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Global Voices en Français

Wednesday, May 30, 2007

De l’ordre juste


Ceux qui ont suivi la retransmission en direct des festivités du 18 mai à Port-au-Prince étaient frappés non pas seulement par le faste des événements de cette année autour de la célébration du bicolore, mais surtout par l’intervention du nouveau sécrétaire aux personnes handicapées et à l’intégration.

Monsieur Michel Péan a en effet porté une parole qui s’est éloignée des sentiers battus du discours politicien, une parole humaniste incarnant les souffrances d’une frange importante de notre population : les handicapés physique et mentaux. Tous ces marginaux qu’une société impitoyable traite en ‘‘kokobe’’. Cela veut tout dire chez nous, ce mot, qui connote dans la forêt de nos préjugés : ‘‘rebuts sociaux’’, ‘‘laissés pour compte’’, bref tout moun ki pa tem, donc « ki pa moun ».

Sanctions sociales terribles qui méritent d’être corrigées et que cette nomination symbolique d’un sécrétaire d’état aux handicapés est un début encourageant qui mérite d’être renforcé par un cadre juridique comme on voit dans certains pays qui se targuent d’être des Etats de droit.

Pou nou tout ka fè youn, il faut bien commencer par faire reculer l’exclusion et c’est ce message que portait le nouveau sécrétaire d’Etat qui a rompu avec le ronron du discours commémoratif pour laisser parler son cœur et oser parler de « révolution ». Et surtout réinventer la fraternité. Des mots qui font ricaner les cyniques mais qui ont gardé ce vendredi 18 mai toute leur charge émotive et révolutionnaire.

Tout se passait comme si les paroles du ministre non voyant faisaient fondre les carapaces les plus coriaces et s’envolèrent par delà les montagnes et rivières de notre République malade de ses divisions et préjugés.

Monsieur Péan a eu l’intelligence d’ouvrir le concept de handicap à tous les chômeurs, les jeunes qui n’ont pas accès à l’éducation, et, à faire le décompte, on conclut à un pays handicapé dans ses forces productives et claudiquant douloureusement sur la route qui mène au progrès.

A force de creuser nos différences, d’élever des murs de méfiance, la plaie de l’exclusion allait révéler, ces dernières années, sa dangereuse béance une fois l’emplâtre idéologique et doctrinal disparu et le verrou totalitaire sauté ! L’espace haitien, cadre de nos « massacres sans enjeu », ou cohabitent dans un foutu bazar : antenne parabolique et lamp tet gridab, « collier maldioc et transistor » offre aujourd’hui le spectacle d’un champ de ruines ou des « débris de monde » se mêlent à des chantiers de l’espoir.

A l’occasion de ce 18 mai, le chef de l’Etat a de son côté enfoncé d’un cran son discours contre la corruption commencé à Washington, comme pour aviser qu’il ne s’agissait pas d’une parole politicienne destinée à la consommation externe. Sur les sentiers de Vertières, il a lancé une nouvelle campagne contre un « ennemi » aussi vieux que le monde devenu plus redoutable avec la globalisation et qui trouve un ‘‘terreau fertile dans l’abandon, le retrait des formes organisées de l’Etat et la misère’’.

Seulement, ce combat devra être mené avec ordre et méthode, rigueur et transparence pour éviter les « bulles judiciaires» et autres dérives d’un appareil de justice en dysfonctionnement qui nous a habitué à de désastreuses ratées.

Si le 18 mai, au champ de mars, un ministre non voyant nous invitait à regarder avec les yeux du cœur, à quelques kilomètres de là, à Pétion-Ville, à l’occasion d’un parade organisée par un mouvement de citoyens et plus d’une dizaine d’écoles, un jeune entrepreneur sur une chaise roulante témoignait de sa réussite professionnelle et de l’engagement de son entreprise dans la lutte contre l’exclusion et la précarité. Pour le drapeau, pour la patrie, il peut être aussi beau de vivre autrement que de mourir.

Roody Edme

Global Voices en Français

Tuesday, May 29, 2007

L’espoir est peut être dans les pouvoirs locaux

Il est certes plus facile de regler le problème d’électricité a Jacmel et aux Cayes que d’un coup sur l’ensemble du territoire. L’Etat central est trop faible pour prétendre gérer efficacement un territoire sur lequel il n’est pas partout représenté.

Les questions de développement économique et de sécurité sont si complexes en Haïti, une société en perpétuelle déconstruction, que le système étatique tel que centralisé est pleinement inefficient pour ne pas répéter le mot faillite.

Dans cet ordre d’idée les récentes élections peuvent être l’occasion rêvée de commencer à appliquer les prescrits de la constitution sur la décentralisation et qui a été l’objet depuis 1986 de laborieux travaux d’experts nationaux et étrangers. D’indispensables outils théoriques sont donc disponibles pour un début d’opérationnalisation du processus de déploiement institutionnel de l’Etat de droit émergent.

Il se pose urgemment la question d’encadrement des nouveaux élus et la mise en place d’unités de projets communaux et départementaux et surtout de gestionnaires publics sur le modèle existant actuellement au Ministre des finances. Le renforcement des pouvoirs locaux doublé de la participation citoyenne aura la vertu de permettre a des communautés locales de prendre en main leur développement sans se faire parasiter par une structure bureaucratique et hypercentraliseée.

Qu’on se souvienne des expériences de certaines mairies qui, dans le passé avaient su rendre attirantes leurs communes et contribuer au bien-être de leurs concitoyens.

Imaginons chaque année, un concours de la ‘‘commune la plus propre’’ ou une prime annuelle a la commune la plus sécure. Si le carnaval de Jacmel est un point d’ogre pour le sud-est – pourquoi pas un marathon de Tabarre ou ‘‘le moto-cross de kenskoff’’. Le secteur privé n’est pas en reste : un coup de chapeau a la Fondation Françoise Canez Auguste pour avoir fait danser le public de Port-au-Prince et de Pétion-Ville pendant toutes les fêtes. La police nationale par sa présence constante sur la route de Tabarre a aussi contribué à ce début de désenclavement culturel. A signaler aussi les sites de Montcell et celui de Belo comme espaces de choix pour villégiature de montagne qui pourraient être multiplies et aménagés, car les coins pittoresques ne manquent pas dans les montagnes environnantes. Nous avons déjà mentionne les initiatives d’organisations paysannes a value ou cet autre projet du secteur privé du tourisme de Nippes.

En ce qui concerne les communes de carrefour et de Port-au-Prince, j’invite les nouveaux élus a réfléchir sur un projet de liaison par la mer, un peu comme celui de ‘‘Taxi sou dlo’’ dont on n’a plus entendu parler.

Il y a donc un leadership progressiste a assumer dans nos différentes communes pour permettre un développement qui partirait de la base, avec la participation des communards et de leurs parents en diaspora qui sont prêts a tout pour le bien de leurs communes.

Roody Edme

Global Voices en Français

Veines ouvertes

L’assassinat de l’architecte Nadim Hyppolite Williams a eu l’effet d’un coup de tonnerre dans un ciel serein. L’événement est d’autant plus brutal qu’il s’est ajouté à une semaine noire qui a vu coût sur coût périr les naufragés de port Jérémie et le president de la cour d’appel des Gonaives dans un accident de voiture. Ce fut beaucoup en quelques jours, pour une société longtemps tétanisée par l’insécurité et qui rentrait progressivement dans une ère de stabilité et de baisse substantielle de la charge habituelle de violence.

L’assassinat de cette brillante architecte est un acte absurde qui frappe le monde professionnel et surtout un certain entreprenariat progressiste avide d’apporter sa pierre a l’embellissement d’un « édifice national » décrépi et croulant.

Et dire que de Bon Repos à Delmas, du centre-ville à Pétion-Ville des commissaires de police patriotes, sachant faire preuve d’un leadership civique se sont donnés pour tache de terrasser cette hydre aux mille têtes qui menace en permanence nos vies et sabote tout projet de redressement pour l’économie nationale.

Les différentes unités de police dans la zone métropolitaine ont commencé non sans un certain succès à faire reculer la bête dont la « matrice est encore féconde » et qui au moment où l’on s’attend le moins happe ce que nous avons de meilleur !

Une certaine accalmie avait pourtant rendue la cité plus fréquentable et l’été s’annonçait chaude de retravailles et de promesses commençaient a s’étaler sur les tables de quelques entrepreneurs locaux et étrangers. Nadine Hyppolite, tout comme Danièle Lustin, enlevée elle aussi brutalement il y a quelques années, était de ces femmes qui avaient la compétence et la passion pour régénérer cette terre meurtrie. Une balle dans la tête ! C’est à croire qu’il existe dans notre société, un complot permanent contre le savoir.

Ces criminels frappent toujours au cœur et au cerveau, comme pour signifier leur haine du progrès, de l’amour et de la solidarité si nécessaires à la lutte conte la précarité de notre peuple.

L’histoire a montré que chaque fois que survenaient des conflits entre nos ‘‘gardiens’’, ceux chargés d’assurer le suivi des poursuites pénales et les responsables de la sécurité ; l’insécurité surgit froidement pour nous rappeler sa meurtrière réalité. Et plonger notre société dans la psychose paralysante ; celle que panique l’investisseur et terrorise le simple citoyen.

Le president de la commission sur le désarment soulignait récemment que les armes de petit calibre en circulation demeuraient désormais la plus grande menace pour la sécurité publique et le drame de la rue Faubert a dramatiquement confirmé ses dires. Les pouvoirs publiés supportés par l’ensemble des citoyens doivent redoubler d’efforts pour continuer à marquer des points contre un ennemi qui s’est enkysté dans le corps social et tel un vampire croit et se fortifie de notre sang.

Malgré la vive douleur qui nous accable à chaque fois qu’un voleur ou un tueur a gages commet l’irréparable, nous devons continuer a faire pression et à accompagner les forces de sécurité dans leurs efforts pour appréhender les assassins qui sévissent toujours dans la ville. A ce propos, nous souscrivons a l’appel du collectif contre la violence qui réclame qu’Haïti signe le traite sur le contrôle et la circulation des armes de petit calibre. Si le degré zéro de criminalité est utopique, la fin de l’impunité n’est pas au-dessus de nos forces et, le rêve de Nadine ne doit pas mourir !

Roody Edmé

Global Voices en Français

Tuesday, May 08, 2007

“Ma France a moi”

C’est le titre d’une chanson à succès de la chanteuse Diam’s, artiste venue des banlieus et dont certaines des perles ont été reprises par Ségolène Royal au cours de sa campagne électorale. Cette chanson culte est devenue l’hymne de toute une jeunesse rebelle qui a l’instar de ces jeunes d’il y a deux siècles connaît aussi son ‘’ Spleen de Paris’’.

Lequel des candidats ou candidates endossera les couleurs de cette autre France, celle qui doute de son avenir et dont une frange assez représentative émigre vers d’autres cieux en Europe ou en Amérique du Nord.

Et justement, une des inconnues du vote de ce Dimanche est le vote des jeunes. Le corps électoral a beaucoup évolué depuis les élections de 2002 et compterait désormais 4,1 millions de jeunes ayant atteint l’age de la majorité. Aux dernières nouvelles, 81% des 18-35 ans affirment qu’ils voteront. La plupart d’entre eux se déclare préoccuper par la pauvreté, la précarité de l’emploi, la crise du logement. Un fort pourcentage autour de 70% éprouve un mal être et considère que la situation s’est dégradée au cours des dix dernières années. Alors que 80% de ceux ont l’age de leurs parents s’estime satisfait de leur qualité de vie.

Bien que les sondages continuent à donner à Sarkozy en tête, on sait que dans ce domaine, rien n’est gagné d’avance.

A l’émission de Laurent Ruquier sur une des chaînes françaises, on révélait que les échantillons de soudés se recrutaient surtout parmi ceux qui étaient joignable au téléphone fixe.

C’est encore l’inconnu du vote jeune qui retient l’attendre des correspondantes a Paris, ceux de l’agence Reuters ou du journal Le Matin (voir Le Matin du 19 avril). Toute chose qui donne au scrutin du dimanche son caractère indécis et laisse le suspens entier.

Les jeunes qui se mobilisent contre le C.P.E vont-ils faire la ‘‘Révolution’’ par les urnes, mais en faveur de qui ? Sarkozy qui jusqu'à présent mène une campagne assez disciplinée reste et demeure le candidat de la ‘‘sécurité’’. Une idée assez largement répandue veut que les peuples finissent souvent pour choisir la sécurité. Même si pour beaucoup Sarkozy a une image trop dure, intimidante pour les électeurs hésitants qui pourraient se laisser tenter par un candidat a l’air plus affable, un centriste qui serait a l’oppose de ‘‘l’établissement médiatico-politique parisien’’.

Ségolène Royal qui a longtemps incarnée une politique axée sur la participation citoyenne a travers une campagne atypique espère elle aussi séduire la France hésitante et fait tout pour représenter aux yeux du peuple français, une « audace sécurisée ». Un avenir tout neuf mais débarrassée du flou qui a par moments nimbé par sa campagne. Le destin de ces trois principaux candidats repose sur ceux qui ont le plus un « désir d’avenir », les jeunes du Paris de l’envers et l’endroit, du 19eme arrondissement comme des banlieus. En ce domaine comme dans un autre, « la jenes pa inosan » comme dirait Manno Charlemagne.

Roody Edmé