marchand servait encore d’ancrage au « cercle des poètes disparus » ou forcés à l’exil. Des bandes de badauds qui n’avaient pas perdu leur innocence, remontaient du parc Leconte, un bout de canne créole à la main, en refaisant le score des matchs.

A l’instar des salons parisiens d’une autre époque, nous avions nos galeries : chez Philoctète, les Hérard, chez Frank … la rue était encore « le salon du peuple », l’ennemi public numéro un était connu, identifié depuis presque deux siècles, c’était l’État et ses dérives totalitaires. La ville ne se mordait pas encore la queue. En ce temps-la, nos voleurs étaient de jeunes chenapans que le cri outré de « baré » faisait détaler à toute jambe. Jusqu’au jour où le zenglendo, criminel d’une espèce en mutation, produit résiduel de la déportation et du banditisme politique entra dans nos vies et changea le visage de la ville. Depuis, de longs et inexorables murs de barbelés voilèrent la face de nos maisons ridées et de nos villas roses, « devan pot tounen déyè kay ». La vie de quartier fut mise en veilleuse. La peur étala ses immenses traînées sur une cité triste comme une veuve. Et chaque fois que la violence pointe au coin de nos rues, son mufle de méduse, on a envie de dire avec cette voix d’outre-tombe que « les assassins sont dans la ville ».

Roody Edmé

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Proche-Orient : Le retour de la diplomatie

Le Conseil de sécurité a adopté vendredi soir à l’unanimité de ses quinze membres une résolution en faveur d’un arrêt des hostilités au Proche-Orient, entre Israël et le Hezbollah. La résolution 1701 prévoit l’envoi au sud Liban de quinze mille hommes sous l’égide des Nations Unies. Un renforcement en fait, de l’effectif de la FINUL qui opérait déjà dans la région. Cette force sera placée sous le chapitre 6 de la charte de l’organisation mondiale et non le chapitre 7 comme le souhaitait Tel Aviv. Un tel mandat donnerait à la force la capacité d’intervenir pour faire respecter un éventuel cessez-le-feu. Les diplomates à l’ONU, prenant en compte, les objections libanaises ont préféré opter pour une structure internationale d’encadrement de l’armée libanaise.

Ce qui est fondamentalement en jeu dans cette résolution, c’est la souveraineté reconquise du Liban sur l’ensemble de son territoire. La fin des milices confessionnelles balkanisant un territoire où vivent des populations à options religieuses différentes. La bonne nouvelle est que les principaux belligérants semblent accepter cette résolution accouchée aux forceps. Le Liban n’a pas le choix, compte tenu de la note salée qu’elle aura payé pour une guerre qu’elle n’a pas choisie. Israël non plus, pour avoir été surpris par la résistance des combattants du Hezbollah enterrés dans la plaine et la montagne de la Bekaa et qui ont remporté la bataille psychologique sur une armée réputée invincible. Le show guerrier de Tsahal, légitime au départ, a tourné au cauchemar en raison des victimes civiles et, de la disproportion d’une riposte d’autant plus aveugle que le Mossad (service de renseignement israélien) a semblé manquer des balises nécessaires pour informer les militaires sur les mouvements de la guérilla du Hezbollah.

Un des pays qui a su tirer son épingle du jeu dans ce conflit est la France. Le pays de Chirac a tout de suite pris à cœur la situation dramatique du Liban et a réussi, sans se fâcher avec son puissant allié outre atlantique, à pondre une résolution où tout le monde perd et gagne quelque chose. Assez affaibli sur le plan intérieur, Chirac aura marqué un point de politique extérieure, qui, après la prestation de l’équipe de France en coupe du monde, réhausse une fois de plus, l’image de son pays et par ricochet d’un gouvernement qui prenait eau de toute part. Apparaissant comme un leader incontournable du monde actuel, le président Chirac affirmait le soir de la résolution : ‘‘conformément à ses responsabilités, la France prendra sa part dans la mise en œuvre de la résolution 1701 en ce qui concerne la nouvelle FINUL’’ ; tandis que son ministre des affaires étrangères Douste-Blazy souhaitait que la communauté internationale « offre demain au peuple palestinien ce qu’elle offre aujourd’hui au Liban … il y va de l’avenir d’une région qui a trop souffert et qui doit renouer avec la paix ». Comme pour compléter la bonne fortune, la France annonçait la mise en orbite d’un satellite de communication, nouvelle génération, Syrius 3b particulièrement efficace pour les communications militaires des troupes en mission à l’étranger.

Toutefois, la résolution une fois passée il reste encore à l’appliquer. Les traumatismes d’un mois de conflit aussi brutal que soudain prendront du temps à s’estomper. Il faut s’attendre maintenant à des règlements de compte à l’intérieur aussi bien du Liban que d’Israel sur les passifs d’une guerre sans objectif. La résistance du Hezbollah même célébrée dans l’opinion publique libanaise laisse quand même un goût amer sur le ‘‘prix effroyable pour tant d’honorables exploits’’ selon un journal libanais édité en français. Alors que la presse israélienne s’interrogeait : « Peut-on faire entrer en guerre un pays entier et n’obtenir qu’une humiliante défaite et rester au pouvoir ? ».Une manière de critiquer le gouvernement Olmert pour son amateurisme dans la conduite de la guerre. En attendant, Israël poursuit frénétiquement son offensive comme pour se rassurer que les roquettes du Hezbollah ne menaceront plus le Nord de son territoire. Le temps joue donc contre la paix. D’autant qu’à Damas le silence est lourd de conséquences. Vivement le retour de la diplomatie pour freiner les extrémismes de tous bords au moment où la terreur guette une fois de plus dans le ciel.

Roody Edmé

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Etats–Unis- Elections : " Pour qui sonne le glas? "

Nous sommes à un mois d’une élection vitale pour le changement de la majorité au congrès des Etats-Unis. A l’heure où nous écrivons cet article, personne ne sait si elle sera résolument démocrate ou républicaine. Même les sondeurs sont prudents, et pourtant, les observateurs de la politique américaine perçoivent un changement dans l’air, un renversement de majorité tel que l’on n’a jamais connu depuis 1994.

Les républicains qui jusque là avaient bien en main les leviers de la gigantesque machinerie politique de la plus grande puissance du monde semblent peu à peu perdre les pédales. La réélection du président Bush le 20 janvier 2005 était apparue comme une approbation de ses choix stratégiques et idéologiques spécialement en matière de politique étrangère. A l’orée de son mandat, le président annonçait, im petto, que l’objectif ultime des Etats-Unis était de "mettre fin à la tyrannie dans le monde". Toute chose qui siait bien avec la vocation libérale d’une Amérique qui n’a jamais été aussi forte, malgré le viol tragique de son territoire le 11 septembre 2001.

Le président des Etats-Unis s’était senti rassurer par le bon déroulement des élections en Afghanistan, en Irak, dans les territoires palestiniens ; sans oublier la fièvre révolutionnaire et démocratique qui se répandait en Georgie et en Ukraine dans les confins même de la Russie. Le groupe des "neocons", en anglais dans le texte, voyait se dérouler sans coup férir, un agenda longtemps concocté par les principaux idéologues de la première administration Bush. Il s’agit pour Washington de prendre ses distances vis-à-vis des dictatures du Moyen-Orient, tout en continuant à ménager certains alliés incontournables comme l’Egypte et l’Arabie Saoudite, aujourd’hui regroupés en un Conseil de coopération du golfe, désormais pierre angulaire de la politique américaine dans la région.

Toutefois une épine s’est glissée dans la politique américaine au Moyen-Orient et qui l’a rendue boiteuse… " La totale convergence stratégique avec Israël n’a jamais été aussi forte" explique Bruno Tertrais de la revue "Alternatives Internationales". Ce qui est perçu négativement par la rue arabe qui glisse dans un activisme religieux déstabilisateur pour les régimes modérés accusés de vendre leur âme au "grand Satan". Pourtant Washington a depuis quelques mois renoncé à la politique du " tout militaire" pour une approche plus nuancée, plus pragmatique. Sur le dossier du nucléaire iranien et nord-coréen, les Etat-Unis ont privilégié le multilatéralisme et une stratégie de "petits pas" reléguant au plan B ou même C toute idée d’envahir l’un ou l’autre de ces pays.

Mais les républicains jouent de malchance, ce pragmatisme "à la sauce Rice" qui colore la politique étrangère américaine d’une teinte plus modérée est obscurci par l’enlisement en Irak et la récente guerre entre Israël et le Hezbollah. Alors même que le ciel coréen s’illumine de nouveaux "pétards" nucléaires qui ont tout l’air de vouloir montrer au public américain que l’administration Bush n’a pas su éviter la montée des périls. Washington sera tenté de réagir en montrant ses muscles où laissera s’éclaircir l’horizon en se concentrant sur la campagne électorale pour le renouvellement de la majorité. Une campagne qui s’annonce difficile avec les égarements de la vie privée du sénateur Mark Foley et la crispation provoquée par l’onde de choc venue de la Corée du Nord.

Nancy Pelosy, chef de file de la minorité démocrate à la chambre des représentants avait déjà le mois dernier annoncé la couleur en affirmant qu’une chambre des représentants à majorité démocrate lancerait une série d’enquêtes sur le gouvernement Bush. Lesquelles enquêtes viseraient l’équipe énergétique du président et l’utilisation du renseignement à la veille de l’invasion en Irak. Certaines sources proches du Washington Post estiment que 52 députés (40 républicains et 12 démocrates) pourraient prendre leurs sièges. Les Etats-Unis n’étant pas une ‘‘Banana Republic,’’ les démocrates affirment ne pas vouloir aller jusqu'à la destitution du président. Stabilité oblige !

Si le président a perdu son avantage en politique étrangère malgré une assez bonne note pour le dossier latino américain traité avec prudence, la politique intérieure s’est quelque peu ‘‘effondrée’’ depuis les terribles vents de Katrina. Mais les hommes du Président n’ont pas dit leur dernier mot. L’homme n’a-t-il pas gagné son aura de ‘‘Messie’’ sur les ruines du ground zero.

Roody Edmé

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“Oser l’avenir”

Qu’on l’appelle dialogue national ou conférence nationale, les secteurs vitaux de la société devraient s’engager dans les prochains mois dans un processus de débats autour de la gouvernabilité et de la stabilité du pays. Des forums qui porteraient sur les fondamentaux de l’État de droit et dont les règles fixées éviteraient tout ‘‘voye monte’’ et ou ‘‘tour de Babel’’. Un exercice nécessaire qui permettrait une mise en perspective de notre avenir du peuple et d’arriver à des accords intégrateurs et refondateurs d’une société haïtienne déliquescente. Il existe une certaine expertise dans les différents comités stratégiques qui ont réfléchi depuis trois ans aux différentes formes que pourraient prendre ce projet. Il s’agira de faire atterrir les propositions et de les rendre progressivement opérationnelles.

Ce besoin de dialogue est palpable dans l’air, on le ressent dans nos interventions dans la presse, dans notre fâcheuse tendance à transformer « nos conflits personnels en conflits nationaux », dans la caravane organisée par les parlementaires. Seule une amélioration de la qualité du lien social peut inverser ces tendances lourdes que sont l’insécurité et la dégradation suicidaire de l’environnement. Notre société à l’urbanité chaotique, inégalitaire et consumériste suscite l’envie de s’approprier du bien d’autrui, surtout quand la richesse se réduit chaque jour à une peau de chagrin.

Le gouvernement lui-même, dans ce marathon pour le développement durable, a besoin d’un second souffle, de support de critique de tous les secteurs pour réussir dans cette mission aussi difficile qu’exaltante. Toute forme d’immobilisme, même apparente, peut faire le jeu des impatients de tous bords et pire, décourager ceux qui avaient repris espoir ! Et alors, se refermera sur nous le piège de l’instabilité, cette pente glissante qui aspire inexorablement les sociétés en faillite. Osons le dire à la place des autres.

Les problèmes sont tellement immenses, les institutions si faibles que toute entreprise de redressement national requiert un patient travail de fourmi. Mais en attendant, la mobilisation générale doit être décrétée autour des problèmes de sécurité, de réhabilitation de nos forêts et de la propreté de nos rues. La ville croule, ces jours-ci, dans la crasse et un grand nettoyage de la cité nous donnerait un peu de dignité dans la pauvreté ambiante. En attendant sur ce point crucial, l’avènement de municipalités révolutionnaires.

La tâche est d’autant plus titanesque qu’elle ne peut être uniquement le lot d’un État faible même volontariste , elle concerne l’ensemble de la société, mais l’exécutif et ou le législatif se doivent de donner le ton. Par exemple, par ces temps de ‘‘séismes judiciaires’’ on aurait souhaiter, si elle n’existe pas déjà, une concertation dynamique entre le ministre de la justice et le forum citoyen pour la réforme de la justice.

Cette société a besoin de nouvelles ‘‘utopies’’ mobilisatrices pour faire pièce à la déprime sociale. Nous avons une population jeune et au chômage, que nous devons former et occuper à des taches civiques, sinon, elle peut être la proie de toutes sortes de sollicitation marginale et risque d’être perdue à jamais pour la République.

Des initiatives entreprises ça et là par l’État et des collectifs citoyens sont à amplifier et à mettre en réseau : le festival du film à Jacmel, le concert de Wyclef Jean dans la cité de Roussan Camille, le mouvement des artistes pour la paix, le projet de Jean-Claude Fignolé de transformer les Abricots en une ‘‘Vitrine du développement durable’’, le projet gouvernemental de récupération du centre-ville, notre ‘‘down town’’, sont autant de projets porteurs qui méritent l’appui de tous. Quant à l’administration publique paralysée entre routine et arriérés de salaires, le gouvernement se doit de créer le cadre nécessaire pour permettre aux employés honnêtes et compétents de donner la pleine mesure de leurs talents.

L’heure est aux initiatives audacieuses, à la rupture d’avec un mode de gestion archaïque, nos cafouillages habituels, l’orgueil national mal placé.

Il faut oser la réconciliation pour bâtir la société de l’intérêt commun, un peu à l’instar de nos fondateurs, à l’époque du... Camp Gérard.

Roody Edmé

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Liban : Pourquoi Nasrallah est si populaire ?

Qui l’aurait dit dans ce Moyen-Orient divisé entre chiites et sunnites, arabes et non arabes un homme aurait émergé comme un « super héros », rassembleur de toutes les frustrations, à la faveur d’une guerre récente. C’est le sentiment qui émane à la lecture des principaux quotidiens arabes édités en anglais et diffusés sur le net. Hassan Nasrallah le chiite libanais, chef d’une milice classée terroriste en occident émerge tout à coup comme le «vengeur» d’un monde arabe qui se considère humiliée par la toute puissance d’Israël.

Le phénomène Nasrallah est devenu un mythe à la fin de la drôle de guerre déclenchée par Olmert et son cabinet pour rappeler aux bons souvenirs des arabes, la puissance dissuasive d’Israël. Seulement, dans cette région troublée il n’est pas difficile d’être un martyr. Et la présence chaque soir à la télévision du Hezbollah de l’homme au turban noir, au plus fort des bombardements israéliens, lui conféra définitivement un petit air d’invincibilité. Un côté mystique qui excite l’imagination des peuples et qui grandit l’image de la personnalité en question.

Nasrallah est l’homme que les drones n’arrivent pas à détecter, il est « invisible » aux systèmes de détection les plus sophistiqués et, les bombes de plusieurs tonnes sont pour lui de la poussière… C’est plutôt ce qui ressort de l’opinion du commun des mortels au Liban, en Syrie ou même en Egypte.

Des réfugiés exaltés sont revenus après la guerre sur les ruines de ce qui fut jadis leurs résidences en affirmant être prêt à sacrifier jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour la cause et l’homme qui désormais l’incarne. Et pourtant, bien que présent massivement au Liban, le Hezbollah était loin d’avoir un tel écho au-delà du monde chiite, le mouvement était même perçu par les analystes occidentaux comme la cheville ouvrière de la politique iranienne dans la région, pour faire bref une marionnette de Téhéran. Mais l’opération israélienne baptisée « pluie d’été » a « nettoyé » l’image du Hezbollah et l’a fait apparaître comme l’ultime mouvement de résistance à l’armée la plus forte de la région. Vision manichéenne, peut-être ! N’empêche que les résultats, nous l’avions exprimé dans les colonnes de ce journal, sont exactement l’inverse de ce que supputait l’état-major de Tsahal. Une guerre mal préparée affirme-t-on dans la presse israélienne et qu’on ressent de l’autre coté du jourdain, aujourd’hui encore, comme un traumatisme, une sorte de … «Vietnam israélien» toute proportion gardée.

Une journaliste arabe citée par le « Courier International » rapporte dans un journal londonien qu’un imam de Port Saïd à la solde des services de sécurité égyptienne se serait fait déchouquer pour avoir tenté d’éloigner ses fidèles de l’influence du parti chiite. La journaliste arabe Houayda Taha va jusqu'à confier à ses lecteurs : « La dernière chose à laquelle je pouvais m’attendre est de tomber amoureuse d’un homme de religion ! Je n’aime pas ces gens-là et, en toute logique, ils ne m’apprécient d’avantage. Maintenant je me rends compte que Nasrallah m’habite… je pense à lui tout le temps ! »

C’est encore le « Courier International » qui nous informe qu’un peintre de Ramallah qui gagnait difficilement sa vie en brossant les portraits d’Arafat, de Nasser et de Jésus Christ arrive aujourd’hui à vendre un millier de portraits de Nasrallah en une seule journée. Le leader du Hezbollah a accédé au statut de mythe y compris chez les chrétiens et les maronites qui ne s’entendent pas toujours. Quant à l’Etat hébreu, dont la devise est : «Plutôt périr comme Samson au lieu de se faire massacrer sans combat» son opinion publique commence à douter de la doctrine de sécurité nationale établie depuis David Ben Gourion. En tirant 160.000 obus sur la deuxième démocratie de toute la région, après Israël, les militaires de Tsahal se sont lancés dans un jeu à somme nulle.

Roody Edmé

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FRANCE – REFERENDUM : LE TEMPS DES INCERTITUDES

L’opinion publique mondiale suit avec intérêt la situation politique en France, à la veille du référendum sur la constitution européenne. L’enjeu est de taille, car un non français à la dite constitution mettrait du plomb dans l’aile à la belle aventure européenne de grande fédération continentale.

Un dernier sondage publié cette semaine semblait indiquer que les partisans du non pourraient l’emporter et cela inquiète les gouvernements de France, d’Allemagne et de Pologne qui verraient si la tendance se confirme, une menace pour un rêve longtemps caressé par les pères fondateurs de cette union principalement un Robert Schuman ou s’il faut remonter au XIXème siècle par un précurseur comme Victor Hugo qui lança une fois l’idée des Etats-Unis d’Europe.

En attendant, la campagne fait rage et on a vu ces derniers jours à l’écran défiler des représentants fort ‘’titrés’’ des deux tendances comme Jacques Delors, Simone Veil, Ségolène Royale, Laurent Fabius dans une battue médiatique destinée à convaincre les européo-sceptiques.

Il semble que la nouvelle constitution a les défauts de ses qualités. Beaucoup lui reprochent son caractère libéral, en effet depuis le traité de Rome de 1957, les textes qui servent de fondement à l’Union portent une empreinte économique qui indique un choix délibéré pour l’économie de marché. Or, une partie de l’opinion craint que toute adhésion à la nouvelle constitution scelle une fois pour toute l’avenir de l’Europe dans le libéralisme.

D’autres personnalités dont on ne peut nullement douter de leurs idées sociales voient dans cette constitution un pacte de solidarité dont il faudra à tout prix tirer parti, quitte à corriger en chemin les imperfections qu’elles admettent exister

La France entière se passionne pour une joute dont l’issue est encore incertaine. Une journaliste Irlandaise avec un pragmatisme toute nordique faisait remarquer que les français adoraient rejouer leur révolution et que la dramatisation du débat donnait l’air d’un conflit entre « nantis » et « sans-culottes ». Seulement, l’opposition entre les deux parties est plus complexe, on retrouve de toutes les tendances dans les deux camps et, il n’est pas rare de voir s’affronter des élus socialistes des deux cotés du carré bleu des télévisions.

Par delà les questions conjoncturelles liées au référendum du 29 mai, les institutions européennes devront gérer de plus grands des défis comme par exemple les écarts entre le club des pays riches de la zone euro et les nouveaux venus bien moins pourvus sur le plan économique. On craint que ces différences ne provoquent une relocalisation d’entreprises à la recherche de facilités fiscales sans parler de l’épouvantail que constitue la question migratoire. On parle beaucoup dans une certaine presse en Europe du « mythe » des plombiers polonais qui envahiraient la France à la recherche de meilleures conditions de travail.

Certains partisans du non à l’extrême droite de l’échiquier politique jouent sur les grandes peurs qui hantent les sociétés, à la veille des changements majeurs, en arguant que l’élargissement est synonyme de crise identitaire et de dumping social.

Le monde est suspendu à un scrutin dramatisé à souhait. Le président Chirac est monté au créneau et, parle de vote historique. Lionel Jospin est retourné sur la scène politique par la ‘’porte’’ de l’Europe et milite en faveur du oui, mais son parti est divisé sur la question et risque de mal se remettre de l’après 29 mai.

Roody EDME

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Lula : Nouvelle aube ou crépuscule ?


Le Brésil est avec l’Inde et la Chine de ces nouvelles puissances qui entendent changer la « face » du monde. Ce géant d’Amérique du Sud s’affirme de plus en plus comme une puissance mondiale. En 2003, le pays de Lula a achevé sa transition démographique avec une fécondité qui est passé sous le seuil du renouvellement des générations. L’agriculture s’est considérablement modernisée et est la deuxième du sud derrière la Chine et le tertiaire représente 60% du Revenu National Brut (RNB).

C’est en 2002 que le syndicaliste Lula Da Silva devint le nouveau président de cette puissance du Sud. On s’attendait alors dans les chancelleries occidentales à la mise en place d’une politique populiste de la part du premier gouvernement de gauche de l’histoire du Brésil. Mais très tôt, le chef du Parti des Travailleurs brésiliens affirma ne pas vouloir tomber dans les tentations de « l’électoralisme ». Même que le pays afficha très vite quelques succès économiques à faire pâlir d’envie ces voisins d’Amérique du Sud. A la clé, une réduction de la dette publique, une stabilisation du réal et une inflation sous contrôle autour de 6%. Le commerce extérieur n’est pas en reste, les exportations ont atteint en 2004 plus de 90 millions de dollars. Les entreprises brésiliennes encouragées par cette expansion commerciale ont commencé à se lancer sur les marchés extérieurs et à s’établir en Chine, en Inde et même au Moyen Orient.

Quelques échecs cuisants ont quand même jalonné le parcours de l’administration Lula. Un parfum insoutenable de scandales à répétition a incommodé l’opinion publique brésilienne entraînant des démissions spectaculaires qui n’ont laissé intacte l’image du chef de l’État. Le gouvernement a commis l’erreur d’occuper toutes les avenues de l’administration publique souvent avec des hommes qui n’ont pour tout crédit que leur passé de militant politique. Le programme « d’apaisement social » baptisé « Faim zéro » étendard de gauche de la présidence, a longtemps été critiqué dans l’opinion publique, le président a vite rectifier en mettant au point le programme Bolsa Familia, qui de fait est considéré comme un succès jusque dans les bureaux feutrés de la Banque Mondiale.

Le programme Bolsa Familia présente en effet, l’avantage de mettre l’accent sur la responsabilisation à terme des bénéficiaires qui devront en fin de compte créer leur propre activité. Ce programme d’appui stratégique aux familles qui vivent dans la précarité aurait touché en 2006 environ 30% de la population. On peut déjà en termes statistiques constater une réduction de 9% du taux général de pauvreté, tandis que selon l’économiste Jérôme Sgard la proportion vivant avec moins d’un dollar par jour a été réduit à 5,3% contre un maximum de 12.4% en 1993.

Toutefois devait-il souligner dans un de ses articles fort prisés dans les milieux universitaires « En dépit d’une réduction des inégalités … les écarts entre classes sociales sont toujours énormes… et les revenus des classes moyennes n’ont fait que stagné »

Un autre grincement dans la machine administrative de Lula est la faiblesse du système financier brésilien qui, en dépit de quelques succès de la Banque Centrale dans le maintien d’une orthodoxie financière, continue à afficher un portefeuille de crédit relativement faible pour un pays aussi gigantesque et dynamique. Le magazine radiodiffusé « Investir » attirait récemment l’attention des auditeurs haïtiens sur l’importance des secteurs financiers organisés dans la croissance soutenue d’un pays.

Si le Brésil ne fait encore figure de « Dragon » mais de « Baleine » de l’économie mondiale, aux dires de certains spécialistes, cela est du à une croissance encore modeste, pour ne pas dire pauvre !

Mais les désillusions du « peuple de gauche » brésilien se trouvent sublimé dans une politique internationale volontariste assumée avec brio par le chancelier Celso Amorim dont une photo publiée à la une de notre quotidien annonçait la quatrième visite dans notre pays. La diplomatie brésilienne fait flèche de tout bois et entend par une série d’accords stratégiques créer « une nouvelle géographie économique et commerciale », par le renforcement du MERCOSUR et une présence remarquée sur tous les théâtres de négociation dans la région et dans le monde. Porte-parole du sud dans les forums alter mondialistes, dont Porto-Alegre est la ville emblématique, le Brésil de Lula fascine pour son football mais aussi pour son bel élan que certaines « méchantes langues » qualifie déjà de sous- impérialisme. A l’heure du dépôt de bilan, le syndicaliste devenu président est prêt pour un nouveau mandat. La rubrique Monde de notre journal suivra pour vous ce grand rendez-vous Sud-Américain dont le premier tour commence ce 1er Octobre.

Roody Edmé

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Mots croisés


Sans aucun doute, ces dernières années de crise auront servi de cadre à deux œuvres d’une rafraîchissante modernité : ‘‘2004’’ de Lyonel Trouillot et ‘‘La folie était venue avec la pluie’’ de Yanick Lahens.

Pour ceux qui comme moi ont un penchant pour le social, ces deux publications sont un moyen détourné de revivre des moments intenses et dramatiques de la saga d’une société éclatée et déchirée entre la nostalgie de la stabilité despotique des années 60 et, la bamboche démocratique et sanglante des années de la longue transition. « Après tout, il se peut que les choses se soient passées ainsi dans une île de la caraibe » nous avertit, prudent, l’auteur pour qui l’art du roman serait un « mentir-vrai ».

Sous la plume de nos deux écrivains qui ne dédaignent nullement les procédés balzaciens du récit défilent , au fil des pages, des personnages que nous pourrions croiser dans les rues de Port-au-Prince. De l’étudiant contestataire, pourfendeur de régimes bien établis aux caïds des bidonvilles qui apparaissent et disparaissent au fil des règlements de compte (les nouvelles de Lahens) ; le lecteur découvre les contradictions de personnages non dépourvus d’une certaine épaisseur historique ou sociale parce qu’engagés dans un sens ou dans l’autre de l’histoire. Souvent leurs destins sont mêlés, ils viennent parfois du même quartier, de la même famille … ils sont habités soit par un désir de changement qui les démange comme un prurit, soit par l’appétit de quelque gain à obtenir au bout d’un colt 45 ou d’un revolver de marque autrichienne Glock.

L’écriture de Trouillot aux multiples claviers poétiques nous enchante, tel un accordéoniste, il ouvre, étire, ferme sa syntaxe pour produire les notes vitales d’un ‘‘peuple en marche’’. C’est bien sûr aussi son humour habituel, implacable contre cette bourgeoise et son mari, ce chirurgien aux mains fines, qui adore passer des ordres. C’est la même arrogance iconoclaste contre les bien pensants, les accommodants, une certaine pensée dominante que Trouillot adore faire éclater en ‘‘mille morceaux’’. Trouillot est dans la vie comme dans la littérature, un ‘‘artiste martial’’ qui adore donner et recevoir des coups, « sabrer » dans le mandarinat intellectuel. ‘‘Un écrivain hurleur’’ qui écrit avec son corps aux multiples plaies ouvertes : celle de son quartier d’origine devenu un vaste bidonville, de son pays écorché vif. Pourtant, cet écrivain rebel, est lui aussi une sorte de mandarin de … l’anti-conformisme. Je suis souvent tenté de le comparer à un Michel Houelbecq, sans ‘‘la brune désespérance’’ de ce dernier. Lyonel a encore quelques amitiés fidèles et des balises affectives stables, alors que Houelbecq n’a plus que son chien et sombre dans un ‘‘nihilisme rahélien’’. Derrière sa cigarette et son « pouce rôti comme une cuisse d’oie », sa badine et son verre de rhum, le « fou de l’île » nous livre une version romancée d’une époque de braise : Avec le cri de la rue, la marche rythmée des étudiants sur le béton, presque du direct, mais tellement poétique. Une aventure proustienne à la recherche d’un temps qui ne finit pas de se perdre. Les focalisations se multiplient et la parole est de tous les bords, celle du bourreau et de sa victime nous sont exposée sans dogmatisme, sans volonté d’orienter le lecteur. Même que ce dernier peut pénétrer par les multiples fenêtres de l’œuvre, le monde interlope des tueurs et découvrir leur ‘‘philosophie’’ qui n’est pas celle de Spinoza ou de Marx, mais plutôt un ‘‘existentialisme’’ aussi froid et fatal que le canon d’un colt 45. Au détour de chaque phrase de Trouillot, une voix off « Moi Ernestine St Hilaire. Moi noire, je sais de quoi je parle » Et pourtant, le monde se dérobe sous les pieds de cette dernière et, ses deux fils lui échappent. Cette voix insistante, intérieure, pourrait être celle d’une autre mère haitienne, la Délira de Gouverneurs de la Rosée.

Dans ‘‘La folie était venue avec la pluie’’, la phrase de Lahens est ample, le travail sur le langage est fait avec d’innombrables soins. Lahens nous surprend par sa presque parfaite connaissance des milieux sociaux évoqués, des ondes de choc qui traversent la foule des partageux à chaque fois qu’elle se mue en vagues assassines. Exploitant avec une rare sensibilité, les ressources de la nouvelle, Lahens nous promène dans un Port-au-Prince de tous les dangers et son écriture fondue dans la canicule de la ville, ‘‘sous le soleil de Satan’’ est travaillée dans une ‘‘forge’’ quelque part dans le pourtour de la place Boyer. Le mauvais temps s’annoncait déjà avec la « La petite Corruption » et cumule dans une intertexualité avec l’avalanche qui mit en crue les eaux basses de la politique haitienne : « Et depuis que le corps de Mervilus avait été trouvé la veille dans une ravine non loin du quartier des Dalles, la folie comme la mort, comme l’enfance arrachée était venue avec la pluie » écrit Yanick Lahens. Ces deux écrivains sont descendus avec leurs personnages sur le béton, peut-être les ont-ils suivi à la culotte, dans la blancheur âcre et suffocante des gaz en cette année du bicentenaire. Mais attention nous prévient Trouillot, comme par opposition à la bande annonce d’un film de la MGM : « Toute ressemblance avec des personnes vivantes ne serait donc en rien le produit du hasard... »

Il y a dans ces deux textes les marques historiques d’un discours collectif. Le testament d’une génération qui sait avec Sartre « qu’en face d’un enfant qui meurt, la Nausée ne fait pas le poids ». Aussi ont-ils chacun à leur manière fait de la « résistance ». Ils ont quand même eu la sagesse de ne pas cesser d’écrire, car d’après Jean Ricardou ‘‘Toute littérature cessante, nulle révolution possible’’

Roody Edmé

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Thursday, January 11, 2007

ENFIN POIVRE D’ARVOR VINT !

Au temps jadis, Port-au-Prince recevait des écrivains et artistes de passage. Il y avait les saisons de la compagnie de danse Jean Gosselin. Les artistes tournaient, les plateaux aussi… Jean Marie Leclézio et Tchikaya Utamsi ont fait vibrer l’ancien auditorium de l’Institut français du bicentenaire et un certain Alain Robbe-grillet, « pape du nouveau roman », faisait sensation face à un jeune public haitien avide de connaissances. Un public amoureux de Gabriel Gracia Marquez et de Jacques Soleil, qui se méfiait de ce brillant orateur qui semblait affirmer que les romans engagés ne sont pas toujours ceux qui engagent le plus les hommes. Et que peut-être Proust, Joyce ou Kafka sont des forces révolutionnaires plus puissantes que tout le réalisme socialiste.

C’était l’époque des cinés clubs : “ Ecran ” au capitol et “ Point de vue ” à l’Institut français ; ces initiatives étaient accompagnées de chroniques littéraires régulières et de débats passionnés dans certains cafés du champs de mars et des environs. C’était peu, mais il y avait de la substance. La “ culture était une arme chargée de futur ” en ces temps ou pourtant « on se parlait par signes ». Peu à peu, ces “ neiges d’antan ” fondirent sous le chaud macadam de nos combats politiques. L’institut français abandonna son auditorium de la cité de l’exposition pour un projet plus grandiose aux champs de mars qui ne vit jamais le jour. Ce projet ambitieux renvoyé aux “ calendes haïtiennes”, on dit chez nous“ lè ti poul fè dan ”, témoignait des difficultés rencontrées par les opérateurs culturels d’ici et d’ailleurs à travailler dans des situations d’exception qui devenaient peu à peu la norme.

Une initiative de groupes d’enseignants martiniquais et haïtiens pour créer un lien, un trait d’union entre nos deux cultures à travers une association dénommée “ HAЇMA” fut tuée par la conjoncture. De même L’ASCODELA, produit d’une action volontariste d’intellectuels haïtiens et antillais ne pu faire long feu, faute de support intitutionnel ; les problèmes de visas, et autres tracasseries migratoires ne furent pas les moindres.

Dans ce contexte, la visite du 7 au 9 janvier à Port-au-Prince d’Olivier Poivre d’Arvor et de son assistante Sophie Renaud est bien accueillie dans le milieu culturel haïtien. Olivier Poivre d’Arvor dirige une nouvelle agence culturelle française qui « couvre un large champ d’action (arts visuels, architecture, théâtre, arts de rue), du livre et de l’écrit sans oublier le patrimoine cinématographique, les collections documentaires et l’ingénierie culturelle ».

Cette agence dénommée Cultures France se propose d’accompagner les artistes du monde francophone et d’encourager le dialogue avec les cultures du monde entier. Un axe qui nous intéresse particulièrement : c’est l’affirmation réitérée par M. Poivre d’Arvor de la dimension de dialogue interculturel privilégiée par Cultures France. Toute chose qui aura la vertu de favoriser ces rencontres longtemps souhaitées par les artistes et écrivains de la région. Franchir le mur de l’exclusion culturelle, affirmer la dimension du dialogue et de la diversité sont autant d’éléments qui trouveraient un début de réalisation dans des activités comme le festival « Etonnants-voyageurs » et une rencontre régionale des chorégraphes animée par Jeanguy Saintus de la Artcho et la Guadeloupéenne Lena Blou, un atelier prévu pour l’été 2007. Tout ce beau paquet participe du volet “ Caraïbes en création ” qui se propose de faciliter les échanges et les rencontres d’artistes en création tout en aidant à professionnaliser la pratique des créateurs, si l’on en croit une source proche du service culturel de l’ambassade de France.

L’écrivain Franck Etienne présent à une rencontre très amicale organisée par l’ambassadeur de France, sous les lambris du manoir des lauriers, livra un témoignage poignant sur la solitude de l’écrivain insulaire et sur l’espoir que fait naître un tel programme dans la mise en marché des produits culturels caraïbéens. Quant à Olivier Poivre d’Arvor, il exprima son admiration pour la culture de notre pays et un hommage appuyé à l’écrivain Frank Etienne pour son oeuvre foisonnante. Le distingué visiteur parlait avec conviction et sensibilité et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’est pas que le frère de l’autre ; l’on sentait par ailleurs, que le vent était en train de tourner à Paris et qu’il s’agissait derrière ce projet du « captage » de toutes les sources d’une Francophonie disséminées à travers le monde.

Comme l’écrivait mon ami, le professeur Jean Claude Nicolas de la Guadeloupe, citant Carmen dans la rue cases-nègres : “ il aimait Balzac, Gorky, Tolstoï…Mais quand je lui fis lire Banjo, il devient fou de joie”.

Roody Edmé

Global Voices en Français

Bush – Irak : « En attendant Godot »

Le Président Bush a annoncé cette semaine sa nouvelle stratégie en Irak. On savait que le Président se préparait à prendre ses distances vis àvis de l’ancienne doctrine mise en place par l’ancien chef du pentagone Donald Rumsfield mais qu’il n’allait pas non plus adhérer au rapport Baker-Hamilton qu’il vit comme un complet désaveux de sa politique irakienne.

La nouvelle approche esquissée par le Président présente quelques difficultés. La première est comment continuer une guerre si impopulaire dans l’opinion en ayant l’air de se lancer dans une nouvelle escalade.

L’envoi même temporaire de troupes fraiches à Bagdad n’éloigne pas pour autant le spectre de l’enlisement tant craint par une majorité d’américains. Et surtout, le congrès à majorité démocrate a été élu suivant un momentum anti-guerre.

Et puis, il y a les actuelles performances plutôt boiteuses du régime de Monsieur Al Maliki. Ce dernier vient d’attendre le summum de la maladresse avec l’exécution contro versée de Saddam Hussein. Une décision rapide qui jeta l’émoi dans le monde sunnite et ce, jusque dans l’Égypte de Hosni Moubarak, un des plus sûrs alliés des Etats-Unis dans le monde arabe.

Le gouvernement irakien est réduit ces jours-ci à faire des menaces aux pays qui critiquent l’exécution de Saddam, en allant jusqu’à envisager une éventuelle révision de ses relations avec ces pays. Quand on songe que parmi les pays incriminés on compte l’Angleterre de Toni Blair qui a encore des troupes sur le terrain et l’Italie de Romano Prodi qui était de l’aventure du ‘‘déchoukaj’’ de Saddam, on peut se demander si le premier ministre actuel n’est pas en train de perdre le Nord, du moins certains amis du Nord.

C’est dans un tel vacuum que le Président semble vouloir envoyer de nouveaux contingents : alors même qu’il semble qu’aucune victoire uniquement militaire n’est possible. A Washington, il règne aussi une grande agitation qui témoigne d’une certaine fébrilité de l’appareil politique américain par rapport à un dossier « enfoncé douloureusement » dans les talons du Président et qui rend boiteux le parti républicain.

Le remue ménage dans la hiérarchie militaire et dans le renseignement n’est pas un signal de parfaite sérenité. Il semble au contraire traduire une impatience par rapport à un dossier qui fâche autour du Potomac et dans l’Amérique profonde. Alors que sur les bords de l’Euprate non loin du croissant chiite, la guerre fait rage et l’espoir de toute solution négociée semble perdu dans la violence d’une guerre civile qu’on refuse officiellement d’admettre dans les cercles du pouvoir à Washington.

Le problème avec la nouvelle stratégie du président est l’absence de perspective sur le conflit Israélo-palestinien et aussi, le caractère toujours unilatéral d’une politique qui, selon Le Kwan Yew ancien Premier Ministre de Singapour, ne tient pas suffisamment compte des leçons de la guerre froide. Surtout en ce qui concerne une approche multilatérale qui éviterait de froisser des susceptibilités russes et françaises, engagerait les chiites modérés et les sunnites, sans parler des Baathistes « convertis ».

Quelque chose a quand même évolué dans la nouvelle stratégie de l’administration Bush : c’est un accent appuyé sur l’aspect « reconstruction » j’usqu’ici secondaire par rapport à la carte militaire. D’ailleurs le nouveau commandant du Centcom à Bagdad, le général américain David Petraus est un partisan de « la carotte et le baton » comme approche tactique du conflit. Washington cherchera aussi á lancer des initiatives au Proche-Orient, mais son rôle d’arbitre même incontournable a été écorné par son soutien non équivoque à l’Etat hébreu lors de l’opération « pluie d’été ».

Quant aux démocrates, leur marge de manoeuvre est plutôt réduite, s’ils ne soutiennent pas la nouvelle stratégie du président, ils ne peuvent pas non plus refuser ses appels de fonds sous prétexte d’abandonner les troupes, ce qu’ils risqueraient de payer cher dans deux ans lors des prochaines élections .Leur « exit strategy » n’est pas très convaincante et s’apparente plutôt à un « no way out » .Ils semblent pour le moment n’avoir d’autre choix que de suivre avec réticence le nouvel effort de guerre d’un président qui joue sur ce dossier sa dernière carte.

Roody Edmé

Global Voices en Français

Friday, January 05, 2007

La leçon des Gonaives


Le Premier janvier 2007, la foule est conviée sur la place d’armes pour un événement d’une solennelle gravité, en présence des grands corps de l’Etat et des représentants de la communauté internationale. Il s’agit du 203eme anniversaire de notre indépendance. Par delà les appels à l’unité lancés par le président de la République (voir l’éditorial de Claude Moise du 5 janvier), les observateurs ne pouvaient rester indifférents aux crispations, cris et chuchotements qui émanaient de cette foule de citoyens réunis autour de l’autel de la patrie.

Ce n’est pas tant l’expression démocratique des désaccords qui a embarrassé plus d’uns, sinon la manifestation de sensibilités ‘‘claniques’ dans un tel cérémonial du souvenir qui rappelle a l’encre forte l’idéal d’unité des pères et mères de la patrie. Je veux dire que le rassemblement de la place d’armes n’était pas un meeting électoral et pourtant, on a senti la manifestation de certaines impatiences politiques et le désir déjà de combler un vide même virtuel. Tout le monde sait que la maladie infantile de notre société est l’envie démesurée de pouvoir. Et cette pathologie du corps social adopte des formes récurrentes tout au long de notre histoire. Elle constitue sans aucun doute, un des ferments de l’instabilité chronique qui a trop souvent plombé notre vie politique.

Il suffit de prêter l’oreille a certaines déclarations de candidats qui font le tour du cadran médiatique en promettant l’apocalypse s’ils ne sont pas élus a telle ou telle mairie pour mesurer ce rapport pathologique au pouvoir qui affecte une majorité de politiciens. Certains appels a peine voilés aux armes ne sont pas pour contribuer à la sérénité du tribunal électoral qui doit décider de la validité des contestations. Lequel tribunal électoral doit aussi éviter de faire durer le … supplice des candidats qui s’estiment lésés. Heureusement qu’il y en a d’autres qui appellent leurs partisans au calme et qui s’en remettent malgré leurs frustrations aux décisions du tribunal électoral - Ceux-la méritent un « grand coup de chapeau » et se glissent déjà dans les vêtements de futures femmes et hommes d’Etat.

Dans son discours de ce premier janvier, le président de l’assemblée nationale a mis en garde contre les tentations partisanes qui obstruent les chemins non encore balisés de la réconciliation prônée par le chef de l’exécutif. Les vieux démons sectaires qui ruinent les sociétés en mal de développement s’invitent à tous nos rendez-vous qu’ils soient commémoratifs ou électoraux. La tragédie du peuple somalien qui se débat depuis de longues années dans une interminable guerre civile est l’exemple à ne pas suivre. Un proverbe somalien affirme « Moi et mon clan contre le monde, moi et ma famille contre le clan … ». Appliqué en politique et en pratiques du pouvoir, cela débouche sur d’épouvantables charniers. Les sursauts suicidaires qui agitent le corps social haïtien devront faire l’objet d’analyses, de forums, de débats dans les universités et les écoles pour prévenir le retour de ces crises atypiques à toute société de droit. La situation somalienne est le miroir déformant de ce qui peut arriver a une société qui refuse de tirer le leçons de l’Histoire. Apres l’indépendance de ce pays frère, la division des clans unis contre le colonisateur a refait surface, exacerbé par le jeu politicien entraînant la déliquescence de l’Etat. Car il n’est pas vrai, ‘‘qu’un pays ne meurt jamais’’. Si la chute continue, des profondeurs insondables nous guettent. Il ne s’agit certes pas de jouer au ‘‘déclinologue’’ et de transformer le pays en vallée de larmes a force de se lamenter. Il s’agit de méditer sur notre histoire et de prendre les bonnes résolutions. Le parlement donne ces jours-ci l’exemple sur les questions liées a la sécurité, les forces de l’ordre ont montré qu’ils pouvaient maîtriser globalement la situation, du moins pendant la période des fêtes.

Pourvu que cela dure opine le simple citoyen. Quant au gouvernement, il doit ‘‘gouverner’’ pour ne passer libre cours aux fantasmes débridés des uns et des autres, la nature ayant horreur du vide même apparent. A ce propos, on attend les discours des dirigeants sur l’état de la nation lors de la rentrée parlementaire fixée au 8 janvier

Roody Edme