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Global Voices en Français

Saturday, December 30, 2006

2006 : Année de la « Cybercitoyenneté »

Un populisme post-moderne semble de nos jours se développer outre-atlantique. Apparemment moins « démago » que l’ancienne version, il puise sa légitimité dans l’idée de proximité citoyenne. Il s’agit en effet, pour ces leaders ‘‘new age’’, d’encourager la participation citoyenne et de faire en sorte que la politique soit désormais « interactive ».

Une personnalité comme Ségolène Royal a commencé à faire le plein de popularité à travers son site internet « Désir d’avenir ». Sur une base régulière les citoyens réagissent aux propositions soumises sur le site et, quelques jours plus tard, le programme de la candidate se trouve enrichi d’idées nouvelles. De sorte que, le « livre blanc » de la campagne de Ségolène Royal a un « auteur » collectif, la masse critique des citoyens, désormais politisée et engagée.

La candidate du P.S s’est donc servie des nouvelles technologies pour bousculer l’appareil de son parti, contourner un moment les médias traditionnels pour finir par s’en imposer et devenir ce qu’on appelle couramment une « people ». Des milliers de blogs se sont constitués à travers la France pour rendre réelle une candidature qui, au début, apparaissait toute virtuelle.

Un phénomène semblable se produit aux Etats-Unis ou de plus en plus une opinion publique qui n’a pas pignon sur rue dans la grande presse se développe sur la toile. Ceux qui aux Etats-Unis pensent autrement que le discours officiel et aseptisé concocté par les think thank conservateurs ont trouvé sur le net un moyen libre d’expression, loin de l’autocensure « patriotique » de l’après 11 septembre qui empêcha de voir que le mode d’intervention planifié en Irak conduisait tout droit à un mur.

Un professeur de l’université de Michigan s’est penché sur le développement de ce discours alternatif qui va à contre-courant de l’appareil médiatico-politique qui a embouché les trompettes de l’ultra patriotisme au lendemain du 11 septembre 2001. Pour le professeur Stéphane Spoider, l’émergence récente d’une forme nouvelle d’engagement citoyen se développe à travers ce qu’il appelle – la netizenry – un réseau citoyen très actif dont les sites ne comptent plus sur le net. Il met l’emphase sur le travail réalisé par un groupe d’action politique appelée Move On qui osa dès le début s’opposer à l’aventure irakienne.

Ce groupe semble en passe de devenir la principale voix alternative à la pensée unique conservatrice dans une Amérique traditionnellement méfiante des discours « déviants » d’intellectuels trop libéraux « féminisés » ou « homosexualisés » selon les anathèmes utilisés par une littérature fondamentaliste chrétienne.

Le groupe a organisé des mouvements de quartier et favorisé des rencontres entre des groupes qui ne s’étaient jamais adressé la parole d’après l’étude réalisée par le professeur Stéphane Spoider.

Un homme comme Howard Dean, ancien aspirant démocrate à la maison Blanche, qui n’avait pas les moyens des autres candidats a mis en place un système de donations netizen, une manière originale de financement de campagne qui inspira plus tard la campagne de John Kerry. Dean réussit par ce biais à dynamiser tout un pan de l’électorat américain, particulièrement les jeunes qui se désintéressaient de plus en plus de la politique. La stratégie consiste à permettre à ces « netizens » de construire eux-mêmes le discours politique et de se sentir partie prenante d’un mouvement de citoyens en marche.

La Russie n’échappe pas à cette blogomomania. Face à la mise au pas des médias russes et l’assassinat de journalistes de la trempe d’Anna Politkovskaia, le public russe s’est réfugié sur le net. Le journal francais Libération a rapporté ce commentaire ironique d’un bloggeur russe à propos de l’assassinat de l’espion russe Litvinenko : « Litvinenko s’est empoisonné lui-même pour piéger Poutine, ce dernier n’a qu’à se flinguer pour piéger l’opposition. » ou encore sous un autre blog, le chef du kremlin se fait appeler « Lillipoutine », un peu dans le même registre qu’un Hugo, il y à deux siècles, traitait Louis Napoléon, troisième du nom, de Napoléon le petit.

En Haïti, aussi, malgré la grande fracture numérique, le sous-équipement informatique qui nous affecte ; récemment nos courriels ont été envahis par une note de protestation de « citoyens concernés » par l’insécurité, manière nouvelle de prosélytisme sur le net. A signaler aussi chez nous, quelques sites de médias alternatifs de qualité, dont Alter Presse très fréquenté par les internautes d’ici et de la diaspora. Le magazine américain Time conscient de cette nouvelle donne a choisi comme personnalité de l’année, le citoyen Lambda, l’homme de la rue, disons : l’homme de la toile.

Roody Edme

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Carnaval et Renaissance

Ils étaient des milliers au Champ de Mars pour fêter le carnaval, des milliers de poitrines pour crier leur joie, leur frustration mais surtout leur besoin d’un pays.

Cette année le carnaval avait un cachet particulier, une sorte de souffle épique s’échappait des libations d’une foule chaque jour plus compacte, plus joyeuse, plus festive mais aussi revendicative. Un mot sur toutes les lèvres : ‘‘la pè nap mande’’. Nos artistes ont été à la hauteur des défis de l’heure, en dehors de quelques dérapages ‘‘pornographiques’’ dans le discours d’un des ténors de la jeune musique haïtienne, mais heureusement, point de cela au troisième jour. Le comite du carnaval a fait son possible pour renouer avec l’aspect artistique et merveilleux du ‘‘tan lontan’’, en dépit du maigre budget d’un État faible, pour ne pas reprendre le cliché d’État en faillite. On a senti cette année, une renaissance, une volonté de détente sociale et politique pour que vive Haïti.

Devant mon petit écran, j’avais, je l’avoue en toute humilité, la distance froide du tube cathodique avec cette foule en mouvement sur la place des héros, mais les équipes des différentes chaînes ont fait leur possible pour relayer l’ambiance et nous donner une vue d’ensemble du cortège. Ti djo Zeni et ses appels enthousiastes pour la réconciliation, T-vice et sa quête de la paix, Djakout pour le côté explosif de sa meringue, Mass Konpa et sa chaleur contagieuse, Wyclef, éternel enfant du cirque, et son rêve obsessionnel d’un pays. Et derrière tout ce beau monde, une femme courageuse, madame Magalie Comeau Denis, avec l’appui de son gouvernement, elle a su transformer le Champ de Mars en une vaste scène de théâtre. En vérité, comme disait Kant ‘‘le beau est ce qui plait universellement sans concept’’. Puissions-nous conserver ce momentum, cette générosité dans le partage du sensible qui a fait descendre sur le macadam, notre danseuse Viviane Gauthier, plus jeune que jamais. Gardons donc cette flamme et soyons à la hauteur, pour que l’an prochain, le mardi gras ne vienne nous rire au nez.

Roody Edmé

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L’Adieu aux armes ou la fin du Blairisme!

Il est le modèle de nombreux politiciens en Europe. Il a su, par son pragmatisme, adapté le libéralisme économique aux préoccupations sociales de son électorat travailliste. Tony Blair s’est imposé pendant trois mandats consécutifs comme l’homme politique de la troisième voie, celui dont la gestion des affaires rappelle ce qui se fait de mieux dans les pays scandinaves. Au point qu’en France, deux candidats officiellement aux antipodes du spectre politique, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy ne cachent pas leur admiration pour le locataire du 10 Downing Street à Londres.

Seulement, le vent a tourné depuis quelques mois et le premier ministre anglais se retrouve au centre d’une tempête politique qui l’a forcé à hâter sa sortie. Au sein de son propre parti, une véritable " Conspiracy " semble avoir placé Blair sur un siège éjectable, et, dans les rues régulièrement arrosées de Londres par un temps " éternellement " pluvieux campent des manifestants avec des pancartes qui disent long sur les sentiments de la base du parti «Va-t-en maintenant ». Supplique presque affectueuse à un homme qui a incarné le renouveau britannique. Les militants voudraient que Tony Blair s’en aille sans faire trop de vagues après avoir valablement servi son pays.

Comme de fait, au dernier congrès de son parti il a annoncé son retrait, avec dignité. Il a même fait une fleur à son successeur annoncé, son " frère ennemi " Gordon Brown, le grand sorcier des finances britanniques.

Les deux hommes ont fréquenté ensemble les meilleures écoles britanniques et ont fait leurs classes dans le parti. Ils ont longtemps incarné la nouvelle génération qui a osé damer le pion au thatchérisme conservateur et vieillissant. Ils ont fait de la politique autrement en prouvant à une grande partie de l’opinion publique européenne que le libéralisme économique même venue d’oxford pouvait être à visage humain.

Cependant dans une Europe en mal d’autonomie, l’anti-américanisme est ce qui se vend le mieux dans l’opinion publique. En Angleterre on affiche une certaine honte devant la posture " trop offerte " de leur Premier ministre face à l’administration Bush. La grande et fière Albion semble avoir juré une fidélité sans bornes à l’Amérique et se garde même de la moindre moue, voire même de nuances quand il s’agit de s’aligner sur les vues de Washington. En juillet 2003, un Tony Blair à la politique intérieure accomplie se rend triomphalement à Washington et reçoit la médaille d’or du congrès américain. Il était devenu le premier britannique à recevoir une si haute distinction depuis Winston Churchill. Si Churchill par sa tenace résistance à Hitler avait sauvé une certaine idée de l’occident démocratique, Blair et son mentor Gordon Brown ont renouvelé le " management " politique du libéralisme, un peu dans la lignée de " belles années" Clinton.

Mais les ratées de sa politique européenne influencée par une remontée du courant conservateur, son entêtement à ne pas sortir du bourbier irakien pour ne pas faire un enfant dans le dos à l’administration Bush ; la mort apparemment " sur ordonnance " du scientifique David Kelly, impliqué dans le scandale des armes de destruction massive ont mis du plomb dans l’aile de celui que nous appelions " l’albatros " de la politique britannique, tant il semblait hors d’atteinte.

La retraite politique de ce preux chevalier de la couronne laisse son parti un peu extenué mais quand même prêt à en assumer l’héritage. Quant à Gordon Brown, le " patient anglais", il attend de pouvoir établir ses quartiers au 10 Downing Street ; tandis que dans l’opposition, chez les Tories, David Miliband affiche prudemment ses futures ambitions : «Never think about the next job or you’ll lose the one you’ve got» confie-t-il, pince sans rire, au magasine Newsweek.

Roody Edmé

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De Villepin assiégé

La machoire serrée, le teint violacé, le regard fulgurant dirigé contre son adversaire socialiste, François Hollande, Dominique de Villepin sort de lui-même et lâche un mot de trop dans l’auguste hémicycle de l’Assemblée Nationale française. La télévision fait alors un gros plan sur les bancs où se tiennent les parlementaires socialistes ulcérés, réclamant la démission de l’hôte de Matignon. Le Premier ministre venait de qualifier de « lâche », le leader de l’opposition socialiste François Hollande.

La vérité est que ce dernier avait astucieusement glissé une question particulièrement embarrassante pour Monsieur de Villepin, tentant de l’associer à un mini scandale qui secoue la firme E.A.D.S, un fleuron de l’industrie française. Cette nouvelle affaire ajoutée à celle déjà pas très nette du « clearstream » était un coup mortel porté à une bête blessée, acculée et sans tanière, puisque à l’U.M.P même, une cabale est menée tambour battant par certains députés pro-Sarkozy pour obtenir le départ du chef du gouvernement.

Le destin du premier des ministres de France ne tient qu’à un fil qui s’appelle Jacques Chirac. Le Président de la République se résignera-t-il à se débarrasser d’un premier ministre trop encombrant qu’il traîne après lui, bon gré, malgré, un parfum obsèdant de scandale. L’affaire « clearstream » fait curieusement apparaître Monsieur de Villepin comme un pêcheur en eau trouble et, ce qui semble avoir été monté pour nuire à Sarkozy a un effet boomerang sur l’avenir présidentiable d’un de Villepin qui fait aujourd’hui figure d’un aristocrate décadent.

Pourtant cet homme fin dans ses gestes, maniéré, comme tout bon français éduqué, au verbe élégant et solennel a perdu son contrôle et s’est laissé aller à Villepender son adversaire politique. L’homme s’est repris et a présenté des excuses, mais le mal est déjà fait et ses opposants font choux gras dans la presse de l’énervement du premier ministre. On parle beaucoup dans la presse de sa nature dissimulée, de l’orage qui germe dans son œil livide. Encore un peu, on parlerait de Néron et d’Attila.

Dans l’Hexagone comme ailleurs, on adore descendre en flamme les politiques imprudents dont la carrière finissent par faire long feu. Dans un coin de l’Elysée cependant, un homme observe la scène politique. Le président Chirac n’a pas beaucoup de cartes en main, lui qui avait toujours rêvé de la présidence depuis sa plus tendre enfance est, sans nul doute un « darati » dans la politique. Il doit avoir encore plus d’un tour dans son sac, le vieux boxeur est toutefois coincé dans les cordes, et sous les coups redoublés de l’opposition et des membres de son propre parti, il a la vue plutôt trouble. Pourtant, la fronde monte au sein de l’hémicycle et, des pavés de Paris semble s’amplifier le bruit sourd de la clameur publique, celle dont est coutumière une France rebelle et contestatrice à quelques jours d’un certain 14 juillet. Quant à Dominique de Villepin, un journaliste faisait remarquer non sans humour, qu’il prenait plaisir à humilier ses adversaires plus petits de taille comme Sarkozy ou Hollande et que cela ne le grandissait pas plus.

Roody Edmé

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LES FANTÔMES DE L’HISTOIRE

L’histoire a de ces paradoxes qui nous portent à nous défaire de notre paresse intellectuelle, bousculer nos grilles de lecture traditionnelle, développer une vision moins manichéenne des évènements.

Dans un tel domaine, il faut se garder de conclusions hâtives, car chaque phénomène historique est un arbre qui cache une forêt d’intérêts. Devant tel acte apparemment « révolutionnaire » et ou « humanitaire » se cache des forces occultes qui entendent mener les évènements dans une direction conforme à un agenda pré-établi. Telle grande puissance s’engagera dans un pays si et seulement si elle y voit son intérêt. Des hommes d’affaires continuent à s’affairer en Irak en dépensant des fortunes, pour leur sécurité personnelle, qu’ils savent pouvoir tirer en faisant affaire dans le pétrole.

Ce qui se passe au Proche-Orient est une bonne illustration de ce qu’on pourrait appeler un terrain historique mouvant qui, en plus des positions de principe, réclame de la part de l’observateur un sens poussé de la nuance, si l’on veut appréhender le jeu des acteurs.

Le peuple libanais qui avait dans sa grande majorité, toute tendance confessionnelle confondue, appuyée la résistance du Hezbollah à l’offensive israélienne de l’été dernier se retrouve aujourd’hui diviser sur l’agenda de la milice chiite. A quoi bon résister si farouchement à Israël pour se retrouver inféoder à Téhéran ou à Damas, via la milice chiite interposée, se questionne-t-on dans les rues de Beyrouth. Autre fait historique marquant ; la longue et douloureuse histoire du peuple juif n’entraîne pas ipso facto une solidarité de ces derniers vis-à-vis des aspirations légitimes du peuple palestinien. Dans ce domaine comme dans un autre, la solidarité n’est pas automatique, parce que les Hommes sont ce qu’ils sont, d’abord centrés sur eux-mêmes. Le reste n’est que « mythe » et effet de civilisation.

De même, les intérêts supérieurs de la résistance à Israël n’empêchent nullement le Fatah et la Hamas de s’entre-déchirer pour le contrôle du pouvoir et de ….. l’aide étrangère. La belle histoire de solidarité outre-atlantique, au cours de la seconde guerre mondiale, qui a vu les G I’s libérer Paris a par ailleurs été légèrement ternie par les manœuvres de coulisses visant à remplacer le général De Gaulle par un autre général français plus docile, plus « américain » moins têtu que l’homme de l’appel du 18 juin. Ce sont donc les intérêts des Etats et des groupes qui font se mouvoir les acteurs et évoluer les rapports de force. Un sénateur de la puissante commission des affaires étrangères du sénat des Etats-Unis se demandait pourquoi son pays dépensait des milliards de dollars dans la “désastreuse expérience Irakienne ” alors que Haïti à quelques mille de la Floride poussait comme une herbe folle dans le jardin des amériques ? Je pense à ce niveau, qu’il s’agit d’une interrogation de type oratoire dont la réponse est implicite !

Y aurait-il donc si peu de vertus en histoire ou se « perdent-ils dans les intérêts comme un fleuve dans la mer » pour reprendre ce vieux dicton de LaRocheFoucauld. L’histoire est coutumière de ces retournements d’alliance où le petit copain d’hier devient l’ennemi qu’on avait soi-même contribué à rendre redoutable, Ben Laden en est l’exemple le plus sanglant !

De même, l’échec américain en Irak, si il apparaît aux yeux de certains comme une « sévère raclée donnée à des forces impérialistes » ne doit pas faire oublier aux Arabes et aux Irakiens qu’ils sont aussi de grands perdants dans un conflit qui dégénère en guerre civile. Après la victoire de Hanoї lors de la guerre du Vietnam, les vietnamiens ont pu réaliser l’unité de leurs pays. Aujourd’hui, rien n’est sûr en Irak, qui offre le spectacle d’un Etat-nation décomposé. A Bagdad comme à Sadr city l’insurrection dévore ses propres « fils » parce que certains musulmans préfèrent prier le Prophète au lieu de son cousin, une longue histoire qui remonte aux origines du différend entre sunnites et chiites et qui débouche sur des massacres en série. Les américains pourraient perdre la guerre mais les Irakiens un pays...si cette logique confessionnelle n’est pas dépassée au profit de l’intérêt national irakien. Alors seuls les irakiens seront perdants, tandis que Américains, Iraniens, Syriens continueront implacablement leurs luttes d’influence au détriment de l’ancienne Mésopotamie en invoquant leur propre lecture de la solidarité. En Somalie, les Seigneurs de la guerre ont fait échec à l’expédition humanitaire internationale pour ensuite se livrer en toute « souveraineté » au dépeçage de leur propre pays dont la carcasse exsangue gît dans la corne de l’Afrique. Il y a donc « nationalisme » et nationalisme. Là encore, la nuance est de rigueur. L’échec de Lumumba au Congo et l’état crapuleux de la première République noire sont le fruit d’un infantilisme politique qui continue de peser lourd sur nos destins de peuples. Aujourd’hui nos deux pays sont sous mandat international pour avoir perdu le sens de l’histoire.

L’histoire d’Haiti regorge de faits qui ont sérieusement mis à mal notre slogan national « l’union fait la force ». Les ambitions des uns et des autres n’ont pas attendu deux ans après l’indépendance pour s’acharner sur le cadavre de l’Empereur ouvrant ainsi de manière spectaculaire le chapitre interminable des crises de notre Histoire. La maturité d’un peuple se mesure à sa capacitè à dégager de la faune sauvage des intérêts privés le minimun national nécessaire au progrès et à la stabilité. Alors seulement nous serons épargnés du discours condescendant de nos voisins et qui sait susciter l’intéret de ceux ou celles qui face à notre dénument détournent pudiquement le regard. Mais en attendant, il faut se donner les moyens de cette renaissance, en combattant avec la dernière rigueur, ceux dont les intérêts du moment s’opposent à la stabilité et au retour de l’investissement privé international sabordant ainsi l’intêret national. Les difficultés actuelles montrent que nous aurons encore besoin de plus d’alliés, au lieu de faire le vide autour de nous, sachons profiter de la solidarité offerte, tout en sachant que la gratuité absolue est un mythe, et surtout en travaillant à la rendre plus agissante. La véritable émancipation viendra, lorsque nous aurons conjuré les fantômes de la division, et alors seulement nous pourrons reconduire nos invités à la porte. Le faire avant et sans préparation, c’est se construire mentalement une sorte de « ligne Maginot » idéologique qui procurerait l’illusion de la souveraineté et de l’intégrité du territoire. L’historicité d’un événement vient de sa capacité dans un sens ou dans un autre à modifier le cours des événements ultérieurs. Son analyse déborde sa stricte réalité, puisqu’il convient d’en étudier aussi bien les conditions, en permettant la réalisation, que les effets à court ou long terme. Pour construire cet avenir de toutes les émancipations, n’oublions pas chemin faisant, ce projet annonçé de gouvernance sur vingt cinq ans, un peu à l’instar de l’Inde de Nehru aujourd’hui pays émergeant.

Roody Edmé

Global Voices en Français

‘‘Les noces de sang de cana”

Miri Elsi la porte-parole de l’armée israélienne est une femme aux cheveux courts, élégante, qui s’exprime dans un anglais impeccable. Tous les soirs sur CNN, elle vient expliquer les objectifs de Tsahal au Liban. Responsable de communication, elle pourrait faire partie du top ten des femmes les mieux habillées du monde publié régulièrement par la revue Vanity fair. Cependant cette jeune femme chargée de faire briller l’image de marque de l’armée israélienne a beaucoup de pain sur la planche depuis les terribles événements de Cana.

Comment en effet expliquer que l’une des armées les plus performantes du monde équipée à l’américaine, dotée de tout le bazar électronique pour des frappes dites chirurgicales ait pu provoquer autant de victimes civiles dans une opération d’autodéfense. C’est comme ce policier de New York qui mit par légitime défense quinze balles dans le corps du guinéen Diallo qu’il avait interpellé. C’est vrai que l’ordre de grandeur des victimes rend la comparaison insoutenable !

Quoiqu’il en soit, on nous avait tant vanté l’habilité des as de l’aviation israélienne qui n’avait d’égale que celle de leurs « cousins » d’Amérique de la US air force, qu’on a du mal à comprendre cette pluie de fer et d’acier dans le ciel de Cana. De quoi s’agit-il en fait ? Après une « quinzaine » de guerre, on se rend à l’évidence que l’opération déclenchée par Tel Aviv ne vise pas tellement la récupération de ses soldats enlevés que surtout la destruction du Hezbollah, identifié comme une carte iranienne dans le jeu complexe du Proche-Orient. Seulement Tsahal présenté récemment par le grand cinéaste Claude Lanzman comme l’armée professionnelle qui réchigne à tuer les civils est en train de se mettre à dos une grande partie de l’opinion mondiale, dans une opération militaire peu économe en dommage collatéraux.

Le peuple juif qui jouit dans le monde d’une grande sympathie à cause de ses souffrances, peut-il se permettre un tel déni historique ! Si l’on peut comprendre les peurs historiques d’un peuple au grand courage et, à la mentalité assiégée, fragilisée par la mémoire de l’holocauste, l’on ne serait accepter que ces peurs se transforment en arrogance meurtrière et fassent oublier les droits des autres peuples à disposer d’eux-mêmes.

La guerre déclenchée par l’équipe d’Olmert contre « l’axe du mal » prend dangereusement une connotation religieuse et s’apparente à celle tout aussi fanatique des islamistes radicaux. Vu sous cet angle, la région peut-être le théâtre d’un conflit de type moyen-âgeux dans ses objectifs inavoués mais sophistiqué quant aux capacités de destruction des armées du 21e siècle. Ester Benbasse, de l’école pratique des hautes études de Paris et juive d’origine s’inquiète : « nous connaissons le prix de l’indifférence qui a mené notre peuple à l’extermination. N’allons-nous pas élever la voix et exiger l’arrêt de cette escalade…».

Quant à la communauté internationale, elle fait pour le moment du sur place. L’Union européenne se contente d’un rôle virtuel et ne sait pas profiter de la longueur d’avance de sa diplomatie dans la région. Les Etats-Unis, les seuls ayant les moyens de leur politique, regardent ailleurs pour laisser le temps à Tsahal d’accomplir le « dirty job » de supprimer le Hezbollah avec qui ils ont un contentieux de plus de vingt ans, à l’époque du camion piégé lancé un beau matin de 1983 contre le baraquement des marines à Beyrouth. Dans son caractère excessif, cette guerre risque de renforcer les organisations extrémistes comme le Hezbollah et modifier l’équilibre fragile d’un Liban multi- confessionnel. Quand on vit dans un pays du tiers-monde, comme Haiti, on a du mal à accepter qu’une économie dynamique comme celle du Liban se retrouve, du jour au lendemain, sous l’effet d’un « Tsunami humain » en situation de détresse humanitaire. Quel gâchis ! Aujourd’hui au Proche-Orient a lieu une nouvelle métamorphose. David s’est transformé en Goliath ! Et cana ou l’eau dit-on fut changée en vin est aujourd’hui rouge du sang des enfants dont on aura du mal à prouver qu’ils cachaient des roquettes dans leurs coffres à jouets . Une collègue du journal m’a fait parvenir en espagnol cet extrait de Eduardo Galliano que j’ose vous traduire : « jusqu'à quand continuerons-nous à ignorer que tous les terrorismes méprisent la vie et se nourrissent mutuellement. La misère et la guerre sont les filles d’un même père. Jusqu'à quand continuerons-nous à accepter ce monde amoureux de mort, comme l’unique monde possible …».

Roody Edme

Global Voices en Français

De nouveau « Les sans-culottes » !

Le macadam brûle encore une fois à Port-au-Prince et cette fois il s’agit d’un lever de bouclier contre la présence onusienne au pays. Une initiative partie de l’université gardienne du drapeau, ergo de la souveraineté nationale. Une manifestation de la conscience jeune qui fait dire à certains que " Ayiti pap mouri ".

Cependant, chaque fois que la fumée noire des pneus enveloppe la ville, on ne sait jamais ce qui s’y dissimule. Depuis 1946, les intenses moments de mobilisation, les jubilations révolutionnaires ont toujours été suivi de période de désillusions et de gueule de bois. Chez nous la mobilisation prend souvent des allures de " fièvre convulsive ", elle est soudaine, frénétique, intermittente et retombe après avoir été joyeusement manipulée par des secteurs politique plus madrés.

C’était ainsi en 46,86, la récente conjoncture de la transition ne nous ferait guère mentir !

Aussi, si c’est tonique de voir des jeunes marcher unis en cette année Dessalines ; si l’on est honteux et mécontent comme eux de notre perte de souveraineté, j’ai envie de dire que ce n’est pas la faute aux autres comme d’habitude… mais à nos traditionnels jeux de massacre.

Que feraient les voisins chez nous, si nous n’avions pas crié au feu. Comme toujours dans ces cas, tout le monde est Ponce Pilate, personne n’aime le rôle de Judas. C’est tout simplement, dans le but d’attendre, au tournant, pour " surfer " sur la crête de la nouvelle mobilisation, on ne sait jamais ou elle peut mener. N’est-ce pas ?

Seulement, il faudra faire attention et ne pas gaspiller une fois de plus toute cette belle énergie à force de vouloir aller trop vite. Je veux dire qu’il faille tenir compte des leçons de l’histoire pour ne pas recommencer les mêmes horreurs, pardon, erreurs !

Et puis, à quoi bon demander aujourd’hui le départ de l’ONU pour qu’elle revienne trois mois plus tard après une " nuit des longs couteaux ". Une fois que l’équilibre des forces sera rompu, ceux qui détiennent une puissance de feu supérieure à une police en demi teinte, affaiblie encore plus par des frasques judiciaires, s’assureront la maîtrise des évènements et ce sera encore isolement, embargo ou mise sous tutelle officielle. C’est le propre de l’Université de se mobiliser pour des idéaux nobles que nous tous nous partageons, mais le courage n’est pas toujours une vertu en politique, s’il ne s’accompagne d’une vision à court et à moyen terme. C’est pour cela, que je souscris à l’opinion d’un collègue pour la mise en place d’un calendrier raisonnable de retrait de la dite force.

Nous devrions d’abord répondre à quelques questions essentielles avant tout mouvement précipité : Sommes nous prêt à cohabiter pacifiquement avec toutes les forces politiques anciennes et nouvelles qui pointent sur le terrain ? Sommes-nous toujours fascinés par le sang qui coule à Bagdad au point de vouloir le reproduire chez nous sur une base trimestrielle ? Avons-nous déja mis en place, la nouvelle force nationale de défense et réfléchi à comment empêcher qu’elle soit détournée dès les fonds baptismaux par des parrainages trop empressés d’ailleurs et d’ici ? Avons-nous entamé le débat national et la définition de l’agenda qui nous permettra de sortir de l’humanitaire ?

C’est la responsabilité des politiques d’expliquer leur démarche et de montrer le bout du tunnel. C’est de la responsabilité de ceux qui viennent nous aider de le faire avec plus de résultats. Cet ouragan qui germe derrière l’écran de fumée de nos manifs est aussi le produit d’une certaine frustration, surtout quand certains s’en vont raconter chez les voisins que nous sommes en faillite. Ce n’est pas nous aider que de remuer le couteau dans la plaie. Quoiqu’il en soit par delà les déclarations émotionnelles ou calculées des uns et des autres, les slogans de notre indépendance : libète ou lanmò, koupe tèt boule kay, ne peuvent plus être mélangés à toutes les sauces idéologiques et politiques...cela aussi est de la profanation.

A quelques semaines d’élections annoncées et, des fêtes de fin d’année, dont on espère qu’elles permettront pour une fois, un début de reprise pour le commerce et l’industie du spectacle, je doute qu’il faille se mobiliser dans tous les sens comme un peuple de « fourmis folles », en tirant chacun de notre côté le testament de nos ancêtres au risque de le réduire en miettes.

Roody Edmé

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Islamisme et Tolérance


Le monde entier a pu voir sur le petit écran, les manifestations de colère des foules islamistes en furie contre les caricatures jugées injurieuses pour le Prophète Mohamed diffusées dans la presse danoise. La violence de ces manifestations témoigne de la profonde offense ressentie par ces musulmans face à des caricatures qui, en Occident, participent d’une culture de la dérision et même, une telle pratique, est considérée comme une manifestation de la sacro-sainte liberté d’expression des médias occidentaux.

Et alors ? Quel sens accordé à tous ces bruits et fureurs qui secouent le monde arabo- musulman ? Il se trouve que l’humanité est assise sur une poudrière, celle d’un Moyen-Orient polarisé par la montée de revendications ethno-religieuses, autour d’un islamisme de plus en plus triomphant dans les esprits.

Un islamisme qui s’est engouffré dans le vide laissé par le déclin du nationalisme arabe jadis incarné par un Gamal Abdel Nasser ou même le vieux roi Faysal d’Arabie Saoudite, tous les deux décédés. Cet islamisme pur et dur qui descend en droite ligne du pouvoir religieux totalitaire de Komeyni s’est propagé au Moyen-Orient à la fois comme une réaction contre des régimes arabes dictatoriaux et corrompus soutenus par l’Occident, mais aussi contre l’occupation israélienne de la Palestine. On peut dire qu’il trouve son ferment dans une certaine arrogance d’une pensée occidentale et totalisante, rendue unique par les puissants moyens d’une technologie aussi attrayante qu’agressive.

D’où le besoin dans le monde arabe de répondre à CNN, voix et images de l’Amérique dans le monde, par des chaînes de télévisions comme Al-Jazyra ou Al-Arabia qui présenteraient les vues du monde arabe.

Ce sont donc à n’en pas douter des manifestations d’une résistance culturelle et politique à un certain impérialisme des Etats-Unis, leader de l’Occident. Mais attention à tout schéma réducteur. L’islam politique et radical s’enracine aussi dans les fracturations et la pauvreté des masses arabes et, il faut le dire, une certaine timidité de l’islam profond et modéré qui n’ose pas assez confronter le discours extrémiste d’imams radiaux qui, prétendent détenir le monopole des interprétations du coran, comme le font certains fondamentalistes chrétiens pour la bible. Or justement, ce n’était pas le moment pour une telle provocation dans la presse occidentale, provocation largement relayée sur l’internet. Si l’on adhère au principe de la liberté d’expression, elle implique aussi très certainement, celui de la responsabilité. C’est un vieux débat qui n’a pas fini de faire couler de l’encre et malheureusement du sang dans ce cas précis.

Il y a aussi, il faut l’avouer, quelque chose d’inquiétant dans cette fièvre fanatique qui secoue le Proche-Orient et, le « patriotisme nucléaire » iranien est à prendre avec des pincettes.

Le monde doit trouver de nouvelles formes de cohabitation, non plus des idéologies, mais des valeurs culturelles et religieuses. Le président Chirac a récemment évoqué la "force de frappe" nucléaire française dans une allusion à peine voilée aux crispations apparues dans les relations entre l’Iran et la communauté internationale. On parle aussi d’une éventuelle initiative militaire israélienne dans la même direction. Si le discours sulfureux du chef d’État iranien Amadjinedad mérite d’être condamné, la communauté internationale doit veiller à tout effet de contagion dans l’escalade. Quoiqu’il en soit comme l’estime un confrère de la presse brésilienne, le mérite de ces tristes évènements a été au moins de montrer que la liberté d’expression, pilier des droits fondamentaux n’est pas une œuvre toute faite, achevée et sacrée. Nous devons continuer à la mériter.

Roody Edme

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Le soleil se lève à l’Est

Les journaux spécialisés des Etats-Unis et d’Europe regorgent d’articles consacrés à la Chine et à l’Inde : deux puissances émergentes d’une Asie désormais multipolaire. Si ces deux pays posent un nouveau défi sur le plan des relations internationales, le principal adversaire aux yeux des experts de Washington demeure la Chine millénaire et encore mystérieuse, malgré sa présence plutôt «massive» sur les circuits commerciaux mondiaux.

Un géant dont les ambitions sont aussi grandes que sa taille géographique et qui a déjà montré sur le théâtre commercial européen ou latino-américain ses énormes capacités exportatrices. Pékin, malgré ses préférences idéologiques affichées, semble plutôt faire preuve de pragmatisme, prenant en compte les seuls intérêts vitaux d’une Chine expansionniste. Tour à tour offensif et conciliant, les dirigeants chinois ont abandonné toute forme d’orthodoxie pour une harmonisation de leurs relations avec qui veut bien recevoir leurs produits ayant, depuis Deng xio Ping adopté le commerce comme deuxième «langue nationale» après le chinois.

Ainsi s’explique leur rapprochement avec New Delhi, une ancienne rivale déclarée. La chine est prête à faire jouer certaines solidarités asiatiques notamment sur la question énergétique, dossier tout de même préoccupant, pour ces deux pays aux taux de croissance qui font rêver. Soufflant le chaud et le froid sur ses rapports avec Taiwan, n’hésitant pas à infliger à cette dernière un « set back » diplomatique dans ses relations avec Haïti, elle a tout de même cessé de menacer ouvertement Taipeh et arrêté ses manœuvres militaires pour le moins provocatrices en mer de Chine. Si la Chine a conscience de son poids politique dans une Asie rayonnante de santé économique, elle refuse pour le moment toute confrontation hégémonique avec l’Inde et même le Japon.

L’inde pour sa part occupe désormais un siège permanent au sein de l’association des nations du sud-est asiatique et s’arrange par une série d’accords commerciaux régionaux pour renforcer ses liens privilégiés avec nombre d’états de la région. Elle a en outre, une présence militaire maritime bienfaisante dans le détroit de Malacca, propre à décourager les pirates qui écument la sous région.
Pékin et New Delhi ne sont nullement intéressés à se « crêper le chignon » à un moment où les deux géants ont soif de pétrole, précieux liquide qui fait carburer leur croissance. Les deux capitales se sont même données la main dans la recherche de l’or noir et s’emploient à éviter toute concurrence qui ferait s’enflammer encore plus le cours du bruit.
Et ce, malgré le coup de poker de la Maison Blanche qui a récemment reconnue à l’Inde, le statut de puissance nucléaire, en coopérant ouvertement avec elle, échangeant même de la technologie sensible, classée
"secret défense" et sûrement interdite à sa voisine la Chine.

L’Amérique est-elle en train de faire "ti difè boulé" entre deux puissances nucléaires tranquilles et amicales mais qui ont tout pour s’opposer. Si les américains semblent "passer la pommade aux indiens" ce n’est sûrement pas à cause du Taj Majal ou de la réputation sans cesse grandissante de Bollywood, c’est plutôt à cause de cette remarque de John Negroponte, nouveau tsar du renseignement américain : « l’influence de la Chine ne cesse de s’étendre, si bien que celle-ci risque de devenir un jour un adversaire susceptible de concurrencer à armes égales avec les Etats-Unis »

L’Inde dont la force aérienne a été longtemps dominée par la présence de migs de fabrication russe, se payera bientôt des F-16 et F-18 ultrasophistiqués venant des Etats-Unis. L’Amérique utilise la stratégie du contrepoids face à une Chine de plus en plus remarquable, à la croissance dopée. Mais l’Inde aussi doit veiller à l’équilibre fragile d’une région à qui semble appartenir l’avenir. Les jeux sont loin d’être faits et toute la sagesse millénaire de l’Asie sera soumise à rude épreuve.

Roody Edmé

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“Le chemin de Damas”

« La Syrie devra rendre des comptes » déclare le président Bush, suite à l’escalade militaire en cours dans la région. Cet avertissement a été relayé par John Bolton, l’énigmatique moustachu représentant de la puissante Amérique au conseil de sécurité de l’ONU. C’est vrai que dès qu’on mentionne le Hamas et le Hezbollah, on voit le parrainage de la Syrie qui soutient à sa manière, la cause palestinienne.

On rapporte ici et là dans les médias occidentaux que la puissance de feu du Hezbollah a été décuplée grâce aux nouveaux tubes de missiles fournis par Damas.

Ces nouveaux équipements mettent la banlieue de Tel Aviv à portée de tirs et, le Hezbollah, par sa force armée d’environ 40.000 miliciens et son appareil politique est devenu au Liban, un État dans l’État. Le « parrain » du Hezbollah s’appelle donc Bachar El Assad. Pourtant, l’homme ne jouit pas dans la région de l’aura de son père, l’ancien président Afez El Assad, un des symboles du nationalisme arabe, de la génération du bouillant colonel libyen Khadaffi, quelque peu refroidi depuis l’affaire Lokerbe. Le fils Assad est plutôt du genre timide, on le voit plus souvent à la télévision prendre le thé avec un émissaire occidental en mission dans la région qu’en harangueur de foules. Du style « barbouze », les récentes opérations des services secrets au Liban ont quelque peu terni son image en Occident et, l’assassinat de Rafik Hariri a particulièrement éclaboussé sa présidence. Cependant, l’homme un tantinet discret ne reprendra jamais à son compte les déclarations de son voisin iranien Ahmadjinedad à propos d’Israël, mais on ne sait pas s’il en pense moins.

C’est un politicien qui avance masqué sans faiblir dans sa détermination. Il n’est pas dans son plan de confronter directement Israël, au contraire, cela ne le déplait pas de voir Tel Aviv enfilé un peu grossièrement le costume d’agresseur, ce qui aura pour effet de susciter plus de martyrs pour la cause arabe. N’oublions pas que la plupart des combattants qui connaissent en Irak une « fin explosive » viennent des camps palestiniens où s’allient désespérance et misère. En laissant le Hezbollah provoqué Israël et déclenché les foudres de Tsahal, Damas a peut être voulu montrer que sans sa présence dissuasive le Liban n’a pas d’avenir. La manœuvre syrienne n’a pas échappé à Washington. Le président Bush a lors du G-8, confié à son ami Tony Blair ses impressions sur la question. Sans savoir que son microphone était encore ouvert, il a lancé une expression qui, les médias aidant, deviendra aussi célèbre que le mot de Cambronne. Damas affirme-t-il doit « stop doing that shi … » allusion on ne peut plus claire à la situation actuelle au Proche-Orient. A propos du G-8, le club des pays les plus puissants au monde ne s’est pas trop engagé sur le conflit. D’abord parce que Washington veut laisser du temps à Israël pour détruire la puissance de feu du Hezbollah, ensuite obnubilés par le prix de l’essence, les leaders de la planète sont quelque peu grisés par l’odeur du gaz russe. Pour le moment, la priorité est donnée à l’évacuation de leurs ressortissants que certains jugent « too little too late » dans le cas des américains. Entre-temps, la guerre fait rage et l’on craint à la vue des quartiers éventrés de Beyrouth, une radicalisation de la rue arabe. Un général, David Pétrus, commandant de la 101e division de l’armée américaine, cité par le International Herald Tribune a écrit : « une opération qui tue cinq insurgés est contre-productive si ses efforts collatéraux entraînent le recrutement de cinquante nouveaux rebelles ». On rappelle que c’est lors de l’offensive de 1982, qu’un certain Oussama Ben Laden conçut sa haine d’Israël et de l’occident. Quelle sorte de mutants émergera donc de cette nouvelle guerre ? Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, prophète enturbanné aux accents churchilliens, est un adversaire cruel et sophistiqué mais il n’est pas tout seul, il y a Damas, Téhéran et, la technologie militaire nord-coréenne. Comme on dit chez nous « dèyè mòn gen mòn ». En attendant, le conflit entre dans une impasse sanglante et ceux qui comme moi, sont restés tard devant leur petit écran jeudi soir, pouvaient voir se déployer une banderole, sur la place du Trocadéro à Paris, portant l’inscription « Beyrouth, capitale de la douleur ».

Roody Edmé

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LE VERDICT

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L’Amérique a parlé, le peuple a redistribué les cartes. Les démocrates ont désormais la majorité à la chambre des représentants et au moment d’écrire cet article la bataille pour le sénat était très serré. Le président Bush, tirant rapidement les conséquences du vote, a annoncé le départ de Donald Rumsfield et son remplacement par le Dr Robert Gates au Pentagone.

Le check and balance a encore une fois fonctionné dans la plus puissante démocratie du monde. C’est vrai que l’électorat conservateur malmené par les scandales de mœurs qui ont secoué son leadership n’a pas répondu aux attentes de Karl Rove, le stratège du parti républicain qui tablait sur un certain populisme de droite. En Virginie par exemple, Georges Allen du parti républicain et Jim Weeb du parti démocrate ont fait campagne en portant des bottes (texanes) pour Allen, tandis que Weeb montrait ostensiblement ses bottes d’ancien combattant des marines. Surprenante Amérique où porter des bottes, c’est tout un programme !

En dehors de questions renvoyant à l’autorisation ou nom du mariage Gay ou à quelques faits relevant du folklore local; jamais depuis la guerre du Vietnam, l’international n’avait eu une telle priorité dans le débat politique aux Etat-Unis. Dans une Amérique souvent tentée par l’isolationnisme, l’Irak s’est peu à peu imposé comme une problématique vitale, chaque soldat tombé sur le sol irakien est originaire d’une contrée de l’Amérique profonde qui ne pouvait pas ne pas se sentir concernée par l’ampleur des pertes. Le pays de Wilson et Monroe a certes l’habitude de gagner des guerres et est convaincu de son rôle de leader du monde libre, seulement quand la bataille semble perdre de son sens et est de plus en plus critiquée " at home ", le moral des hommes de troupes en prend un coup et cela rappelle l’Indochine. Et défilent les images des rizières en feu de Quan tri, du massacre de May Laї, de l’enfer du golfe du Tonkin qui s’apparente à ce qui s’y déroule aujourd’hui dans le golfe persique. Toute une géographie douloureuse qui revient dans la mémoire des anciens combattants et d’une certaine jeunesse " Peace and Love " des années 70, à l’époque de chansons rebelles de Bob Dyland ou de Joan Baez. Toutefois les guerres ne sont pas toutes " justes " et n’ont pas le prestige du débarquement en Normandie, de la libération de Paris ou même de l’opération punitive contre les talibans après le " jour d’infamie " du 11 septembre 2001.

Surprise et choquée après la provocation ultime du 11 septembre, l’Amérique riposte à l’aveuglette en cherchant à éliminer les " Etats voyous " dans un Proche-Orient où gisent les réserves stratégiques en pétrole de la planète. Le plan du grand Moyen-orient démocratique concocté dans les cercles " neocons " à Washington s’est heurté au pourrissement de la question palestinienne qui s’enfonce dans une conjoncture on ne peut plus boueuse, la dernière opération militaire israélienne baptisée " nuage automne " ne laisse place à aucune éclaircie.

Il faut donc une autre politique pour le Moyen-Orient qui laisserait plus de place au multilatéralisme, de même pour l’Amérique latine qui refuse désormais l’étiquette de " banana Republic " et qu’une féconde littérature de Miguel Angel Asturias à Gracia Marquez évoque avec lyrisme.

Les démocrates semblent vouloir proposer cette redéfinition de la politique étrangère et répondre à cette question qui hante la mémoire collective de ce puissant pays : " Sommes-nous une exception ou un exemple ? ". Nancy Pelosi sera peut-être la présidente de cette nouvelle majorité et c’est elle, première femme, à ce poste qui devra venir avec des propositions nouvelles en politique étrangère et les négocier avec un président Bush diminué mais qui dispose quand même du droit de veto. Quelles sont les options qui s’offrent désormais à un président habitué à gouverner avec une majorité qui lui est acquise ? Faire un peu à la manière de Clinton en 1994, dirigé un peu plus au centre, ou passé deux années dans un combat politique interminable en attendant les présidentielles. A propos, dans chaque camp on voit apparaître de grosses pointures susceptibles d’incarner l’espoir pour leurs partis respectifs : Jhon MC Cain pour les républicains et Hillary Clinton et ou Barak Obama, ce brillant avocat diplômé de Havard pour les démocrates. Quoiqu’il en soit au # 3 de la rue Goulag, à la maison du journal, nous suivrons pour vous la prochaine campagne présidentielle où on annonce entre autres, peut-être une autre femme noire candidate... Condee Rice.

Roody Edmé

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Le Réfugié et la mer …



Le Hamilton est le nom d’un vaisseau de guerre de la marine des Etats-Unis. Il est connu des populations des côtes d’Haiti et de la région Caraïbe. C’est un navire chasseur de proies, plus précisément de réfugiés risquant leurs vies sur de frêles esquifs. On n’échappe pas facilement au Hamilton, maître des eaux. Comme Agwe, le dieu vaudou de la mer, il connaît tous les chemins de l’océan, mais c’est pour mieux barrer la route à ceux qui cherchent à entrer par la porte étroite du "paradis américain". Si le dieu Agwe est un être immatériel, même si, puissant, dans l’imagerie vaudou. Le Hamilton, lui, est troublant par sa présence massive à la lisière de nos côtes.

Les réfugiés revenus de leur dangereuse escapade disent toujours l’avoir rencontré sur leur chemin désespéré. D’autres tout en ayant froid dans le dos, racontent à leurs enfants les prouesses de ce navire qui ne laisse pas de chance aux asilés de la mer. Ceux qui écoutent avec attention, ce que la tradition orale a fait de ce bateau se demandent s’il s’agit d’un quelconque navire-fantome ou, d’un dangereux "galipot", esprit malfaisant de nos contes et légendes. C’est que, grâce à ses puissants radars, le Hamilton a les "yeux" partout et fait échec aux tentatives désespérées de ceux qui fuient la misère. Embusqué derrière l’île de la Tortue ou fonçant à des mille nautiques sur le canal du vent, son profil d’acier lui donne l’allure conquérante de l’aigle impérial. Et s’il vous attrape, vous passez quelques heures sur son magnifique pont, en « territoire flottant » d’Amérique. En face de vous, le visage dur et les mains gantés des soldats de la marine des Etats-Unis dressés dans l’accomplissement de leur devoir.

Mais le Hamilton n’est pas qu’un obstacle insurmontable sur la route de l’Amérique, il est aussi une froide nécessité, lorsque par exemple, la mort par soif ou par noyade guette les réfugiés : De "cerbères", les marins du cuirassé deviennent des anges gardiens qui sauvent la vie de leurs futurs prisonniers. Le navire américain a aussi une "sœur jumelle" plus accueillante, plus riante et battant pavillon espagnole, elle croise dans les mers du sud de l’Espagne et monte la garde aux portes de l’Europe méditerranéenne. L’Esperanza del Mar, c’est le nom de ce navire-hôpital, qui part tous les matins à la recherche de réfugiés venant du Maghreb. Des témoignages recueillis par le quotidien espagnol "El pais" décrit la vie souvent difficile à bord de cette unité de la marine de sa majesté Juan Carlos. Depuis quelques mois, l’équipage travaille dur à récupérer des centaines d’immigrants qui tentent d’atteindre les îles canaris à bord de pirogues de pêche.Une fois selon le journaliste Tomas Barbulo du même quotidien, l’Esperanza del Mar est arrivé au port avec 26 cadavres à son bord. Cette fois, ce ne sont pas, affirme-t-il, les couloirs qui ont manqué d’espace, mais la morgue du bateau. L’Esperanza del Mar poursuit depuis le mois dernier son parcours solitaire et ses champs d’intervention s’étendent désormais aux mers du Sénégal et du Cap-vert.

Le monde d’aujourd’hui n’a jamais connu autant de réfugiés que ces deux dernières années et en réaction, la xénophobie n’a jamais été aussi forte. La charte des droits de l’homme est malmenée dans beaucoup de coins de la planète où abondent ceux qui, en quête d’un mieux être ne sont pas pour autant bienvenus. Les « Cottard » de service, à l’instar de ce personnage d’un roman de Camus, profitent de cette nouvelle « peste » de l’intolérance pour, dans les dortoirs clandestins de Paris ou même de Buenos Aires faire chanter cette main-d’œuvre taillable et corvéable qui craint l’expulsion. La réponse du monde développé à cet épineux problème consiste dans l’urgence de nouveaux murs érigés un peu partout et dans des lois dures sur l’immigration, des mesures répressives et expéditives qui sont loin de toucher le fond du problème et qui enferme les grandes puissances dans un ‘’autisme’’ économique qui nous éloigne d’un nouvel ordre planétaire plus juste.

Le monde a mal de vivre et, les pauvres de partout redeviennent nomades, à l’instar de nos réfugiés qui jouent à cache cache avec le Hamilton et leur propre destin. Mais la solution est ici, plus qu’ailleurs.

Roody Edmé

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L’année Dessalines : Un Tournant ?



Le 17 octobre 2006 a été clôturé l’année Dessalines. A la faveur de cet événement se déroulèrent de nombreuses manifestations à caractère historique et culturel. Par delà, les « bruits et fureurs » qui accompagnent une telle commémoration, à signaler ici et là, quelques articles ou émissions de radio et de télévision qui ont permis une mise en perspective de l’assassinat de l’empereur. Une réflexion qui nous a porté à interroger profondément notre passé et à établir la mise en contexte avec le présent.

Parmi d’autres textes offrant des pistes interessantes de réfléxion, relevons l’article de Faubert Bolivar soumis à Alter Presse, dans lequel il fait une lecture sémiotique des grilles traditionnelles d’appropriation de notre passé. Pour faire vite, il questionne les rapports entre « l’esprit » et le « corps » dans le discours historique haïtien. Toussaint Louverture, le visionnaire, le politique, serait « l’esprit » et Dessalines l’exécuteur du « testament » louverturien : « le corps », « le soldat », le guerrier qui parachève l’œuvre et les « voies impénétrables » du précurseur. Jouant admirablement sur le couplet histoire et littérature, lieu de parole et lieu de révolution, Bolivar soulève le voile des mythes constitutifs de notre discours historique certes, mais aussi analyse celui des acteurs eux-mêmes, ce qui permet de les établir dans leur grandeur et… humanité.

Les festivités autour du 17 octobre ont vu, par ailleurs, se transformer le bas de la ville débarrassé de ses piles d’immondices et, le peuple de la grand-rue retrouvé un peu de dignité. Une ville enfin parée pour une occasion spéciale et dont on garde l’espoir qu’on ne la laissera plus s’enfoncer dans l’indigence et l’avilissement par l’insalubrité. Alors seulement, nous ne serons plus des citoyens d’une commémoration, mais les dignes filles et fils de ceux que nous aimons tant célèbrés, les citoyens d’une Haïti qui renaîtra de ses cendres. Quoiqu’il en soit, ce 17 octobre, représente un point de départ pour continuer la réflexion contradictoire et enrichissante sur un passé que nous ne saurions éclairer que par nos actions au présent. Chapeau à certains des intervenants pour leur érudition mais aussi leur prudence méthodologique dans un pays habitué au « voye monte » et suivant le mot de Glissant, au « délire verbal » produit d’une perte de sens et de nos difficultés à avoir prise sur le réel. J’invite l’université et la société haïtienne d’histoire a relayé ces débats refondateurs de notre identité de peuple.

Notre société abasourdie de violence et de misère a besoin de se redéfinir pour tenter de changer le cours de l’histoire et construire enfin une société digne et tolérante. Nous avons trop souvent été libéraux, marxistes, anarchistes, aristidiens, putchistes et jamais assez haitiens. Cette terre lavée comme une grève compte trop de morts par balles. Depuis le 17 octobre 1806, nous n’avons pas su arrêter l’hémorragie et chaque jour un des nôtres tombe sacrifié face au soleil à cause de cette malédiction de la mort de l’Empereur. Il y a quelque chose de tragique dans cette fatalité meurtrière que nous ne pourrions conjurer que par une grande thérapie réconciliatrice après nous être humblement soumis au devoir de vérité.

Roody Edmé